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Lettre ouverte à Lallab (asso islamiste, sexiste, identitaire et racialiste) d’un militant féministe : oui, démêlons votre vrai du faux

posté le 22/07/18 Mots-clés  antifa  féminisme 

Vous avez demandé à l’État, cet État que les racialistes auxquels vous appartenez dénoncent comme "néocolonial et islamophobe", l’attribution de trois services civiques financés par le contribuable pour développer vos activités prosélytes. En l’apprenant, les féministes universalistes et militant(e)s laïques se sont élevé(e)s pour manifester leur indignation. La fachosphère, fidèle à elle-même, s’en est rapidement mêlée en vous attaquant de façon virulente et indigne. Face à cela, vous avez publié un texte censé éclairer vos positions (1).

A la lecture de votre texte, j’ai souhaité m’adresser directement à vous. Car les féministes universalistes et militants laïques ne sont pas d’extrême droite, contrairement à l’idéologie dont vous êtes une des vitrines.

Oui, votre interprétation de l’islam est issue de la doctrine des Frères musulmans. Ces islamistes qui considèrent qu’il faut s’investir dans la vie de la cité pour la changer, la mener vers le "vivre (dans leur) ensemble", qui veulent la faire plier pour qu’elle s’adapte à leur radicalité et à leur obsession sexuelle dont le voilement est censé contrôler les ardeurs masculines. Vous tentez de séduire par l’instrumentalisation du féminisme, de la lutte anti-raciste, l’arme du voile, la victimisation et l’intimidation par le concept "d’islamophobie", comme tous les militants de l’islam politique.

L’appartenance à la confrérie n’est pas formelle. Il n’y a pas de carte d’adhésion ni une organisation pyramidale dirigée depuis l’Égypte (pays d’origine de cette idéologie). C’est une idéologie à laquelle on adhère par la validation d’un certain islam, le vôtre. On peut donc facilement déclarer n’avoir "aucun lien avec les Frères musulmans". L’intérêt est double : ne pas effrayer la société et faire passer sa radicalité comme étant le véritable islam, une islamiste frériste devenant ainsi une simple musulmane. D’où votre affirmation de défendre "les femmes musulmanes". Indigénistes, vous extrayez la religiosité pour racialiser une confession. La musulmane, adepte d’une religion, se transforme en membre d’une ethnie, allant jusqu’à faire de l’islam une "race". Critiquer votre intégrisme, dont le voile, serait critiquer l’ensemble des musulmanes, donc du racisme. En y ajoutant votre rejet de la liberté d’expression par l’anathème "islamophobie" (qui signifie la peur d’une religion, l’islam) en amalgamant volontairement la critique d’une religion avec les actes et propos antimusulmans qui, eux, sont condamnables, nous avons la liste de tous les ingrédients de la stratégie politique des Frères musulmans.
Les autres représentants des Frères musulmans, le CCIF, l’UOIF, les partis politiques islamistes français et autres associations "culturelles", exploitent à fond la même stratégie que la vôtre, inspirée par des penseurs de la confrérie tels que Tariq Ramadan.

Considérer le voile comme une prescription religieuse, et non pas comme une interprétation extrémiste, est l’exemple le plus emblématique de votre adhésion à l’idéologie des Frères musulmans. Une partie de vos militantes affichent cette adhésion jusque sur leur tête par le port de son symbole sexiste développé depuis 1928 par la confrérie : le hijab. Qui d’autre que les "savants" salafistes et Frères musulmans considère le voile comme une obligation ? Toutes les justifications du voile sont faites par ces théologiens et islamologues plus sexistes et rétrogrades les uns que les autres. Aucun islamologue modéré ne considère le voile comme une prescription religieuse. Les musulmans modernistes combattent même cette idée.

