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Message de Belgique aux amiEs françaisEs sur les élections régionales

« On reproche aux jeunes gens d’user de la violence. Mais ne sommes-nous pas dans un état de violence perpétuelle ? Parce que nous sommes nés et que nous avons grandi dans un cachot, nous ne remarquons plus la fosse où nous sommes, avec des fers aux mains et aux pieds et un bâillon sur la bouche. Qu’appelez-vous donc légalité ? Une loi qui fait de la grande masse des citoyens un bétail bon pour la corvée afin de satisfaire les besoins artificiels d’une minorité insignifiante et corrompue ? Et cette loi que soutient la brutalité d’un pouvoir militaire et la roublardise imbécile de ses agents, cette loi est une violence brutale et perpétuelle faite au droit et à la sainte raison et je combattrai contre elle, en parole, et en action, où je pourrai. » Georg Büchner, 1833

Quelles différences y a-t-il eu entre le pouvoir de Sarkozy et le pouvoir de Hollande ?
Peu de personnes croient encore à l’alternative, voir même à l’alternance puisqu’ils font tous partie de ce qu’on appellera le capitalisme démocratique. Dans les faits, ce qui se passe à Calais, la censure de certaines œuvres culturelles, la répression des mouvements sociaux comme on l’a vu sans ambages depuis "l’état d’urgence", les attaques contre les prolos (que ce soit au niveau social ou de la réponse juridicopolicière à ces attaques (oui, oui de la prison ferme pour une chemise)) sont communes à ces deux « tendances » du capitalisme démocratique et cela ne ferait pas rougir un.e frontiste.

Quid de l’extrême droite ?
Elle est déjà au pouvoir. Le pouvoir est par essence autoritaire. Et toute autorité tend à s’accroître et à se conserver sur le dos de celles et ceux à qui elle s’applique. L’Histoire est tellement remplie de cette sentence qu’on ne peut que la considérer comme un fait historique.
L’antifascisme a trop souvent servi d’excuse à des unions sacrées et des fronts unis d’alliances contre-nature, il a trop souvent servi à renforcer la succession du fascisme par d’autres sociétés de domination, telles que la démocratie. Lorsque l’antifascisme n’est que l’autre nom de la défense de l’existant, il n’est qu’un autre adversaire du projet anarchiste.

Sans compter mon/a coco/tte que structurellement les institutions sont d’extrêmes droites. Restons dans le cadre du capitalisme démocratique et parlons brièvement de l’institution policière (tout comme on pourrait parler de l’institution militaire, ou du contrôle des fraudes (oui, oui l’institution qui en Belgique a reçu 1100 délations en deux mois et où en France des primes vont être offertes aux délateurs)). Avant tout faut-il rappeler qu’un policier sur trois déclare voter pour le FN ? Combien parmi ceux qui ne veulent pas l’avouer ?2 (On pourrait également citer les chiffres des keufs votant pour Aube Dorée en Grèce). Pourquoi ? Car une institution de pouvoir possède forcément des fondements culturels, organisationnels et idéologiques. Virilisme, respect de la hiérarchie et de la verticalité, utilisation de la violence, obéissance aux ordres, appropriation politique de l’autorité, culture du métier basé sur ces valeurs qui en forme le socle identitaire etc. Ça ne te rappelle rien ?

Est-ce que cette situation changera ?

