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Peut-on être contre le langage ?

posté le 28/08/16 par /jeanpaulgalibert. Mots-clés  histoire / archive  réflexion / analyse 

Cratyle, dit-on, avait résolu de s’en passer. Il se contentait, parait-il de désigner les choses dont il avait besoin. Voici comment je m’explique sa décision.

Le langage désigne des choses. Il trace des limites fermées, autour de zones aussi multiples que l’on voudra, où tout porte le même nom, où tout mérite tout uniment le même mot. C’est cela, une chose : la trace d’un mot dans le réel. Dans ce geste, deux actes indissolubles, car le langage fend et fond : au dehors, il sépare de la chose tout ce qui n’est pas elle, tandis qu’au-dedans, il mélange sans appel tout ce qui est dedans et se noie dans le même mot. Tout, autour est différent, tandis que tout, dedans, est semblable. Le langage est la plus fusionnelle des séparations.

Que nous ayons besoin d’établir de telles limites est probable mais ne nous en donne nullement le droit. Pour que le langage ait quelque valeur, et notamment pour qu’il soit capable de vérité, il faudrait que les limites qu’il instaure correspondent à des limites objectives, présentes au sein du réel indépendamment du langage. Or cela suppose deux choses dont on peut fort bien douter. La première est l’existence de telles limites, puisque rien ne nous permet à priori de supprimer la possibilité d’un réel complètement lisse et continu, sans faille, jointure ni articulation. Si tout est un, il n’y a pas de limite. La deuxième est que le langage insiste sur les limites les plus importantes, en sorte que la classification qu’opère le langage corresponde à la classification objective du réel. Et c’est ici qu’intervient l’indécidable : comment saurions-nous, même s’il existait des limites, que celle-ci est plus importante que celle-là ?


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