Vous déclarez toutefois : "nous ne sommes pas non plus pour le voilement des petites filles", sans plus de précision. Mais vous enchainez en expliquant également que vous êtes contre la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école. Une loi qui justement interdit le voilement des fillettes. Prétendre être contre le voilement des petites filles tout en militant pour l’abrogation d’une loi qui les protège, vous êtes là encore dans la contradiction volontaire (ou l’inconscience intellectuelle ?).
Mais après tout, pourquoi seriez-vous contre le voilement des fillettes ? D’après vous et l’ensemble des intégristes musulmans français, le voile n’est qu’un "foulard", un simple vêtement, juste du "textile" qu’on peut rendre fashion. Si vous estimez que le voile est un vêtement comme un autre, l’équivalent d’une jupe ou d’un pantalon, il n’y a aucune raison d’être contre le voilement des enfants.

Mais le voile n’est pas cela. Ce n’est pas un "foulard", terme utilisé par les islamistes pour le banaliser. C’est bien un voile, au sens propre comme au sens figuré, inventé et prescrit par des hommes pour la création d’un apartheid sexuel. Le voile fait partie du système de domination qu’on appelle "patriarcat". C’est un marquage textile qui a été créé pour stigmatiser la moitié de l’Humanité, les femmes. Il leur est destiné uniquement parce qu’elles sont nées femmes. Il marque l’impureté de leur corps et le danger sexuel qu’il est censé représenter pour les hommes. On le présente comme l’emballage d’un objet précieux pour le rendre plus acceptable. Oui, il fait de la femme un objet, mais pas n’importe lequel. Les islamistes déclarent que la femme est un bijou, une perle, dont le voile lui servirait d’écrin. Mais elle n’est en réalité qu’un objet sexuel, source de toutes les tentations masculines, qu’il faudrait cacher sous un voile pour que les hommes en soient protégés. Un voile qui n’est retiré que devant le mari ou les membres de la famille, car les cheveux, le cou, les bras (ce que les islamistes appellent "la beauté") ne peuvent être vus que par les proches. Les valeurs véhiculées par le voile sont nombreuses : invisibilité du corps féminin pour éviter les érections de pénis, remise en cause de la mixité, contrôle de la sexualité des femmes, labellisation des femmes "vertueuses" par ce marquage sexiste, etc. Vous valorisez tout cela dans vos articles. Vous appelez cela la "pudeur". Les féministes appellent cela le sexisme.

Une question se pose : à quel âge les intégristes musulmans estiment qu’une fille peut/doit se voiler ? Si les salafistes considèrent que cela doit se faire dès la petite enfance pour les habituer au sort qui leur est réservé, la totalité des islamistes estiment qu’une fille peut porter le voile dès l’adolescence, lorsque son corps devient femme. Ce qui confirme l’aspect "objet sexuel", et la légitimité de la loi de 2004...
Voilà pourquoi vous êtes mal à l’aise au sujet du voilement des fillettes. Cela ne fait pas de vous de ferventes féministes pour autant. Car vous défendez, et certaines de vos militantes le portent, le symbole le plus criant de l’inégalité des sexes. Si vous militez pour un minimum d’autonomie et d’indépendance sur le plan économique et professionnel, le voile marquera toujours l’infériorité des femmes par rapport aux hommes sur le plan humain.

Que vous validiez ce genre d’approche de la femme en tant qu’extrémistes religieuses, soit. Que vous le fassiez au nom du féminisme, avec le soutien du Planning Familial, c’est aberrant.

Ainsi, l’appartenance aux Frères musulmans n’est pas administrative ni organique. Votre proximité se manifeste par vos références théologiques, votre vision de l’islam, un islam bien plus politique, sexiste et exhibitionniste que spirituel, intime et progressiste. Votre islam est identitaire et vous l’assumez. Vous êtes un mouvement identitaire dont le féminisme sert de levier. Mohamed Talbi, historien et islamologue tunisien, avait écrit que la religion n’est ni une identité, ni une culture, ni une nation. C’est une relation personnelle à Dieu, une voie vers lui. Voilà une des différences avec les Frères musulmans. Votre appartenance se manifeste également par l’instrumentalisation de cette religion pour la faire sortir de la sphère privée en l’utilisant comme une arme politique afin d’influencer la sphère publique (le voile en est le cheval de Troie des islamistes depuis des décennies). Elle se manifeste enfin par le choix des "féministes" que vous encensez.

