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"Made in France" ; Résistons ensemble, janvier 2016, n° 148

posté le 16/01/16 Mots-clés  luttes sociales  répression / contrôle social  sans-papiers 

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 148 / janvier 2016



« Made in France »

C’est au nom de la France que le pouvoir veut créer, cette fois-ci officiellement, deux catégories de Français. Les 3-4 millions de binationaux, à 90% descendants d’immigrés post-coloniaux, seront susceptibles d’être privés de la nationalité française, et d’être expulsés du pays où ils sont nés et/ou ont étudié, travaillé, aimé, fondé une famille… pour avoir commis « un acte de terrorisme » ou plus généralement « une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ». Cette définition du projet de loi est donc à géométrie variable. Quels sont les « intérêts fondamentaux de la nation » pour ce gouvernement, ou encore mieux pour le pouvoir FN qui se profile ? Ça pourrait être le blocage d’une gare, d’une usine, la lutte pour la grève générale, une « mauvaise » pensée, la désobéissance d’un fonctionnaire à une mesure inique… On a vu récemment l’acharnement général contre les grévistes d’Air France pour une pauvre chemise arrachée.
N’oublions pas que, dès la prise de pouvoir par Pétain, c’est au nom de ces mêmes « intérêts fondamentaux de la nation » qu’on avait privé de nationalité des milliers de Juifs naturalisés, de résistants ou d’opposants en commençant par Charles de Gaulle !
« Mesure symbolique » nous dit-on, mais justement symbole de quoi ? Celui de la famille Le Pen car c’est leur définition des « français de papier » que la gôche a repris. Peu importe les zigzags tactiques de Hollande-Valls pour faire avaler cette ignominie et peu importe si finalement la mesure ne passe pas, de toute façon, le mal est fait puisque le tampon est déjà posé sur le front de millions de « binationaux » : au regard de la loi tu n’es plus un Français comme les autres. Au délit de faciès se rajoute désormais le délit de sang, le délit de mauvais parents.
Et puis, de quelle fabrique sortent donc les assassins de Charlie, de l’Hyper Cacher, du Bataclan ou du Stade de France pour qu’on leur retire ainsi leur nationalité française ? De l’Enfer de Dante ? Non, ils sont bien « Made in France », c’est bien de cette France faite de racisme, des guerres au Moyen-Orient, en Afrique, du lâchage des Palestiniens, du chômage, de la répression policière, du mépris… qu’ils sont issus.
La « déchéance » comme marqueur politique et écran de fumée derrière lequel se cache l’idée de graver dans le marbre de la Constitution un état d’urgence permanent, qui ne dit pas son nom, devenant ainsi la « normalité » : ça c’est ce que veulent et fabriquent consciemment les hommes du pouvoir de gôche et de droite. Mais il y a aussi ce qu’ils ne maîtrisent pas, tout aveuglés qu’ils sont par leur obsession de se maintenir au pouvoir en en écartant le FN : le devenir du régime qu’ils sont en train d’installer durablement. Pour ne prendre qu’un exemple, avec la généralisation des assignations à résidence Valls-Hollande dessinent les plans de futurs camps d’internement pour opposants qualifiés de « terroristes » et de « radicaux ». En effet, comment matériellement assigner à résidence des milliers de personnes (ne serait-ce que les fichés S qui s’élèvent déjà à 20000 dont la moitié n’ont rien à voir avec une radicalisation religieuse) ? C’est pour résoudre ce problème « matériel » qu’avaient été créés sous Vichy les premiers camps d’internement.
La bande des quatre, Valls-Hollande-Sarkozy-Juppé, est en train de déclencher une avalanche, qui, comme c’est le propre des ce phénomène, échappe à ses créateurs et dévaste tout, y compris, souvent ces mêmes initiateurs. Ces gens-là, avec leur folie du pouvoir ont pour seule idée de doubler le FN par la droite et c’est tout le pays qu’ils amènent, ce faisant, au bord de l’abîme. Est-ce que, à ce rythme-là, la V. République tiendra, sous sa forme parlementaire actuelle, ne serait-ce que jusqu’en 2017 ? On se le demande.
Tout est joué désormais avant la catastrophe ? Pas tout… il y a des petits murets à construire qui, comme à la montagne, peuvent peut-être briser cette avalanche mortifère.



