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Misérables Hommes de Merde

posté le 29/11/17 Mots-clés  antifa  féminisme 

[Parme] Misérables Hommes de Merde

Publié le 20 novembre 2017 | Maj le 26 novembre
Italie | violences sexuelles

À propos du viol collectif qui a eu lieu à Parme, au siège de la RAF (Réseau Antifasciste de Parme)

Des comportements considérés il y a encore quelques temps comme ignobles ont lieu maintenant sous les yeux de tous, sous le sigle de la normalité, sans provoquer aucune réaction. Ils ne provoquent plus l’indignation générale, et sont au mieux commentés avec résignation, curiosité, ou indifférence. Ils récoltent parfois même une certaine notoriété. Comme si de rien n’était. Cette dégradation est transversale, aucun lieu n’est à l’abri, mais entache tous les domaines. Des réactionnaires aux révolutionnaires, plus personne ne se préoccupe de ce qui est juste, mais seulement de ce qui est convenable. Et, pour obtenir ce qui est convenable, nous sommes prêts à adopter ou à justifier n’importe quel comportement, même le plus répugnant. La rigueur – on nous dit et répète – rend rigide, fait perdre des occasions. Mieux vaut être souple. Et puisque l’avenir n’existe pas ; nous pouvons nous détendre. « Si les choses ne peuvent pas s’améliorer », affirmaient certains il y a quelques années, « les choses peuvent cependant empirer ». Aujourd’hui, si les choses ne peuvent pas empirer, c’est parce qu’elles ont déjà eu lieu. Il faut juste laisser passer un certain laps de temps avant que les choses ne se sachent.

La lecture de ce texte (traduit en français ici) https://paris-luttes.info/a-propos-du-viol-collectif-qui-a-8797?lang=fr (apparu il y a quelques temps sur internet) nous a assommés et nous a laissés incrédules, dégoûtés. Les faits qui y sont reportés sont tellement graves que les commentateurs ne peuvent pas les nuancer : quelque chose d’infâme est arrivé, dans un sens ou dans l’autre, « entre camarades ». Ou un abus sexuel écœurant, ou une calomnie terrible. Nous avons passé des journées entières avec l’âme chargée, dans l’attente d’un démenti partiel ou total de tout ce qui a été écrit. Les jours sont passés et personne n’a démenti. Nous en déduisons donc que les affirmations de ce texte sont vraies, peut-être pas au détail près, mais en tout cas en substance.

Ce qui a eu lieu à Parme en septembre 2010 pourrait être défini comme le parfait tourbillon de l’infamie humaine. Plusieurs comportements aberrants se sont concentrés à un moment, dans un lieu, se sont croisés, alimentés l’un l’autre, déchaînés réciproquement contre une seule et même personne, en balayant par ailleurs toute décence minimum. Au siège du Réseau Antifasciste, un viol collectif a été commis sur une fille évanouie. Pour accomplir ce viol, un fumigène a aussi été utilisé. Ce viol, auquel ont assisté quelques spectateurs, a été filmé avec un téléphone portable. La vidéo a circulé entre de nombreux camarades. Malgré le fait que plusieurs en aient eu connaissance, personne n’a rien dit, personne n’a rien fait. La victime a ensuite été affublée d’un surnom dégradant. Cette jeune fille, qui n’avait jamais dénoncé personne de sa vie, a été soumise à un interrogatoire de police. Ce sont les flics qui lui ont montré pour la première fois la vidéo, en lui mettant sous les yeux ce qu’elle avait subi. Au final, sous des pressions que l’on imagine, la jeune fille a signé une déposition, et certaines personnes se sont retrouvées inculpées. Et cette jeune fille a été insultée, menacée, mise à l’écart de certains espaces du milieu parce que considérée comme une balance qui a permis à la justice d’incriminer certains compagnons.

Nous ne connaissons pas cette fille, tout comme nous ne connaissons pas les personnes impliquées à Parme. Nous n’avons pas d’amis ou d’ennemis que nous ne portons pas dans notre cœur à attaquer. Nous avons seulement notre conscience, consternée par ce qui est arrivé. Incapable (et sans intention) de se taire face à une telle infamie. Une infamie inconcevable jusqu’au siècle dernier, mais possible et déjà en acte aujourd’hui, quand chaque rapport se trouve vécu de manière instrumentale, chaque idée est considérée comme un objet jetable, toute éthique est perçue comme une limite et une entrave à dépasser.