Vous avez choisi comme marraine une "féministe" islamiste frériste, Asma Lamrabet, qui considère que le droit à l’avortement ne constitue pas pour [les musulmanes] une priorité d’autant plus que l’islam offre des latitudes et une grande flexibilité par rapport à cela. Un de ses ouvrages a été préfacé par Tariq Ramadan, l’islamiste frériste francophone le plus célèbre et dont la fibre féministe est plus que cachée.

Une autre "féministe" que vous admirez montre encore une fois votre adhésion idéologique aux Frères musulmans. Par son histoire contemporaine, la Tunisie est incontournable dans le domaine des droits des femmes. Vous avez alors fait le portrait d’une militante féministe tunisienne que vous admirez. Des féministes, la Tunisie n’en manque pas. Vous auriez pu choisir d’interviewer Lilia Labidi, Latifa Lakhdar, Nadia Chaabane ou d’autres qui représentent l’image de la femme tunisienne émancipée et féministe depuis plusieurs décennies. Mais il semble qu’elles soient trop laïques, trop émancipées sous l’influence du "féminisme blanc". Latifa Lakhdar par exemple, historienne tunisienne, professeur d’université et chercheur sur la pensée islamique, estime que le voile n’est pas un simple usage, il est la partie visible d’une vision du monde basée sur la coupure en deux de l’universel, les hommes et les femmes. Le voile est le signe de l’enfermement théologique des femmes.
Alors vous avez choisi Meherzia Labidi, députée d’Ennahda, le parti politique islamiste tunisien issu des Frères musulmans (2). Quand les premières luttent depuis toujours contre les intégristes, la seconde milite au sein du parti islamiste combattu par l’ensemble des féministes tunisiennes. Ce parti représente l’extrême droite de ce pays. Les démocrates tunisiens considèrent que lutter contre Ennahda est le même combat que lutter contre le Front National en France. Il faut rappeler qu’en 2012 Meherzia Labidi avait soutenu le projet islamiste d’inscrire dans la nouvelle constitution que la femme n’est pas l’égale de l’homme mais son "complément". Toutes les féministes tunisiennes s’étaient alors levées, avec une grande partie de la société, pour manifester contre ce projet. L’opposition contre Meherzia Labidi et son parti a été si forte que les islamistes ont reculé. En parlez-vous dans votre portrait, ne serait-ce que pour montrer un minimum de distance et d’esprit critique ? Non. Vous justifiez l’opposition qu’elle a subie uniquement parce qu’elle est voilée et qu’elle représente un "parti islamique", et non pas "islamiste", comme indiqué dans votre hagiographie. Comme toujours, vous jouez sur la fibre victimaire et "islamophobe", même pour un pays musulman… Vous louez son combat "contre les préjugés dont les femmes musulmanes sont victimes" en omettant que ce sont des femmes musulmanes (de culte ou de culture) qui s’étaient opposées à elle et à son désir de faire d’elles des éternelles mineures. J’étais à Tunis le 13 août 2013 pour participer à la manifestation contre le "féminisme" d’Ennahda, lors de la journée de la femme, aux côtés de milliers de Tunisiens. Tous sont "racistes et islamophobes" je suppose ?

Pour une fois je vous rejoins : dans cet exemple les femmes musulmanes sont bien des victimes, mais des victimes de l’islamisme que vous louez. C’est bien au nom de l’universalité des droits inspirée du "féminisme blanc" que tous ces Tunisiens ont manifesté. C’est toujours au nom de cette universalité installée en Tunisie par Bourguiba, à travers le code de statut personnel, que ces mêmes Tunisiens avaient fait reculer Ennahda qui a finalement été contraint, fin 2012, de supprimer la "complémentarité" de la future constitution.
Nous retrouvons ici votre désir d’inclure toutes les musulmanes dans votre radicalité en occultant celles qui vous combattent.
Ennahada a voulu instrumentaliser le code du statut personnel cher aux Tunisiens, prétendait le défendre, pour en réalité tenter de le vider de son essence afin de l’adapter à son intégrisme. Les frères musulmans français usent de la même méthode par leur instrumentalisation de nos valeurs comme la laï-cité, le "vivre ensemble" et… le féminisme.
Le portrait que vous faites de cette militante de l’extrême droite religieuse tunisienne est élogieux et bien écrit, je vous le concède…
Quand on pense que le Planning Familial tunisien a toujours combattu les islamistes, alors qu’aujourd’hui le Planning Familial français soutient leurs promotrices.

