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Lettre d’un-e GILET JAUNE à la GAUCHE RADICALE

posté le 19/01/19 par Un gilet jaune qui veut la révolution Mots-clés  luttes sociales  alternatives 

Nous vivons une époque exceptionnelle. Depuis le 17 novembre, un souffle nouveau parcours le pays et au-delà. « Rien ne sera plus comme avant », c’est ce que l’on peut entendre de la bouche de ceux qui occupent les ronds-points, manifestent, subissent la répression et la violence de l’état, et c’est même ce que l’on peut entendre de la bouche des journalistes des médias dominants… c’est dire !...

Cependant, ce qui saute aux yeux dans ce mouvement, c’est l’absence, ou la quasi-absence, dans bien des endroits, de la gauche radicale, et nous entendons par là cette gauche qui anime les mouvements sociaux depuis des années : autonomes, anarchistes, syndicalistes combatifs etc.
Encore bien des "camarades" regardent ce mouvement de loin, y participe de l’extérieur, le soutiennent sans en être pleinement, ou même pour certain-e-s restent toujours réticent-e-s.

Si au départ ce mouvement pouvait soulever bien des interrogations quant à son caractère politique, ses objectifs, sa nature, aujourd’hui nous y voyons plus clair : il s’agit d’un authentique mouvement populaire, prolétarien, qui embrasse avec lui tout le prolétariat, tel qu’il est, avec ses préjugés, sa radicalité, son courage, sa capacité de bienveillance et de solidarité etc. Que la gauche radicale ait le plus grand mal, pour une part, à entrer dans ce mouvement et à y trouver sa place : c’est ce qui est des plus inquiétant !

C’est le signe de son isolement, de sa consanguinité de trop longue date, de sa déconnexion d’avec le « vrai monde », de son incapacité à s’extraire de son « petit milieu ». Et si le peuple doit changer, alors il n’y a pas de meilleur moment et de meilleur endroit que dans ce mouvement ! Les gens luttent, bouleversent leurs certitudes, évoluent à une vitesse incroyable. Parlez de la ZAD à n’importe quel gilet jaune aujourd’hui, vous aurez une oreille attentive peut-être 7 fois sur 10 quand vous en auriez eu peut-être 2 il y a encore quelques mois.

Et plus concrètement, si au départ du mouvement, le fait que les forces organisées des luttes de ces dernières années se soient tenus quelque peu à l’écart a pu permettre d’expression d’une belle spontanéité, la naissance d’un mouvement inédit par bien des aspects, épousant des formes nouvelles et nous apprenant de nouveaux possibles, aujourd’hui elle devient jour après jour plus nécessaire.

A mesure que ce mouvement se rôde, persiste face à un pouvoir autiste, essuie toujours plus durement la répression juridique et les violences policières, à mesure que le mouvement aussi se radicalise dans les volontés, dans le contenu des actions organisées, la présence de cette gauche radicale restée dans bien de endroits sur le bas côté, ou intervenant du bout des doigts devient plus que nécessaire.

Les fautes politiques et l’entêtement du pouvoir, l’escalade de la violence dans bien des villes, l’expérience des combats de rue, l’accumulation des mutilés, blessés, morts, emprisonnés, voilà autant de facteurs qui pourraient conduire à penser que ce mouvement pourrait se radicaliser. Et en réalité il se radicalise déjà, de nombreuses actions ou situations quasi-insurrectionnelles animent certaines villes, et pas seulement à Paris loin de là !

Sauf que bien souvent, ceux qui se radicalisent sont à l’image des gilets jaunes : nouveaux venus dans les mouvements sociaux, sans aucune expérience de la lutte, sans connaissance juridique, sans savoir faire en termes d’organisation etc. Les règles les plus basiques de sécurité pour organiser une action sont allègrement ignorées ! Le risque dans ce contexte est tout simplement une répression à peu de frais pour le pouvoir, qui décapiterait le mouvement de ses éléments les plus énergiques. Et ce risque est déjà devenu une demi-réalité…

L’expérience des années de luttes derrières nous doit se transmettre ! L’héritage des luttes passées, récentes ou plus anciennes ne doit pas être perdu pour ceux croise le fer avec le pouvoir pour la première fois, et ils sont les plus nombreux ! Économisons-nous de refaire toute l’expérience, souvent amère, des luttes passées. Il faut prendre notre place, et toute notre place dans ce mouvement.

Chacun peut-être gilets jaunes. Le gilet jaune rallie simplement ceux qui lutte contre un système, qui acceptent de mettre de côté une identité politique ou syndicale, une étiquette, pour se fondre quelque peu dans le grand mouvement subversif qui se dessine. Le gilet jaune c’est celui qui a compris que ce n’est ni une loi qu’il faut retirer, ni des miettes qu’il faut ramasser, mais que c’est un monarque et son système qu’il faut renverser, que c’est une société qui ne tient plus, qui ne permet plus la vie, dans toute sa plénitude, pour un nombre toujours plus grand de ses habitants, qu’il faut changer de fond en comble.

Et celui qui conteste ce sens que nous donnons au gilet jaune, qui cherche à lui substituer un sens plein de ces petites haines qui oppose le peuple contre lui-même, et bien nous lui contestons ce sens. Nous ne quitterons pas le navire pour quelques rats. C’est un système dans son entièreté qu’il faut faire tomber ! C’est une classe, la classe des riches, la classe bourgeoise qu’il faut destituer ! Et c’est toute la classe bourgeoise, et non telle ou telle fraction, et non seulement la famille Rotschild !

