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No Border, des activistes très limites

posté le 09/03/16 par Par Haydée Sabéran, Envoyée spéciale à Calais et Célian Macé, Envoyé spécial à Calais Mots-clés  No Border  sans-papiers  solidarité  Calais 

A Calais, ce réseau aux méthodes radicales fait office de coupable idéal pour le gouvernement.

No Border, des activistes très limites

Les No Border, voilà l’ennemi. Les activistes antifrontières sont les épouvantails de Calais, bien pratiques à désigner pour éviter à l’Etat de se poser la question de ses échecs. Avant leur arrivée à Calais, en 2009, les méchants passeurs étaient dans tous les discours, qui vendaient du rêve, qui poussaient les migrants à traverser la Manche. Les No Border sont les nouveaux coupables.

Squats.
A en croire l’Etat et certains élus locaux, le problème de Calais ne serait pas le désir d’Angleterre et le passage bloqué, mais les activistes énervés qui voudraient ouvrir la frontière. Qui sont-ils ? En majorité des Anglais, des jeunes, étudiants, salariés ou entre petits boulots et chômage. Combien ? « Environ 100 la semaine et 300 le week-end », avance la préfète du Pas-de-Calais, Fabienne Buccio. Maya Konforti, bénévole à l’Auberge des migrants, sursaute : « Ils ne sont pas plus de douze. » Un No Border français assurait lundi qu’ils étaient dix à Calais, « quatre dans la jungle ». En tout cas, « ultra-minoritaires », assure Vincent De Coninck, chargé de mission au Secours catholique, « mais pour l’Etat, dès que quelqu’un parle anglais et porte un jean, c’est un No Border ».

Ces activistes ont créé un centre d’information dans la jungle et donnent des conseils juridiques en cas d’arrestation. A l’époque où les migrants étaient en ville, il y a un an, ils ouvraient aussi des squats. Ils ont monté des dossiers sur les violences policières, transmis au défenseur des droits, qui ont débouché sur un rapport sévère. Dans les années 2010, ils vivaient dans les squats avec les migrants et les avertissaient au sifflet d’une descente de police. La préfète : « Ils manipulent une centaine de migrants, surtout des jeunes. Lundi, ils les ont encouragés à jeter des pierres. Un CRS a eu la main cassée en trois endroits. » De Coninck : « C’est n’importe quoi. C’était les jeunes exilés kurdes et afghans qui avaient la rage. » On peut ajouter que les anciens peshmergas et les jeunes Afghans qui fuient les talibans n’ont besoin de personne pour avoir envie d’en découdre.

La préfète : « Ils ont un discours préparé, ils ont tagué les gilets des personnels de la maraude, leur ont craché dessus, les ont insultés. Ils ont fait redescendre les migrants du bus » qui s’apprêtait à rejoindre un centre d’accueil. C’est cet incident qui a déclenché l’opération de police du lundi 29 février, et l’évacuation violente de la jungle depuis, alors que le ministre de l’Intérieur avait promis la méthode douce. Un porte-parole de la préfecture assure par ailleurs que des No Border les ont traités de « nazis ».Ceux qu’on a rencontrés ne confirment pas. Mais un membre d’une organisation proche de l’Etat raconte : « Ils désinforment les migrants. Il y a parmi eux une poignée de petits cons. Il y a aussi des bons No Border. Mais ils se perdent souvent dans leur combat et on se demande qui ils servent : les migrants ou leur cause ? » Ont-ils poussé les neuf Iraniens à se coudre la bouche, mercredi ? « Certainement pas, insiste Maya Konforti. Mais comme l’"info center" des No Border est abrité et chaud, ils leur ont ouvert la porte et les soutiennent. »

« Influence ».
Léo (1), No Border : « Je ne suis pas d’accord avec la grève de la faim, je n’aime pas cette forme de lutte. Je ne vois pas pourquoi des gens se mettraient encore plus en danger. Mais s’ils choisissent de le faire, je reste à leurs côtés. On ne choisit pas les méthodes de lutte des gens. Ce n’est pas nous qui sommes coincés dans la jungle, mais eux. » Ce sont des activistes, et ils ne prônent pas la non-violence. « Je ne lance pas de pierres, dit Alex (1), mais je ne vais pas dissuader les gens de le faire. » Il ajoute : « Ils n’ont pas besoin de moi pour être capables de s’organiser. » Léo : « On sait qu’on a de l’influence quand on est les seuls Blancs dans un squat par exemple. On essaie de ne pas utiliser ce pouvoir-là et ne pas forcer un choix. Ne pas faire faire aux gens des choses qu’ils n’ont pas envie de faire. » Mais ils distribuent des flyers. Dans le dernier, ils désignaient les conteneurs blancs du nouveau centre de la jungle comme un espace où les contrôles sont « très durs » (ce qui n’est pas vrai, lire ci-dessus) et les centres d’accueil et d’orientation comme des lieux d’où on pouvait être placé en rétention et renvoyé vers l’Italie si on y a des empreintes.

Maya Konforti : « Je suis la première à les défendre. Parce qu’ils font du bon boulot, même s’ils sont parfois chiants. » Ce sont eux qui ont ouvert un squat pour des dizaines de femmes et d’enfants en 2013, repris par… l’Etat qui l’a confié à une association spécialisée dans le travail social, Solid’R. Puis les femmes ont déménagé dans un local plus grand, avant d’atterrir au centre Jules-Ferry. Ce sont donc les No Border qui, les premiers ont pris l’initiative de la mise à l’abri des femmes migrantes à Calais.

(1) Les prénoms ont été modifiés.


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