Voilà comment nous pouvons affirmer que votre islam est bien plus proche de Hassan Al-Banna ou Youssef Al-Qaradhawi que de Mohamed Arkoun et autres musulmans éclairés.

Vous avez donc la prétention de parler au nom des "femmes musulmanes" et instrumentalisez le féminisme au profit d’une idéologie politico-religieuse que nous combattons. Comme le CCIF et l’ensemble des partis politiques issus des Frères musulmans, vous exposez une vitrine pour cacher votre arrière-cour. Vous vous présentez comme une association "areligieuse, aconfessionnelle et apartisane", tout en ayant une activité à l’opposé de cette déclaration.
La quasi-totalité de vos articles et de vos prises de positions concerne l’islam, de plus dans sa version rigoriste et sexiste. Vous habillez l’ensemble d’une forme et de formules modernes qui ne changent rien au fond : vous êtes une association 100% religieuse avec parfois des sujets qui ne le sont pas, et non l’inverse.

Face à cette réalité hallucinante d’évidence, vous maintenez vos propos en vous appuyant sur un argument tout aussi hallucinant : une des deux cofondatrices de Lallab est athée et "nous comptons parmi nos bénévoles des personnes musulmanes et non musulmanes, des femmes ainsi que des hommes !" Cela ressemble au même alibi que "j’ai un ami noir".

Vous avancez cet argument pour montrer que, dès sa création, l’association avait un désir d’équilibre. Le désir égalitaire d’accorder la même place aux "musulmanes", et de plus à TOUTES les musulmanes, qu’aux autres. Or, quels sont vos sujets, articles et actions concernant les chrétiennes, juives et femmes athées, puisque Lallab serait areligieuse ? Quels sont ceux concernant les femmes musulmanes discriminées et harcelées par leurs coreligionnaires car elles refusent d’être pratiquantes, de porter le voile ou ne sont pas hétérosexuelles ? Vous soutenez le "hijab day" pour défendre les musulmanes voilées. Vous revendiquez également le "libre choix" de porter ou non le voile. A côté de votre prosélytisme pro-voile, quelles sont vos actions pour soutenir ces femmes qui subissent des remarques sexistes et des pressions pour se bâcher ? Participez-vous à la "journée sans voile" organisée chaque année par des féministes de confession ou de culture musulmane ? Avez-vous écrit des articles qui donnent le point de vue de musulman(e)s qui expliquent que le voile n’est pas religieux, à côté de l’ensemble de vos articles qui expriment à quel point le voile est formidable ? Où est la parole de ces femmes dans vos colonnes ?

Vous pensez sincèrement qu’en véhiculant le message "touche pas à mon sexisme par respect de mon intégrisme" lors de ces "hijab day" va aider à améliorer l’image de l’islam et des femmes musulmanes ? Ce ne sont pas vos sourires, aussi sympathiques soient-ils, et vos voiles colorés, ni les cafés offerts, qui vont changer la raison d’être de ce tissu raciste créé pour marquer un groupe humain en raison de son sexe.

Vous représentez les bigotes catholiques d’antan, dont une partie d’entre elles avaient déjà eu la bonne idée de se revendiquer comme féministes pour mieux ramener la société vers le passé. Que des femmes se battent pour l’inégalité des sexes en déclarant être féministes, il n’y a rien de nouveau. Si, tout au long du XXe siècle, les féministes se sont battues contre la bigoterie catholique, nous menons la même lutte que nos ainées aujourd’hui contre la bigoterie musulmane que vous représentez. Quelle que soit la religion, nous refusons que les droits des femmes passent par la lessiveuse du diktat religieux pour définir ce qu’est le féminisme, un féminisme qui n’aura jamais pour vocation l’égalité des sexes.

