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Racisme et racialisme : de la droite de la droite à la gauche de la gauche

posté le 18/01/19 par http://bdum.blog.lemonde.fr/2015/10/15/racisme-et-racialisme-de-la-droite-de-la-droite-a-la-gauche-de-la-gauche/ Mots-clés  antifa 

Au cours de ces derniers jours, est apparu dans de nombreux articles concernant l’affaire Morano, le terme racialisme. Quelle serait la différence entre racialisme et racisme ? (voir Tzvetan Todorov « Nous et les autres » Seuil, 1989). Le racisme serait un comportement, haineux ou méprisant, à l’égard de personnes ayant des caractéristiques physiques bien définies et différentes de celles du raciste ; le racialisme serait une idéologie concernant l’existence de races humaines. Le raciste ordinaire ne serait pas un théoricien, il ne serait pas capable de justifier son comportement par des arguments pseudo-scientifiques, et le racialiste ne serait pas nécessairement raciste, son idéologie pouvant ne pas influencer ses actes (mais souvent favoriser le passage à l’acte d’autres individus).

Cette distinction spécieuse présente un avantage politique évident pour les tenants du rejet de l’autre. Le racisme est condamnable juridiquement, le racialisme ne l’est pas et est de ce fait un excellent moyen de faire passer des idées racistes et de donner un cadre idéologique au racisme à venir. Et cela aussi permet d’atténuer la responsabilité de certains auteurs de comportements racistes, en particulier lorsque ces individus sont peu cultivés et ne peuvent justifier leurs actes par une théorie racialiste élaborée.

Il est clair, comme le démontrent les prises de positions de responsables et d’idéologues de la droite dure et de l’extrême droite que la dissémination et la justification de la parole racialiste est une étape nécessaire pour pouvoir mettre en place une politique ouvertement raciste dans l’avenir. En cela, leurs alliés, qui participent à la diffusion de cette parole ne sont pas obligatoirement la ou on les attend, à droite de l’échiquier politique. Une des organisations portant cette idéologie racialiste se trouve à la gauche de la gauche. Il s’agit du Parti des Indigènes de la République (PIR) qui dans un texte intitulé « La race existe » nous dit « les gauches du monde occidental persistent à nier l’existence des races sociales au nom de l’inexistence des races biologiques, de l’universalisme et du « plus jamais ça ! » né de la conscience du génocide des Juifs. Ce déni ne fait que précipiter l’inéluctable rupture qui aura lieu entre les couches populaires non blanches et le reste de la société car la race existe. Elle structure nos sociétés depuis le fait colonial et se poursuit aujourd’hui comme le prouvent les discriminations raciales et leur ampleur sur le territoire français. »

On retrouve les mêmes obsessions identitaires qu’à l’extrême droite (seul, bien entendu, le groupe concerné change) :

– Pureté de la race avec une opposition aux mariages mixtes et au métissage « La perspective décoloniale, c’est d’abord de nous aimer nous-même, de nous accepter, de nous marier avec une musulmane ou un musulman »

– Anti-universalisme avec un refus de la convergence des luttes (féminisme, anticapitalisme, LGBT) « parce que derrière la convergence, il y a un présupposé universaliste, lui-même fondé sur l’idée qu’il y aurait des oppressions universelles et qu’il faut donc s’en émanciper. » ;

– Soutien au machisme et sexisme religieux « Cela fait partie des pressions que les hommes indigènes font peser sur les femmes. C’est normal, puisque l’idéologie coloniale les fait passer pour des sauvages. Mais cela offre une perspective décoloniale pleine d’ambivalences. Ce que je veux dire c’est que les femmes répondent aussi à ce malaise lorsqu’elles se « réislamisent » : « Pas la peine d’aller chercher les femmes au bled puisqu’on est là. Vous dites qu’on est occidentalisées mais pas du tout ».