> [ Chronique d’un « état d’urgence » ]

Inscrit dans la loi
En plus de la réforme de la constitution en débat, et malgré la surenchère sécuritaires de ces dernières années, le gouvernement est décidé à durcir la loi.
Un projet se propose d’inscrire de manière définitive dans la législation certains moyens répressifs exceptionnels à l’état d’urgence en renforçant et libérant les pouvoirs policiers du contrôle judiciaire. Au menu : la création d’une assignation à résidence et d’un contrôle administratif hors état d’urgence, la possibilité de fouiller les bagages, les voitures, et contrôler l’identité de n’importe qui à la seule demande des préfets, la possibilité de retenir une personne pendant quatre heures sur simple présomption même si elle a ses papiers, perquisitions de nuit, délit d’obstruction, confiscation de documents, assouplissement des règles d’usage des armes à feu au-delà de la légitime défense pour les policiers...
Une nouvelle loi répressive dans les transports publics se précise. Tu pourras te faire palper et fouiller, pour le moment avec ton consentement certes (mais si tu refuses ?), si le préfet estime que tu représentes une menace ; les mêmes agents seront placés sous le contrôle de la police et pourront agir sans port d’uniforme ; les vendeurs à la sauvette seront pénalisés dans les gares et la fraude n’est pas épargnée puisque le délit d’habitude passible de 6 mois ferme et 7500 euros d’amende pour 10 amendes non payées dans l’année va être renforcé.

L’état d’urgence au quotidien…
Voici d’emblée quelques cas où ce mois-ci la loi sur l’état d’urgence a servi la répression d’État.
À Calais la rocade (nationale 216) est souvent empruntée par les migrants. Par-là passent aussi les camions vers l’Angleterre parfois pris dans les embouteillages. Un arrêté du 1er décembre rendu possible par l’état d’urgence réprime désormais le fait d’y circuler à pied de 7500 € et de 6 mois d’emprisonnement.
Tenu de pointer trois fois par jour au commissariat et de rester chez soi de 20 heures à 8 heures, c’est la règle de l’assignation à résidence. Ainsi un jeune orléanais de 21 ans était condamné à 2 mois de prison ferme le 5 janvier pour s’être rendu un soir au cinéma.
7 militants écologistes visés préventivement par cette mesure d’« enfermement light », avant la tenue de la COP21, avaient quant-à-eux saisi la haute juridiction. Le Conseil constitutionnel a jugé, le 22 décembre, que cette privation de liberté fixée par l’état d’urgence était conforme à la Constitution. Voilà comment « la lutte contre le terrorisme » sert à museler la contestation.

… et de manière indirecte
Il y a aussi des violences qui n’ont pas directement pour origine l’installation de l’état d’urgence, mais que celui-ci a renforcées et multipliées. Ces violences constituaient déjà, avant cela, le quotidien des habitants de quartiers populaires, des migrants, des pauvres et/ou des non-blancs.
À Rennes, quartier Maurepas, Babacar Gueye, sénégalais, 27 ans, passe la nuit du 2 au 3 décembre chez un ami. Pris d’une crise d’angoisse, il se saisit d’un couteau de cuisine et se met à s’auto-mutiler. Son ami appelle les pompiers : la police arrive, armée jusqu’aux dents, un flic tire 5 balles dans le torse de Babacar qui meurt sur le coup. Ses amis ont organisé une marche le 12 décembre et lancé un appel aux dons pour permettre le rapatriement du corps au Sénégal : https://www.leetchi.com/c/obseques-de-arser-rennes.
À Calais, les migrants se font constamment agresser par les flics quand ils en sortent. Exemple : un groupe de jeunes qui rentrent aux camps après avoir passé la soirée au port se font barrer la route par 4 flics, l’un d’entre eux lance une grenade lacrymogène à moins de 30 mètres et celle-ci vient se cogner contre le visage d’un jeune syrien. Des bénévoles anglais l’amènent à l’hôpital, mais pour cela ils doivent forcer le passage toujours barré par les flics. Le jeune homme est défiguré et il lui est impossible de se nourrir seul.
À Tours, dimanche 6 décembre, une patrouille de flics de la BAC fouille, insulte et menace des jeunes qui se sont moqués d’eux. Un jeune finit par répondre à la provocation. Les flics l’embarquent pour contrôle d’identité, puis se rendent au domicile de sa famille. Le père est projeté au sol, la sœur, la tante et la mère sont brutalisées, des voisins alertés par les cris s’approchent, les flics répliquent avec des tirs de flash-balls et des coups de matraque, un homme est frappé au visage, plaqué au sol et reçoit de nombreux coups (une vidéo circule sur le net) avant d’être embarqué et mis en GAV pour outrage et rébellion, comme la sœur. La famille a cherché à porter plainte à deux reprises, mais cela lui a été refusé.
À Pantin, la BST fait vivre à la famille Kraiker un engrenage infernal : contrôles, interpellations avec violences graves, suivies pour les victimes d’accusations d’outrage et rébellion, avec gardes à vue. Le 14 décembre, c’est le fils aîné qui se retrouve à l’hôpital pour être opéré en urgence suite aux coups portés par la police. Sa mère porte plainte contre la police. Retour de la BST dans la cité le 26 décembre : interpellation violente du fils cadet et de sa mère, qui tentait de s’interposer pour le protéger ! Et ça recommence… en fait la BST est revenue provoquer les jeunes pour tenter de justifier ses violences précédentes, mais une voisine a filmé la scène. Le 30 décembre, un Comité de soutien des amis de la famille Kraiker a été formé.
Aux Sables-d’Olonne le 3 décembre, un jeune homme se fait interpeller par une patrouille, l’un de ses amis, Michel Ratombozafy, essaie d’intervenir, il est mis à terre par 3 flics de la BAC, embarqué de force dans leur voiture ; sur le trajet, il recevra de très nombreux coups, le flic « avait vraiment la haine dans les yeux » témoigne-t-il ; après une heure d’attente menotté à un banc il sera emmené à l’hôpital puis de retour au comico mis en GAV pour outrage et rébellion. Une fois sorti, son récit des évènements lui vaudra des menaces d’une nouvelle interpellation. Le jeune homme a déposé plainte.