Les faits sont têtus et les arguments en béton armé. Alors pour masquer vos incohérences dangereuses pour les femmes, vous balayez tout cela d’un revers de main en accusant tous vos opposants, y compris des musulmans, de racisme et "d’islamophobie" (terme popularisé par les islamistes pour désigner toute personne s’opposant à eux). Votre réaction est la même que tous les intégristes dans les pays musulmans : ils argumentent peu sur le fond pour accuser leurs opposants de ne pas respecter la religion. Vous déclarez vouloir défendre toutes les musulmanes en taxant d’"islamophobes" celles qui combattent votre idéologie. L’islam a bon dos.

L’islam n’est pas une race, les musulmans ne forment pas une catégorie d’êtres humains à part. Si vous avez été victime d’attaques de l’extrême droite, les féministes universalistes et militants laïques n’en sont pas responsables. Nous amalgamer avec les fachos est une stratégie pour tenter de nous discréditer. Mais cela ne fonctionne pas. Vous mettez en lumière vos détracteurs d’extrême droite pour nier vos détracteurs féministes et laïques. Mais nous ne nous tairons pas.
Quant à la peur et la critique de l’islam, elles ne sont pas interdites par la loi. Le délit de blasphème a été aboli il y a plus d’un siècle. La mauvaise image que vous donnez de cette religion ne peut qu’entretenir cette crainte de l’islam (vrai sens de "islamophobie") et favoriser l’extrême droite qui s’en sert pour lutter contre l’ensemble des musulmans. Vous êtes en cela les alliées objectives de ce que vous prétendez combattre.

Nos références n’ont aucune base idéologique raciste. Nous avons même toujours lutté contre les idées de Maurras, de Jean-Marie Le Pen et consorts. Nous nous revendiquons de l’héritage des Lumières. Mes références sont Voltaire, Rousseau, les "hussards noirs de la République", Aristide Briand, Olympe de Gouges, Simone de Beauvoir, les Suffragettes, le MLF, mais aussi Ibn Rushd (Averroès), Malek Chebel, abdelwahhab medeb, Mohamed Talbi, Latifa Lakhdar, Latifa Jbabdi, Nawal Al Saadawi…

Quelle que soit notre couleur de peau, nos origines ou nos croyances, nous nous revendiquons fils et filles des Lumières. C’est au nom de ces valeurs que nous militons pour l’égalité des sexes sans distinction de culture ou de religion. Vous appelez cela du racisme, du "féminisme blanc", nous appelons cela l’universalisme. Faut-il vous rappeler que c’est grâce à ces valeurs universalistes que vous avez la possibilité de vous exprimer aujourd’hui ? Même le terme de "féminisme" que vous revendiquez est issu de l’histoire des "Blancs". Faut-il vous rappeler, ou vous apprendre, que les Lumières françaises ont trouvé une partie de leurs sources dans l’islam des Lumières qui les avaient précédées de quelques siècles ? A l’époque du Moyen-Age européen, la modernité venait du monde musulman. Aujourd’hui, elle vient du monde "Blanc", pour reprendre votre terme. Qualifieriez-vous de "culture marron impérialiste" les progrès scientifiques et intellectuels apportés par les penseurs musulmans à l’Europe ? S’ils n’avaient pas fait ce colossal travail de sauvegarde et traduction des textes philosophiques de l’antiquité grecque, en y apportant de surcroit leurs propres avancées, il n’y aurait sans doute jamais eu les Lumières françaises (sans parler de la médecine moderne, des mathématiques, de la géographie, etc.). Lumières françaises sur lesquelles se sont appuyés la totalité des grands penseurs et des féministes pour revendiquer leur droit à la liberté individuelle, à la laï-cité, à l’égalité des sexes.
L’héritage de l’islam des Lumières est aujourd’hui combattu par les salafistes ainsi que les Frères musulmans qui usent du voile comme arme principale, votre voile.

