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Ngô Van – La Légende d’Ho chi Minch [1/3]

LE TESTAMENT

« Mâp mo dánh lân con den »
(« On embrouille le peuple pour le tromper »)
Nguyên Du

Hô chi Minh mourut inopportunément le jour de la commémoration de lʼindépendance, le 2 septembre 1969, à 9 h 47 : Fallait-il assombrir la foule en liesse sur commande avec lʼannonce de la mort du « Vieux père de la nation » ? Les mandarins de Hanoi ont préféré décréter que lʼOncle Hô était passé de vie à trépas le 3 septembre 1969.

Comme il sied à un dieu de la religion dʼÉtat, Hô chi Minh avait pensé à lʼorganisation de son culte posthume. Dans son testament, le deuxième, rédigé un an avant sa disparition, il précise :

« Je demande que mon corps soit brûlé, cʼest-à-dire incinéré (hõa táng). Mes cendres seront partagées en trois parties : une pour le Nord, une pour le Centre, une pour le Sud. Mes compatriotes de chaque zone choisiront une colline pour enterrer les urnes. Sur ma tombe, pas de pierre tombale ni de statue en bronze, mais une simple maison, vaste, ombragée, pour que mes visiteurs puissent sʼy reposer. Il faudra prévoir la plantation dʼarbres sur et autour de la colline. Chacun de mes visiteurs pourra y planter un arbre en souvenir. Lʼentretien de lʼendroit pourra être confié à des personnes âgées [1]. »

Il ne craignait pas, dans sa royale simplicité, de vouer au culte de ses reliques la vie finissante de quelques vieillards.

Et lorsque dans le même testament il se voit aller à la rencontre du « Vénéré Karl Marx », sans doute ignore-t-il que celui-ci avait écrit à W. Blos le 10 novembre 1877 : « Par dégoût de tout culte de la personne, je nʼai jamais permis que lʼon fît de la publicité autour des nombreux témoignages dʼadmiration dont on mʼaccablait dans divers pays... Lorsque nous avons adhéré, Engels et moi, pour la première fois, à la société secrète des communistes, nous lʼavons fait à la condition sine qua non quʼon écarterait des statuts tout ce qui eût pu être favorable au culte de lʼautorité [2]. »

Hô chi Minh avait aussi demandé que les paysans soient exemptés dʼimpôts pendant un an à lʼoccasion de son deuil.

Lʼoligarchie de Hanoi, loin dʼincinérer Hô, le fit embaumer comme au temps des pharaons, exposa sa momie dans un mausolée, ainsi que lʼavait fait Staline de la dépouille de Lénine. Ce monument macabre dʼobscurantisme devait servir de socle au pouvoir des nouveaux maîtres. Quant à la recommandation du défunt concernant lʼexemption dʼimpôts des paysans, quand elle fut découverte par la suite, le Bureau politique publia un communiqué : « Au sujet de lʼexonération dʼimpôts pour les coopératives agricoles, à cette époque les conditions nʼétaient pas réunies pour sa réalisation ». Ainsi soit-il [3].

Ngô Van
Le joueur de flûte et l’Oncle Hô. Viêt-nam 1945-2005
Éditions Paris-Méditerranée, 2005, p. 15-17.

[Titre modifié]

Notes

1. Di chuc cya Chu tich Hô chi Minh (Testament du président Hô chi Minh), Hô chi Minh-Ville, 1989.
2. Cité in Maximilien Rubel, Karl Marx, Essai de biographie intellectuelle, Paris, 1957, p. 290.
3. Cf. Bùi Tin, Vietnam, la face cachée du régime, Paris, 1999, p. 104 sq. Après la mort de Hô chi Minh, Vu Ky son secrétaire remit au bureau politique les quatre versions du testament. Le secrétaire général du parti, Lê Duân, publia dans le journal du parti Nhân Dân une version expurgée du testament dans laquelle ont disparu les paragraphes concernant le voeu du défunt d’être incinéré ainsi que sa recommandation d’exonérer d’impôts les paysans pendant un an.


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