Pas par les urnes, jamais. Après les élans d’optimisme naïf qu’ont pu susciter Syriza et Podemos, comme bien d’autres partis politiques à travers l’Histoire et le monde, toujours survint l’éternelle trahison des aspirations populaires.
Dans un cadre où la majorité du pouvoir ne se déroule plus dans les institutions étatiques, comme nous l’a montré la trahison de Mitterrand exprimée par les mots de sa compagne, Danielle Gouze-Mitterrand : "Mai 1981 fut un mois de grande activité, car c’était la préparation de l’arrivée au pouvoir de François. J’essayais d’apporter tout ce qu’il y a de meilleur en moi, pour que ce rêve d’avoir une société socialiste, quoique à l’européenne, devienne réalité. Mais bien vite j’ai commencé à voir que cette France ju­ste et équitable ne pouvait pas s’établir. Alors je demandais à François : ‘‘Pourquoi maintenant que tu en as le pouvoir ne fais-tu pas ce que tu avais promis ?’’ Il me répondait qu’il n’avait pas le pouvoir d’affronter la Banque mondiale, le capitalisme, le néolibéralisme. Qu’il avait gagné un gouvernement mais non pas le pouvoir. J’appris ainsi qu’être le gouvernement, être président, ne sert pas à grand-chose dans ces sociétés sujettes, soumises au capitalisme. J’ai vécu l’expérience directement durant quatorze ans. Même s’il essayait d’éviter le côté le plus négatif du capitalisme, les rêves ont commencé à se briser très rapidement. […]" ou encore récemment le retournement de veste de Syriza malgré le soutien massif de la population, il n’y a que les électoralistes (qu’illes soient citoyennistes ou ceules qui veulent le pouvoir), les aliéné.e.s et les aveugles qui peuvent encore croire à la légitimité de la « stratégie » de conquête du capitalisme démocratique.

Malgré cela voter pour bloquer l’extrême droite ?
T’insiste m’fi ? Bon, récemment la ligue des droits humains publiait un article qui montrait la pénétration culturelle des thèses d’extrême droite dans les partis « démocratiques ». Ces thèses qui étaient sorties fin des années 90, sous la huée de tous les partis, avaient entraînées la condamnation du Vlaams Block3 pour racisme et la mise en place du « cordon sanitaire » . Il n’en reste que pour la Ligue des Droits de l’Homme, qu’on ne peut taxer d’anarchiste, la conclusion est sans appel : « En lisant le programme du Vlaams Blok, qui faisait hurler les démocrates, on constate que de nombreux points ont été mis en œuvre par des partis démocratiques et que d’autres points sont aujourd’hui tombés dans le débat public. Après la lecture de ce programme en 70 points, j’en suis arrivé à la conclusion que le cordon sanitaire n’a pas rempli sa mission. Il a certes évité que le Vlaams Blok/Vlaams Belang accède au pouvoir. Mais il n’a pas empêché ses idées d’être mises en œuvre  »4.

Pire que cela, ce jeu est bien plus pervers, la question sécuritaire est devenue la pierre angulaire de tout mouvement électoraliste. Même « l’extrême gauche », qui n’est pas en reste vu ses casseroles sécuritaires, a signé en France l’état d’urgence ; la « gauche » ayant limogé les quatre personnes qui ont osé voter contre l’état d’urgence. En Belgique tous les partis confondus se sont enlisés dans le mortifère discours sécuritaire. Si dans leurs illusions « démocratiques », certain.e.s veulent entrer dans le cadre libéral de la représentation, il.le.s ne pourront faire l’impasse de la question sécuritaire, et donc des moyens autoritaires à mettre en place (peu importe le degré).

Mais l’abstention ça ne sert pas à rien ?