Ainsi, quand vous prenez pour exemple l’islamiste marocaine Asma Lamrabet, je me revendique de l’héritage d’Olympes de Gouges. Quand vous encensez Meherzia Labidi, je me réfère à Hoda Charaoui. Cette féministe égyptienne qui créa en 1922 l’Union féministe égyptienne et qui retira son voile en 1923 pour poursuivre son combat tête nue en Egypte. La naissance des Frères musulmans dans ce même pays en 1928 allait réduire progressivement au silence le féminisme égyptien, et faire la promotion de ce qu’une partie de vos militantes "féministes" porte sur la tête aujourd’hui : le hijab. Une des raisons de cette conquête islamiste est le refus de ce qu’ils estimaient être des "valeurs occidentales". Tout désir d’émancipation des femmes était taxé de vouloir faire le jeu des colons. Le terme a évolué aujourd’hui, vous l’appelez "féminisme blanc"…

A travers votre rejet du féminisme universaliste, ce n’est pas seulement une partie de l’histoire culturelle française que vous rejetez. C’est aussi le rejet d’une partie de l’héritage historique euro-méditerranéen auquel vous affirmez pourtant appartenir.
Quel que soit le côté de la Méditerranée où nous nous trouvons, nous sommes des milliers de femmes et d’hommes qui luttons contre votre idéologie. De nombreux musulmans à travers le monde considèrent le voile comme une aberration, même une insulte à Dieu et son Prophète. Les musulmans de culte ou de culture qui rejettent les idées véhiculées par le voile sont appelés "blasphémateurs" dans les pays musulmans. En France vous les appelez "islamophobes". Des anathèmes qui ne sont là que pour éviter tout débat. Car comment pourriez-vous justifier l’injustifiable autrement qu’en disqualifiant vos détracteurs ?

Tout comme pour le voile, vous pouvez tordre le "féminisme blanc" dans tous les sens, rien ne peut justifier vos oppositions à l’universalisme sauf… le racisme et l’intégrisme religieux.
Le seul racisme ici présent est donc le vôtre, par votre défense du marquage textile d’une partie de l’Humanité en raison de son sexe, et par le terme "féminisme blanc". Cette façon de nommer le féminisme, de réduire les femmes (et des hommes) qui luttent pour l’universalité des droits à la couleur de peau, est une formulation raciste. Vous êtes dans la même dérive que les indigénistes : vous vous servez de l’intersectionnalité pour développer une forme de racisme victimaire en faisant de la "blanchité" l’alpha et l’omega de tous vos problèmes. Mais le racisme reste le racisme, quelle que soit sa forme.

Votre féminisme différentialiste considère que les droits des femmes doivent s’adapter selon les circonstances pour respecter les cultures et religions. Notre féminisme désire s’affranchir de ces limites pour avoir les mêmes droits partout dans le monde. Il ne peut y avoir de différences entre les êtres humains. Le lieu et le milieu culturels et religieux de naissance ne doivent pas être une roulette russe où "tu perds ou tu gagnes". Le respect des individus, et a fortiori des femmes, doit être supérieur à celui des cultures. S’émanciper de la partie archaïque de sa culture n’est pas un manque de respect pour la communauté, mais une forme de respect envers soi-même. Voilà ce que vous refusez de défendre, voilà ce que nous défendons. Votre féminisme "intersectionnel" instrumentalise le féminisme pour imposer un rigorisme religieux par l’affirmation du différentialisme sexuel. On peut être féministe et musulmane. On ne peut pas revendiquer un "féminisme musulman". Vous vous battez pour la différence des droits par respect des cultures et religions. Nous nous battons pour l’universalité des droits par respect de chaque être humain. Les Droits Humains sont universels, les droits des femmes ne se divisent pas !

Vous ne militez pas pour l’égalité des sexes. Vous militez pour le respect du rigorisme religieux dans lequel vous désirez trouver des espaces de liberté limitée pour les femmes en tentant de moderniser, non pas l’islam, mais l’interprétation intégriste des Frères musulmans. Ce qui explique toutes les confusions entre celles et ceux qui voient le danger que vous représentez pour les avancées féministes, et d’autres qui voient en vous des progressistes face aux intégristes durs.