Une fille en état d’ébriété, dépourvue de sens. Effondrée sous l’excès d’alcool ou de drogues. Incapable de se rendre compte de ce qui est en train de lui arriver. C’est l’objectif préféré de certains mâles en rut, simplement désireux de se débonder biologiquement, sans devoir attendre que vienne l’étincelle réciproque, sans devoir perdre de temps dans une séduction au résultat incertain. Pour ceux-ci, une fille inconsciente est la cible préférée. Elle ne dit pas oui, elle ne dit pas non. Et ceci est particulièrement important, parce qu’il existe des mâles en rut qui ont une conscience délicate et des scrupules moraux. Ceux-ci ne veulent pas passer pour des violeurs, et ne se considèrent pas comme des violeurs. Puisqu’ils ne se posent pas de questions, ils n’ont pas besoin de recevoir de réponses. « Non » est synonyme de viol, ils le savent tous ; le silence par contre ouvre une zone franche qui leur permet d’utiliser un être humain comme un morceau de viande, pour ensuite dormir en paix avec eux-mêmes. Quand un « non » clair n’est pas prononcé, ils se sentent à leur aise. Ce n’est pas un viol, parce qu’il n’y a pas de cris et de hoquets. Ce n’est pas un viol, parce qu’il n’y a pas de résistance physique.

« Nous ne sommes pas des violeurs », disent les personnes directement intéressées. « Ce ne sont pas des violeurs », confirment leurs camarades, amis et avocats, tous prêts à rappeler le précepte selon lequel « qui ne dit mot consent ». Pour les agents de police et la magistrature, il n’y a pas par contre de doutes : les « antifascistes » sont des violeurs. Quel triomphe pour tous les réactionnaires ! Combien d’éclats de rire pour les fascistes ! Quel scoop pour les journalistes ! Quelle raclée pour le mouvement ! Selon quelques-uns, ceci constitue un motif de plus pour ne pas utiliser le mot viol, un motif de plus pour défendre les accusés, un motif de plus pour s’en prendre à cette fille. Qui peut dire, en toute honnêteté, qu’avant de s’évanouir elle n’ait pas lancé sourires complices et regards malicieux ? Qu’est-ce qui est vraiment arrivé cette nuit-là ? Ce qui est certain, c’est que trois « antifascistes » sont aujourd’hui à la barre : nous ne nous unissons pas aux clameurs qui voudraient les voir pourrir en prison, nous ne les appelons pas violeurs.

Oui, c’est vrai, il n’est pas agréable de répéter le refrain des magistrats en salle de tribunal. Motif pour lequel nous appellerons les « ne-les-appelez-pas-violeurs » de la seule manière qui nous vient à l’esprit, ce qu’ils ont démontré être sans doute possible : Misérables Hommes de Merde. Parce qu’il faut vraiment être des Misérables Hommes de Merde pour décharger sa propre testostérone sur le corps inanimé d’une fille dépourvue de ses sens. Parce qu’il faut vraiment être des Misérables Hommes de Merde pour utiliser comme sex-toy un fumigène (vous vous rappelez des paras italiens en Somalie en 1993, ceux qui violaient les « belles Abyssiniennes » en utilisant un projectile d’artillerie ? Même race de sous-hommes).

Et il faut aussi être des Misérables Hommes et Femmes de Merde pour se faire spectateurs de l’acte sexuel, en le filmant avec les téléphones. Finalement – et nous tenons ici à le souligner -, il faut aussi être des Misérables Hommes et Femmes de Merde pour savoir tout ce qui est arrivé sans battre des cils, pour regarder cet écran sans s’emporter (peut-être en ricanant et en donnant des coups de coude), pour appeler cette fille avec ce surnom répugnant, pour tolérer et justifier ce qui a été fait, pour continuer à respirer le même air de qui s’est entaché d’une telle infamie, en allant jusqu’à menacer la victime pour défendre les bourreaux. Nous ne sommes pas du tout intéressés par le verdict qui sera prononcé par le tribunal, nous ne devons pas attendre de le connaître pour nous exprimer à ce propos. Ce qu’en dira la loi ne nous intéresse pas, nous savons déjà ce qu’en dit notre cœur.