Que neni ! Certes elle reste insuffisante mais elle est une nécessité dont il faut prendre conscience. Parce que tu savais que la majorité de la population de vote pas ? Ben oui, en France sur les 66,03 millions de personnes, il n’y a que 40 millions d’inscrits sur les listes électorales. Et sur ces 40 millions, seules 20 millions de personnes sont allées voter lors des dernières élections régionnales. Si on devait donner un chiffre clair, 49% de la population serait abstentionniste, 37% ont voté pour le FN, l’UMP ou le PS et 14% aurait voté un autre parti, ou blanc, ou nul. N’est-il bizarre cette invisibilité de l’abstention alors que tous les ténors proclamment leur victoire sur la base d’un « large soutien populaire » ? Disons qu’il serait plus difficile d’assumer les positions autoritaires du capitalisme démocratique lorsqu’on sait le peu de poids qu’ils représentent effectivement. J’irai même plus loin, ne faisant certes que répêter le texte d’un.e camarade qui de long en large n’explique qu’une seule chose depuis longtemps comprise chez les anarchistes « Le criminel c’est l’électeur » :
« Moi je m’accroche à cette idée lancée par Etienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire, cette idée qui dit :
« Ce tyran, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner.
Je ne donnerai pas ma voix parce que j’estime qu’elle est pour le pouvoir en place l’instrument de sa légitimité.Parce que j’estime que ce pouvoir est malfaisant. Et c’est précisément parce que je le critique, précisément parce que je m’y oppose, que je ne souhaite lui donner aucune légitimité en participant à son sacre.J’estime à l’heure actuelle que l’ensemble de la classe politique, sans aucune exception, n’a pour fonction que de servir les intérêts des pillards et de trahir les idéaux de leurs victimes.J’estime que ceux qui leur donnent leur voix en sont les complices, les serfs, les esclaves et qu’ils se complaisent dans une servitude volontaire. Et qu’ils me haïssent parce que je ne porte pas avec eux le fusil et l’uniforme fourni par ceux qui se soucient moins de nos vies que de leurs profits.
L’abstention est l’expression même de mon opinion politique.
Tu es en droit de juger que je me fais des illusions, que mon opinion politique n’en est pas une, que c’est être bien naïf que d’imaginer qu’en ôtant toute légitimité à un pouvoir il finira par s’écrouler de lui-même. Tu peux dire que c’est utopique. Tu aura sans doute raison.
Laisse moi juste te dire que depuis des années tu vas voter aux heures où on te demande de le faire, pour les personnes que l’on te propose, en suivant la procédure mise en place par le pouvoir en place.
A chaque rendez-vous électoral tu espères que ça change.
A chaque rendez-vous électoral, tu te dis que cette fois-ci ce sera la bonne ou qu’au moins on aura évité le moins pire.
Tu colmates sans cesse les brèches d’un bateau qui coule en espérant qu’à force il se passera quelque chose de nouveau.
Et année après année, élection après élection, tes espoirs sont sans cesse déçus par ceux-là même en qui tu les avais placés.
On te désigne des coupables, tu les insultes, tu oublies les élections précédentes, et tu recommences.
Encore et encore.
Qui est utopiste ?
 »

Est-ce que l’abstentionnisme est suffisant ?
Non, il faut un abstentionnisme politique. Si l’impact de l’abstentionnisme sert à ne pas légitimer le pouvoir et le capitalisme démocratique, il doit avoir une pratique politique forte de l’abstentionnisme. Elle consiste à ne pas soutenir par le maximum des moyens les structures de pouvoirs (en n’allant pas voter, en refusant de payer l’impôt, en fraudant les transports publics, en pillant la production marchande, en développant les formes d’auto-organisation et d’autonomie partout où on a prise etc) mais également d’attaquer les structures de pouvoir. On peut reprendre l’exemple de Oaxaca il y a quelques mois, ce sont des dizaines de milliers de bulletins de vote qui ont été brûlé. Les déclarations sont sans équivoque, et nous font échos, : Dans la région et les états alentour (Guerrero, Oaxaco, Puebla, Chiapas…) ce sont des centaines de milliers de bulletins de votes qui ont été dérobés ou brulés. « La dignité du peuple ne permettra pas que soient installées les urnes électorales, car nous font défaut 43 étudiants de la normale, parce que la justice n’a pas été rendue pour les personnes assassinées, parce que nous avons des prisonniers politiques, parce qu’il n’y a pas de démocratie, parce qu’aucun parti politique ne nous représente et parce que c’est l’I.N.E., au travers des élections, qui a mis au pouvoir des candidats politiques lies au narcotrafic  »8 Représentation, injustice, répression, corruption face à l’argent. Ne vivons-nous pas les mêmes maux ? En quoi leur abstentionnisme ne sert-il à rien ? On peut juste remarquer à quel point c’est l’expression même de la dignité que cet abstentionnisme politique.

Alors si tu tiens réellement à te lever pour aller dans ton bureau de vote, crame le !


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