Il est possible que, comme pour beaucoup de musulmans, vous soyez tant imprégnées de l’idéologie frériste que vous êtes convaincues que votre interprétation de l’islam n’est pas extrémiste puisque ce serait le véritable islam. Vous ne voyez sans doute pas, par exemple, Tariq Ramadan comme un idéologue intégriste mais comme un simple philosophe musulman parlant de l’islam. Vous ne voyez sans doute pas les fanatiques du CCIF comme des militants identitaires d’extrême droite ayant une vision raciste et totalitaire de l’islam, mais comme un simple collectif "anti-raciste" de "défense des droits de l’homme" (sic). Vous êtes donc convaincues de ne pas être islamistes mais juste de simples musulmanes. C’est ce qui pourrait expliquer votre sincérité apparente et la séduction que cela opère auprès de certaines féministes.

Mais comment pouvez-vous vous définir comme féministes alors que tant de féministes dans les pays musulmans hurlent aux européennes que défendre le voile en Europe contribue à l’oppression des femmes qui résistent encore au voile en terre d’islam ?
A cela, vous répondez ceci : "Le fait de nous renvoyer systématiquement à d’autres pays, lorsque nous parlons de la situation des femmes musulmanes en France, est une injonction raciste. Cela suggère, de façon insidieuse, que les musulman·e·s sont d’une certaine façon condamné·e·s à être étranger·e·s".
Encore et toujours l’anathème de racisme pour tenter de désamorcer toute réflexion… Le hijab que vous brandissez en étendard n’est pas né en Lozère mais en Egypte. Votre marraine est marocaine. Toutes vos références théologiques sont du Moyen-Orient. En tant qu’association "areligieuse et aconfessionnelle" vous utilisez régulièrement dans vos écrits des formules religieuses, non pas en français mais en arabe. Vous ne parlez pas de Dieu mais d’Allah. Vous ne dites pas "si Dieu le veut" mais Inchallah, etc. Enfin, vous êtes dans le rejet d’une partie de la culture française et des valeurs républicaines. Comment voulez-vous qu’il en soit autrement que de vous comparer aux musulmanes des pays musulmans ? En revanche, il est vrai que tout cela sert de prétexte à l’extrême droite pour attaquer l’ensemble des musulmans. C’est un joli coup de pouce de votre part.

Vous terminez votre texte en expliquant que toutes les injonctions que vous subissez sont pour vous "des pertes de temps et d’énergie considérables qui ont des conséquences sur [votre] santé et [votre] travail quotidien pour les droits des femmes" en ajoutant qu’il y a des "conséquences sur [vos] membres et [vos] familles".
Croyez bien que nous pensons la même chose en ce qui nous concerne. Nous avons tou(te)s des vies qui seraient plus agréables si nous ne passions pas une partie de notre temps à nous battre pour sauvegarder des acquis face aux islamistes au lieu de l’utiliser pour en gagner des nouveaux. Nous subissons aussi des attaques, insultes et menaces de la part d’une partie de celles et ceux qui vous soutiennent. Leurs propos haineux sont souvent très virulents. Les "fils de pute inchallah tu crèves", "connard de Blanc" et autres messages de "paix et d’amour" ne sont pas rares. Cela a aussi des conséquences sur nous. Mais nous n’en faisons pas étalage. Car contrairement à vous, nous ne sommes pas dans la victimisation permanente pour faire pleurer dans les chaumières afin de gagner la sympathie de ceux que vous espérez rallier.
Quant à l’accusation sans fondement du manque "d’éthique et la malhonnêteté intellectuelle de [tous vos] détracteur·trice·s", nous pourrions vous retourner la même chose, preuves à l’appui.

Les critiques dont vous faites l’objet ne sont donc pas dues à un racisme ni à une intolérance religieuse. Seule l’extrême droite est sur ce terrain. Cette focalisation sur votre association résulte de vos positions, de votre idéologie, que vous qualifiez de féminisme. Si vous étiez une association cultuelle, ou au moins culturelle, qui mène des actions en direction des femmes musulmanes, il n’y aurait eu aucune polémique. Mais vous vous revendiquez comme association féministe. Vous êtes en France, un pays qui culturellement est anticlérical et dont les féministes ont mené un combat acharné contre la bigoterie catholique. Il ne faut donc pas vous étonner que des voix s’élèvent contre ce que nous espérions être une histoire révolue.