Il faut aussi être des Misérables Hommes et Femmes de Merde pour accuser en outre cette fille d’avoir donné en pâture, avec sa déposition, trois camarades à la magistrature. Au-delà du fait que de tels Misérables Hommes de Merde peuvent être considérés comme des camarades seulement par d’autres Misérables Hommes et Femmes de Merde, en réalité l’exact opposé est arrivé : c’est cette fille qui a été donnée en pâture aux enquêteurs, à cause de cette vidéo qui, dans la tête de ces Misérables Hommes de Merde, devait être le trophée à exhiber en souvenir de leur nuit de lions. De ce que nous avons compris, dans la déposition signée par cette fille, les carabiniers ont aussi ajouté les noms de personnes étrangères aux faits, puis acquittées de toute accusation. Qui s’est retrouvé entraîné dans cet événement infâme a sans doute de bonnes raisons d’être en colère, et ce sera à sa conscience de décider s’il pensera à elle avec hostilité ou si, vu les circonstances, il oubliera par pitié. Mais ceci ne justifie pas la logique du « tous innocents, tous coupables », à laquelle s’agrippent les Misérables Hommes et Femmes de Merde. C’est une idée déplorable que « ma belle anarchie » du Monello et des anarchiste du sciècle dernier se décompose au point de devenir notre putride anarchie du troisième millénaire. Parmi les cavaliers de l’idée qui nous ont précédés, tout ceci n’aurait jamais été possible. Cela n’aurait pas non plus le moins du monde été concevable. Et nous ne nous référons pas à tout ce qui est arrivé cette nuit-là – à cause d’une poignée de Misérables Hommes de Merde que l’on peut retrouver partout et tout le temps –, mais à ce qui est arrivé ensuite. Parce que, vu l’endroit où ce drame a eu lieu et le drapeau avec lequel se présentent les responsables, ce n’est pas seulement une fille de dix-huit ans qui a été violée et humiliée : mais c’est aussi l’idée, l’éthique, et également la dignité de ceux qui rêvent d’un monde sans autorité ni pouvoir qui ont été violentées et humiliées avec elle, ce soir-là. Et c’est un fait que, au sein de la « belle anarchie », vous avez fait monter le sang aux yeux, vous avez fait crier vengeance, et immédiatement poussé les camarades les plus généreux à faire collecte pour offrir à ces Misérables Hommes de Merde de longues vacances dans un service orthopédique quelconque. Mais dans notre anarchie putride il n’est reste plus aucune idée, aucune éthique, aucune dignité. La fosse qui s’appelle « Mouvement » par convention linguistique est composée pour l’immense majorité de camarade-hasardeux, qui se battent contre les forces de l’ordre comme d’autres sautent en parachute, qui entonnent des slogans dans des cortèges comme d’autres entonnent des chœurs au stade, qui fréquentent des lieux squattés comme d’autres fréquentent des discothèques, liés entre eux par l’esprit même du troupeau. Voilà pourquoi rien n’est arrivé après cette nuit, rue de Testes, à Parme. Parce que celui qui n’a aucune pensée, aucune éthique, aucune dignité à entretenir, mais seulement un profil Facebook, n’a aucunement vu l’horreur dans cette vidéo, il a seulement vu des amis qui s’amusaient avec quelqu’un d’un peu moins ami.

La voilà, l’apocalypse éthique. Après la légitimation de la calomnie en premier (« une erreur, une opinion non partagée, continuons »), la légitimation de la délation ensuite (« une faute, une pratique qui ne nous appartient pas, remettons le discours sur les rails »), il ne nous manquait que ça. Qu’est-ce qui est arrivé ce soir-là au siège du Réseau Antifasciste ? Une faute ? Un excès de luxure, partagé et informel, dont peu d’autres souffrent ? Tournons la page ? En effet, pourquoi pas ensuite une assemblée avec des délateurs, un rassemblement pour la défense de ces Misérables Hommes de Merde serait tout aussi logique.

Il s’agirait d’un vrai rassemblement de révolutionnaires, pour être clair, pas du tout de Misérables Hommes et Femmes de Merde qui s’appellent entre eux « camarades ». Gens capables de se rappeler soudainement de l’éthique pour la jeter à la face soit de cette fille, soit de ceux qui l’ont défendue. Comment peut-on dédouaner celle qui a collaboré avec les enquêteurs juste parce qu’elle a été victime d’un abus ? Si elle avait été leader d’un mouvement, alors là, oui, on aurait pu la dédouaner. Dans ce cas l’éthique serait restée en poche, tenue bien cachée comme une plaisanterie.

Ces Misérables Hommes et Femmes de Merde, à qui cela plaît d’être forts avec les faibles et faibles avec les forts, n’arrêtent pas de rappeler que, en ayant signé la déposition rédigée par les carabiniers, cette fille est une balance (techniquement parlant). Et ceci, pour les charognes de l’antifascisme, est (techniquement parlant) une excellente occasion pour faire briller tout leur courage et leur cohérence.

Quant à nous, nous admettons notre lâcheté et notre incohérence : cette fille n’aura pas notre mépris. La vie, sous forme de Misérables Hommes et Femmes de Merde (d’abord sans, puis avec uniforme) s’est déjà trop acharnée sur elle. Notre mépris nous préférons le réserver, et jusqu’à la dernière goutte, à qui l’a utilisée pour une nuit comme cabinet hormonal, et à qui a ri ou omis pendant des années face à une telle infamie.

[Extrait de Finimondo.org – 21/12/16]
P.-S.

https://article13.noblogs.org/post/2017/10/29/a-propos-du-viol-collectif-qui-a-eu-lieu-a-parme-au-siege-de-la-raf-reseau-antifasciste-de-parme/

https://mars-infos.org/miserables-hommes-de-merde-parme-2718


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