Quand la passion l’emporte sur la raison, c’est la haine qui s’installe. Et quand la haine l’emporte sur l’humanisme, c’est la guerre qui perdure. C’est ainsi que pourrait être résumé, après près de 70 ans, le conflit israélo-palestinien, que beaucoup – comme si cela les rassurait – se complaisent à qualifier encore et toujours de "conflit israélo-arabe" alors que la paix avec la Jordanie et l’Égypte est bien réelle et que la plupart des États arabes n’ont même plus ni la volonté ni la capacité d’engager une guerre contre Israël. L’antagonisme israélo-palestinien donc, sachant, là aussi, que le "conflit" dans le sens militaire du terme n’oppose même pas Israël à l’Autorité palestinienne, mais plus précisément l’État hébreu à toutes les organisations terroristes islamistes, du djihad islamique au Hamas en passant par le Hezbollah libanais.
La semaine dernière, à travers une résolution équilibrée, oui équilibrée, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné la poursuite de la colonisation de la part des Israéliens et a exigé que l’Autorité palestinienne déploie tous les moyens pour annihiler les actions des groupes terroristes. Évidemment, les courants liés à l’extrême-droite et à la droite populiste israélienne ont rué dans les brancards et étant les plus bruyants, ils ont réussi à susciter une bronca, notamment sur les réseaux sociaux à laquelle, quelques personnalités de la communauté juive française, ont répondu en écho, se laissant ainsi entraîner par leur seule passion, sans jamais convoquer véritablement la raison. Nous le savons pourtant, l’hystérie n’a jamais réglé un problème politique.
Avant d’aller plus loin, posons trois postulats.
Primo, Un État moderne, a fortiori une démocratie, se doit de fixer définitivement ses frontières. Le temps de l’expansionnisme est révolu. Raison pour laquelle, les frontières définitives doivent nécessairement être tracées dans le cadre certes d’une négociation, mais avec comme référence les limites de 1967. C’est pour dire clairement que les implantations illégales – et désormais condamnées par la communauté internationales, y compris les démocraties – doivent cesser immédiatement. On ne peut pas se targuer d’être un État de droit et piétiner le droit comme on ne peut pas s’offusquer – à juste titre – des tentatives de diabolisation de courants extrémistes islamistes ou nationalistes arabes et prêter ainsi continuellement le flanc à travers une politique méprisante et désastreuse. Car cette politique israélienne n’est pas désastreuse pour ses voisins, mais bien pour l’avenir du peuple israélien et au-delà pour tous les juifs.
Secundo, à part l’Iran dont la menace belliqueuse a pour l’heure été circonscrite, aucun risque majeur ne menace désormais l’existence de l’État d’Israël. Son potentiel militaire, ses alliés, sa puissance régionale, le génie de sa société, ses capacités scientifiques et technologiques, son patrimoine culturel, font de ce pays, un miracle dans la région, un État définitivement fixé qu’aucune force ne pourrait désormais anéantir. En d’autres termes, nous ne sommes plus dans la situation des années 1960 ou 1970 et malgré l’hostilité encore manifeste qui s’exprime notamment à travers les courants islamistes, ces derniers, tout comme leurs promoteurs cachés, ne pouvant rien produire sinon des discours de haine, seraient bien incapables de réaliser le fantasme du totalitarisme islamiste : la destruction de l’État d’Israël.
Tertio, le grand objectif de l’État hébreu doit être la sécurité de sa population, depuis longtemps soumise aux affres du terrorisme et la consolidation d’une démocratie moderne à l’économie dynamique.
Or, qu’est-ce qui peut garantir l’accomplissement d’un tel rêve ? La réalisation d’une paix effective avec les Palestiniens et la destruction militaire, politique et idéologique des logiques islamistes. Il ne pourrait y avoir plus grand revers politique, en effet, pour ces organisations nihilistes qu’un accord de paix conclu avec les autorités palestiniennes, la cessation de toute logique de colonisation et l’évacuation – après négociations – des implantations illégales. Car un État moderne ne peut accepter d’être l’otage de quelques religieux fanatiques, extrémistes de surcroît.
Le statut de Jérusalem devant faire l’objet d’une négociation différenciée pour permettre à chacune des deux parties de réaliser son rêve : faire de Jérusalem (ouest) la capitale d’Israël et faire de Jérusalem (est) celle d’un futur État palestinien reconnu ayant clairement choisi la voie de la modernité et condamné toute forme de violence. Autant de points d’ailleurs actés par les accords de Taba de 2001. C’est dire qu’il ne s’agit pas d’une simple utopie. Quinze ans déjà. Quinze ans de perdus. Et combien de morts ! Combien de familles endeuillées en Israël et dans les territoires palestiniens ! Combien de souffrances et de larmes ! Que de récupération islamiste !
Devant de telles propositions, certains pourraient lancer des cris d’orfraies. Mais disons les choses: un partage intelligent ne serait-il pas meilleur qu’une situation de "ni guerre ni paix", d’instabilité et d’invectives réciproques, qui ne sert finalement qu’aux extrémistes des deux camps.
Et quel est le rôle de la communauté juive en France? Soutenir une politique hasardeuse et belliqueuse, de surcroît sans issue? Ou pousser les logiques de paix pour que les enfants d’Israël n’aient plus à payer le prix du sang face à un terrorisme abject, immoral, une guerre d’usure dénuée d’éthique menée par des fanatiques qui cherchent à tendre à la démocratie israélienne un piège dont le caractère vicieux n’est plus à démontrer, puisque ceux qui, du côté palestinien appuyés par leurs idiots utiles de France et d’ailleurs, veulent transformer un conflit à l’origine territorial en un conflit religieux. De ce point de vue, les Israéliens et les juifs de la diaspora qui souhaitent, consciemment ou pas, faire glisser le conflit vers une logique religieuse, alimenteraient directement les forces de l’obscurantisme. Incontestablement.