> [ Chronique de l’arbitraire ]

Mort d’Amine Bentounsi : un policier aux assises du 11 au 15 janvier
Amine a été tué d’une balle dans le dos en 2012 par un policier qui sera finalement jugé pour « violences volontaires ayant entrainé la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique ». Procès emblématique, s’il y en a un, car, rappelons que suite à la mise en accusation de ce policier, ses collègues ont défilé massivement en guise de protestation sur les Champs-Élysées. Ils sont en train d’obtenir gain de cause car la nouvelle loi sur les « violences » Hollande-Valls rendra encore plus "souple" le droit de tirer des policiers. Soyons présents massivement au procès à partir de lundi 11 à 9h.
Palais de justice de Bobigny (Métro Bobigny-Pablo-Picasso, Tram Libération). Infos : http://www.urgence-notre-police-assassine.fr/362437656

Un an après… justice et vérité pour Abdoulaye Camara !
Le 16 décembre 2014, Abdoulaye Camara meurt lors de son interpellation par la police. Sur les 26 balles qui ont été tirées, 10 l’atteignent dans le corps. Un an après la procédure judiciaire est toujours en cours et de nombreuses zones d’ombre subsistent.
Le 19 décembre 2015, après une Conférence de presse sur le parvis de l’Hôtel de Ville du Havre, une marche a été organisée jusqu’au Palais de Justice. De nombreux collectifs contre les violences policières étaient présents en soutien à la famille Camara. Plus tard, sur le lieu même de sa mort, des lanternes se sont envolées dans le ciel.

« Espèce de Libanais de merde », « connards, sales noirs »…
Dix-huit garçons et filles du XIIe arrondissement à Paris ont porté plainte contre X au motif de « violences volontaires aggravées », « agression sexuelle aggravée », « discrimination » et « abus d’autorité ». Les faits couvrent une période allant de l’été 2013 à l’été 2015 et concerne les policiers de la BSQ « les Tigres », comme se surnomment la brigade de soutien de quartier. Les « vérif », c’est une fois par jour, « les doigts dans les fesses », « au moins une fois par semaine », explique Yassine. Insultes, coups, gaz lacrymogène… Généralement ces agissements sont passés sous silence, la plainte a le mérite de les mettre dans la lumière, affaire à suivre.



> [ Agir ]

Face à la police / Face à la justice
Guide d’autodéfense juridique 2e édition, chez Syllepse (www.syllepse.net) ou sur actujuridique.com
Ce guide donne des outils pour assurer sa défense sans se cantonner à son aspect légal, afin d’éviter de laisser un individu isolé face à la justice. Il ne croit pas que la procédure pénale soit une garantie absolue pour celles et ceux qui se font arrêter, mais qu’il faut bien la connaître pour décrypter son langage et son idéologie et se repérer dans les méandres de ses dispositifs de répression. Contact : cadecol@riseup.net

Face aux violences policières, solidarité !
Urgence notre police assassine regroupe des familles de victimes qui essaient de porter leur combat devant la justice (frais d’avocats et de procédures, déplacements...). Un appel aux dons a été lancé, vous pouvez y répondre jusqu’au 29 janvier : https://www.leetchi.com/c/association-de-pour-les-familles-de-victimes-de-violences-policieres

Rafle dans un foyer
Mardi 15 décembre, l’alliance flics et direction du foyer Adoma Marc Seguin (XVIIIe à Paris) a frappé fort raflant et embarquant 40 sans-papiers présents sans récépissé. En grève des loyers depuis plusieurs mois pour réclamer une amélioration de leurs conditions de vie, l’Adoma avait fermé leur bar et leur cuisine collective. Pétition : http://cgt.logement.over-blog.com/2016/01/petition-pour-la-liberation-des-residents-du-foyer-adoma-marc-seguin.html




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