    • Dans ce mouvement, ou grâce à lui, les masques tombent. La gôoooche caviar qui se disait défenseur du pauvre s’horrifie devant tant de brutalité, de vulgarité, de « beauferie »… Elle défend le pauvre tant que celui-ci « ferme sa gueule », et le jour où il l’ouvre, elle lui demande expressément de se taire le plus rapidement possible, et de cacher « ces chicots qu’elle ne saurait voir » !

- Le Rassemblement National de la bourgeoise Marine Le Pen se « désolidarise des violences », les contradictions entre son soutien aux forces de cette ordre social, qui garantit au pauvre la pauvreté et au riche la richesse, et son apparente opposition au système éclate au grand jour. De même que son opposition aux revendications salariés comme l’augmentation du SMIC met en lumière son attachement aux intérêts d’un petit et moyen patronat national, au détriment de celui de millions de travailleurs.

- La droite républicaine après un cours soutien au début du mouvement, dans une optique électoraliste et politicienne bien entendu, a bien vite fait machine arrière devant le caractère subversif que prenait le cours des événements et réclame aujourd’hui à grand cris « le retour de l’ordre public ». 1789 avait bien commencé par une révolte d’une partie de la noblesse contre la monarchie…

- L’extrême droite fascisante elle, et c’est le plus grave… se prépare à la révolution. Samedi 19 janvier à 15h, des figures de l’extrême droite française tel Alain Soral, Yvan Bennedetti ou Jérome Bourbon organiseront une réunion publique. Le thème de celle-ci est… « Gilets jaunes, ou la révolution qui vient ! ». Pied de nez incroyable à l’ultra-gauche, ce titre met en valeur quelque chose de fondamentale : l’extrême droite et l’ultra droite ont pris la mesure de ce qu’il se passe aujourd’hui en France et ailleurs, de l’importance que cette période revêt, de son caractère annonciateur d’un avenir révolutionnaire et s’y préparent dès aujourd’hui. Cette même "lucidité" (ou récupération) ne semble pas aujourd’hui à l’œuvre dans une partie au moins de l’extrême gauche révolutionnaire, et c’est bien le drame…

    • Car au-delà des besoins immédiats du mouvement des gilets jaunes : besoin d’expériences de lutte, de connaissances juridiques, de savoir-faire etc. Ce sont aussi les perspectives pour la suite qui rendent nécessaire un investissement, et des plus conséquent dans ce mouvement.

Il faut bien le comprendre : le processus révolutionnaire est engagé !

répétons :

un process révolutionnaire est engagé !

Tout porte en tout cas à le croire. Aucune issue ne se profile aujourd’hui pour ce pouvoir. Ce pouvoir tombera tôt ou tard, dans quelques jours, quleques mois ou quelques années, mais il tombera. La question pourrait être alors, comme elle l’a été en Ukraine, en Tunisie ou en Lybie : que fait-on ensuite ? Et c’est à ce moment précis que la belle unité des forces opposées au pouvoir risque fort de se fissurée…

Lutte

Ce qu’il ressortira de cette chute du pouvoir en place dépendra très précisément de toute la lutte qui aura été menée, dans chaque lieux, villes et villages. Des liens qui se seront tissés à chaque endroit névralgique de ce corps en mouvement, de leur texture. C’est aujourd’hui même que nous préparons « l’après ». Et si la gauche radicale est absente, ou relativement absente de ce mouvement, il y a fort à parier qu’elle ne soit pas en position pour ne pas l’être après l’éviction du pouvoir en place…

Appel

C’est pourquoi un appel doit être lancé. Il faut prendre la mesure de la situation : une révolution est probablement en gestation. À chacun de se consacrer pleinement à cette lutte. Les tâches et petits travaux du quotidien doivent, autant que possible, être reportées. Nous devons être disponible et investit, et nous devons l’être à 200 %. Sans quoi d’autres prendront notre place, et nous pourrions le regretter amèrement demain…

« Nous ne luttons pas dans le peuple « comme un poisson dans l’eau » ; nous sommes l’eau même » disent les textes… Et bien soit : l’eau aujourd’hui elle est jaune !

A nous de nous rendre ou d’organiser nous-mêmes les actions, les blocages, d’entrer en contact avec les groupes existants, de chercher la coordination, d’agréger autour d’actions pertinentes politiquement ou économiquement les éléments les plus combatifs qui se mettent aujourd’hui en mouvement. D’offrir aussi une perspective pour l’après, pour que une fin de mouvement momentanée ne signifie pas un « retour à la normale », qu’elle se prolonge par un changement de vie profond, un engagement pour intemporel.

Il faut se fondre jusqu’à un certain point dans ce mouvement. Et toujours, toujours ne pas chercher à plaquer les codes et formes de lutte que nous transportons avec nous, qui sont parfois les fardeaux du passé. Le peuple tout frais qui se meut a bien des choses à nous apprendre aussi !

Le mouvement des gilets jaunes est à l’image du peuple. Il est mouvant. Il est hétéroclite. Il porte ses préjugés plus ou moins répandu. Et ceux-ci peuvent disparaître, évoluer, et particulièrement aujourd’hui dans cette situation regorgeant d’expériences si singulières.

Abordons les avec intelligence, bienveillance et pédagogie. Sachons distinguer le militant frontiste de vieille souche, l’irrécupérable, bien peu nombreux d’ailleurs !, et le nouveau ou la nouvelle venue qui trimballe ses préjugés ingurgités d’année et d’année de télévision, mais qu’il est parfois en train de régurgiter aujourd’hui à vitesse grand V

Combien de « Soutien inconditionnel aux forces de l’ordre » reste-t-il aujourd’hui ? Combien en restera-t-il à l’acte XX ?…


Un déclic doit se produire dans notre camps. Il a déjà eu lieu dans le camps d’en face. Prenons la mesure du temps. Prenons nos dispositions. Engageons-nous résolument.


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