Il faut le dire là aussi clairement en convoquant la raison: les Palestiniens furent des ennemis pour Israël. Et inversement. Or, on ne fait la paix qu’avec ses ennemis. D’un autre côté, le fantasme – très biblique – du "Grand Israël" est une illusion qu’il faut définitivement enterrer au profit de la vision de Shimon Peres qui répétait inlassablement : "Être juif, ce n’est pas vouloir dominer les autres, mais c’est chercher la fraternité et l’égalité entre les hommes".
Pour finir, ceux qui en Israël ou au sein de la diaspora se réjouissent des "liens futurs" que promet d’établir Donald Trump devraient inquiéter plus qu’autre chose. Le président américain élu qui prendra ses fonctions en ce mois de janvier 2017, pourrait davantage être un boulet pour l’État hébreu qu’un véritable allié. On ne peut être l’allié d’un personnage qui a fait de l’outrance un art de vivre au moment où il nous faut agir en responsabilité, car lorsqu’on refuse d’être blessé par les propos haineux, on s’interdit d’en produire soi-même ou de cautionner ceux qui les produisent.
Si le camp de la paix israélo-palestinienne est malade de la guerre, il l’est certes d’abord et surtout à cause de l’idéologie islamiste du Hamas qui a, à l’instar des autres organisations islamistes, intérêt à entretenir ce conflit tel un abcès de fixation. Mais il n’est pas seulement malade de ces dangereux illuminés. Ce camp est aussi malade par la faute de tous ceux qui en Israël ont refusé et refusent encore de voir la réalité en face. Il est malade à cause de tous ceux qui s’empêchent de donner une chance à la paix, et de comprendre que l’avenir du peuple d’Israël n’est pas à la place d’un État de Palestine mais à ses côtés. Il n’est pas question de construire le bonheur d’un peuple au détriment d’un autre même s’il faut montrer, dans le cadre de l’État de droit, une fermeté totale face aux tenants du terrorisme, de la haine et de tendre la main, par ailleurs, à tous ceux qui sont capables de se comporter sérieusement et d’accepter ce principe de la main tendue.
Ce camp de la paix est malade aussi à cause de tous ceux qui refusent d’admettre là-bas en Israël, mais aussi ici en France, que l’occupation de territoires fussent-ils historiquement liés au peuple juif n’est en rien conforme à l’éthique juive.
Ce camp de la paix est malade enfin à cause de tous ceux qui refusent d’admettre que la solution ne peut être que le fruit d’un historique compromis politique, national et territorial.
Et pourtant, la liste des ébauches de solutions négociées est vaste. Ce sont tous ces chantiers laissés en jachère qu’il faudra reprendre : Oslo, en 1993 ; sommet de Taba, en 2001 ; feuille de route pour la paix du Quartette, en 2003 ou encore le discours du Caire du président Barack Obama de 2009.
Mais d’un autre côté, la communauté internationale, et surtout les démocraties, doivent assumer leurs responsabilités malgré la difficulté de la tâche. Il y a vraiment urgence d’autant que l’idée de paix n’est plus dans les esprits. Les deux peuples, israélien et palestinien, ont perdu au fil du temps l’espoir mais plus grave encore la volonté de s’entendre, de se respecter mutuellement et de coexister pacifiquement les uns à côté des autres. Il est urgent de rétablir cette confiance, un préalable, entre les deux Peuples. Un objectif que tour à tour, Anouar El Sadate et Itzak Rabin ont tenté de réaliser avant de le payer de leur vie.
Oui, car la paix a souvent un prix. Mais rien ne vaut la paix. Pour y parvenir il faut du courage, de la volonté, de la clairvoyance, un dessein politique et une vision. Car comme le confiait David Ben Gourion le 13 juillet 1956 : "Plutôt une mauvaise paix qu’une bonne guerre."
Il faut beaucoup de choses, mais il faut surtout une réelle aspiration des Israéliens et des Palestiniens et il faut que se taisent tous ceux qui aiment entretenir la tension. On ne peut plus accepter que tous les oiseaux de mauvais augure continuent à distance de souffler, par tous les moyens, sur les braises du Moyen-Orient. Qu’ils soient pro-palestiniens ou pro-israéliens.
Comme nous ne pouvons plus accepter ni tolérer qu’un conflit aussi complexe soit importé en France par tous ceux qui, emportés par leur passion ou par leurs visées cyniques et égoïstes, tentent, en toute irresponsabilité de le manipuler quitte à en faire un sujet de discordes, de haines et de divisions entre citoyens français. Les fissures sont déjà importantes et les risques sur la cohésion nationale assez sérieux en raison de la menace terroriste et de la montée des courants racistes et populistes, pour ne pas faire du conflit israélo-palestinien (qui concerne d’abord les Israéliens et les Palestiniens) un facteur de division entre Français juifs et Français musulmans. La tentation est grande pour tous ceux qui pensent que de tels conflits s’observent comme on suit un match de football en supportant bien au chaud dans les tribunes un camp ou un autre... Mais la réalité est autre car au bout il n’y a pas des buts et des trophées mais des morts et des drames. Donc l’irresponsabilité doit cesser... C’est d’abord une question de décence!