Les religions sont toutes patriarcales par essence. Le féminisme ne peut donc s’épanouir qu’à travers la laï-cité. Partir de la religion, en faire un centre névralgique, pour définir les droits et libertés des femmes, est un féminisme dévoyé. Votre féminisme se rapproche plus de Hassan Al-Banna que de Simone de Beauvoir. On peut être d’accord ou pas, mais cela relève du débat intellectuel, pas du racisme.

Oui, il y a aujourd’hui des musulmanes fréristes qui désirent avoir un emploi et une carrière professionnelle (les salafistes restent à la maison). Toute leur communication autour de l’émancipation réside sous cet angle, et vous incarnez cela. Or c’est trompeur. Le voile les empêche d’accéder à certaines professions, comme celles de la fonction publique. Car ces femmes voilées refusent d’appliquer la neutralité religieuse demandée aux fonctionnaires. Plusieurs métiers du secteur privé sont également incompatibles avec le port du voile pour diverses raisons. Votre militantisme ne consiste pas à amener ces femmes à se dévoiler pour avoir les mêmes chances que les autres. Il consiste à un prosélytisme forcené pour faire plier la société et l’amener à accepter votre intégrisme. Le concept victimaire "d’islamophobie" est votre principal outil, comme le CCIF, l’UOIF et tous les prédicateurs fréristes.

Mais au-delà du handicap professionnel, le principal malentendu est ailleurs. L’émancipation d’un individu se construit d’abord par l’autonomie de son corps. Or, le voile matérialise la soumission à une idéologie patriarcale qui rejette cette autonomie pour les raisons évoquées en début d’article. Le mythe de la virginité reste encore vivace. Une femme non mariée doit rester vierge, même si elle a 40 ans. Le corps féminin est ainsi contrôlé afin d’éviter tout risque de tentation dont seule la femme serait responsable. Le voile en est le sceau. De sa naissance à sa mort, son corps ne lui appartiendra jamais. Pour les islamistes, la valeur d’une femme ne se mesure donc pas à sa réussite professionnelle ou à ses qualités humaines. En tant qu’objet sexuel, elle se mesure à ce qu’elle fait de son entrecuisse.

Vous désirez occulter le sexisme du voile qui renvoie au corps pour mettre en valeur la partielle émancipation professionnelle d’une partie des femmes concernées. Les "féministes" islamistes que vous mettez en avant sont aussi dans cette philosophie. Cela explique votre hagiographie de Meherzia Labidi. Vous appelez cela du féminisme. Nous appelons cela du sexisme dans sa forme la plus archaïque avec un emballage marketing que vous avez modernisé.

Certes, vous avez des positions qui relèvent du féminisme. Mais votre idéologie de référence qui est la religion (et de surcroit dans sa forme intégriste), vos positions anti-féministes par votre rejet de l’égalité de sexes à travers votre différentialisme, en y ajoutant vos liens avec l’idéologie des Frères musulmans, discréditent les quelques positions féministes que vous pouvez avoir. Car, comme le dit si bien la féministe algérienne Wassyla Tamzali (elle aussi raciste et "islamophobe" ?) : Ou bien les hommes et les femmes sont égaux ou bien ils ne le sont pas. On ne peut pas l’être qu’un peu. Avec Lallab, ce sera toujours "un peu".

Vous pouvez porter des voiles élégants et aux couleurs chatoyantes. Le voile reste le voile, avec tout le sexisme qu’il incarne. Vous pouvez mettre en place un marketing efficace, vous entourer de femmes sympathiques et souriantes, il n’en reste pas moins que vous représentez une idéologie totalitaire, l’islamisme. Un islamisme que vous désirez sans doute moderniser. Mais cela restera toujours de l’intégrisme musulman. Et nous refuserons toujours que cela soit financé par nos impôts.

(1) Lallab démêle le vrai du faux à son sujet

(2) Meherzia Labidi : ce qui regroupe les femmes dans le monde est plus grand que ce qui les divise


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