– Homophobie. L’homosexualité serait une invention occidentale imposée à l’Afrique et au Maghreb, via un « impérialisme des modes de vie » de plus « le mode de vie homosexuel n’existe pas dans les quartiers populaires. Ce qui n’est pas une tare. »

– Religion « d’origine » en tant que ciment commun au groupe, l’islam étant une libération (sic) « La race est un rapport social comme le genre, comme la classe…/… Pour autant, la racialisation ne concerne pas seulement les populations issues de la colonisation. Les Turcs sont musulmans et n’ont pas été colonisés. »

– Seule alternative possible être musulman ou être français (les français de culture musulmane sont des traîtres comme Sophia Aram à qui le PIR consacre un texte « Politiser la trahison : le cas Sophia Aram »), « le rapport de domination traverse ces couples mixtes et leurs enfants. Est-ce qu’il sera plutôt musulman ou plutôt français ? »

– Antisémitisme au nom d’un anti-sionisme radical « Nous refusons d’inscrire les sentiments anti-juifs des indigènes dans la filiation de l’antisémitisme européen. » et « Il devient urgent pour les juifs de brandir leurs identités ethnico-religieuses associées à des identités politiques radicalement anti-sionistes et antiracistes : « non, les juifs ne sont pas tous sionistes ». Bien sûr sans contrepartie, parce que c’est une question de justice. »

Face à de telles positions, comment peut-on expliquer qu’une partie de la gauche de la gauche s’allie avec le PIR ? Deux raisons doivent être mises en avant. La première, définie clairement par le PIR c’est « Comment choisissons-nous nos alliés ? En fait, c’est eux qui nous choisissent : nous attendons qu’ils se positionnent sur nos combats : islamophobie, Palestine, racisme d’État, crimes policiers, etc., et nous observons leurs prises de position. Sans surprise, c’est la gauche radicale qui vient à nous. »

La seconde est plus perverse, et peut-être illustré par le fait suivant : a la suite de la publication sur le compte Facebook de deux militants pro-palestiniens de photomontages accompagné d’un texte « intrinsèquement antisémite et négationniste », devant l’absence de condamnation du texte et l’absence d’excuses, la LDH porte plainte. Or, c’est la LDH elle-même qui est mise en accusation « Enfin, un double reproche nous est encore adressé. Certains soutiennent qu’il y aurait un lien entre l’origine de Saadia B. et d’Hussein A. et la décision de la LDH d’engager des poursuites. D’autres, en revanche, nous reprochent d’avoir engagé des poursuites à l’encontre de personnes issues de l’immigration sans tenir compte de leur situation. Ce sont là les deux faces d’une même pièce de monnaie forgée d’ignominie et de mépris. » . Il est donc clair que pour certains soutiens de ces personnes (dont le PIR), il ne peut y avoir que « racisme » ou absence de compréhension du statut de victime absolue « de damné de la terre » de la part de la LDH. L’individu, avec sa responsabilité propre n’existe plus, son assignation ethnique détermine s’il est responsable ou pas, s’il peut être coupable ou pas.

Comment des groupes, des partis, des associations se réclamant de la gauche antiraciste, égalitaire peuvent-ils s’associer, coorganiser des actions et cosigner des textes avec un groupe identitaire et racialiste comme le PIR ?

Le dernier exemple en date est la « Marche de la dignité et contre le racisme » qui aura lieu à la fin du mois. L’appel à cette manifestation contient la phrase suivante « C’est pourquoi comme il y a 30 ans, comme il y a dix ans, contre l’humiliation quotidienne, contre le mépris, contre l’islamophobie, la négrophobie, la rromophobie, galopantes, contre les crimes policiers, s’impose une nouvelle marche : la marche de la dignité. » On y remarquera que le seul racisme qui tue régulièrement dans notre pays depuis plusieurs années, y compris des enfants, l’antisémitisme, n’est pas cité. On le comprend mieux lorsqu’on lit la prose des Indigènes « d’un côté, les indigènes sociaux qui sont très sensibles, par exemple, aux questions relatives à Dieudonné, que certains voient comme un héros, un résistant ; de l’autre, nous avons construit un système d’alliances avec certains milieux de gauche pour qui Dieudonné est un fasciste. Quand nous devons sacrifier l’un de ces pôles, c’est celui des blancs que nous sacrifions. », « Il est temps d’en finir avec tous les visages du racisme républicain dont l’islamophobie, la négrophobie, la rromophobie et cet étrange philosémitisme. » ou « Les juifs sont les boucliers, les tirailleurs de la politique impérialiste française et de sa politique islamophobe ».

Il est grand temps que la gauche de la gauche fasse ce qu’elle reproche à la droite de ne pas faire, c’est-à-dire de refuser de s’associer et de combattre les mouvements racialistes, identitaires, sexistes, homophobes et flirtant avec l’antisémitisme. La lutte contre le racisme, les discriminations ethniques, le machisme et l’homophobie est un combat bien trop important dans notre société pour qu’il soit discrédité par de telles alliances.

Note : Toutes les citations proviennent du site internet du PIR et d’un entretien avec Houria Bouteldja fait par la revue « Vacarmes »


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