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Ratonnades israéliennes

posté le 05/09/18 Mots-clés  antifa 

"Les lynchages de Palestiniens qui sont des citoyens israéliens se multiplient, avec le feu vert donné par le gouvernement", témoigne dans Haaretz Noam Shuster Eliassi,qui fait le récit du lynchage récent de trois Palestiniens israéliens, et aussi de sa propre expérience, étant donné que physiquement, en tant que juif oriental, rien ne le distingue d’un Palestinien...

"J’ai moi-même été agressé, en raison de mon "apparence arabe" . Mon identité juive, en tant que Mizrahi (juif oriental), est le privilège qui m’a permis d’échapper in extremis à un passage à tabac en règle. Toutefois, combien de nos concitoyens, parce qu’Arabes, ne peuvent se prévaloir d’un tel privilège pour sauver leur peau ?

Ainsi, des millions d’Arabes, qui se voient en butte à une législation raciste, se trouvent, ipso-facto, la proie de ces lyncheurs de rue.

Le week-end dernier, trois Arabes de Shfar’am en firent l’amère expérience, alors qu’ils se promenaient sur la plage de Kiryat Haim.

J’en ai encore la chair de poule. Un copain et moi-même, tous deux Juifs Mizrahim, faisions de notre mieux pour séparer deux chiens en train de se battre très violemment. Cela se passait en plein centre de Tels Aviv. Les gens hurlaient de terreur en voyant l’un des deux chiens sur le point de tailler l’autre en pièces, et commencer à le bouffer vivant. On ne peut pas dire que j’en garde un souvenir particulièrement agréable. Je me souviens que tout près se tenait une manif avec, tout autour, des groupes de flics qui étaient plutôt sur les nerfs. En quelques secondes, l’un d’eux s’est rué sur nous. Ou plutôt, sur mon ami tout d’abord qui fut jeté à terre, puis, une fois au sol, alors qu’il suffoquait, battu de toutes parts. Puis vint mon tour. J’ai été balancé contre la bécane d’un des policiers. Dès lors, j’étais pris de panique en pensant que, d’un instant à l’autre, un coup de feu allait être tiré en direction de mon ami.

J’ai alors crié très très fort. Je savais que dès qu’ils entendraient mon accent, ils sauraient qu’ils avaient affaire à des " Arabes d’apparence" et que, réalisant leur erreur, finiraient par nous laisser tranquilles. C’est ce qui, effectivement, se passa. Dès qu’ils comprirent s’être mépris en pensant que nous étions des Arabes, ils nous laissèrent partir, tandis qu’on les vit disparaître dans la foule. On en était pour notre compte, en termes d’adrénaline, de bleus, et c’est tétanisés par la peur que nous rentrâmes chez-nous. Je me souviens de ce soulagement d’avoir eu le bon accent, le bon patronyme sur ma carte d’identité, pour être sain et sauf dans l’Israël d’aujourd’hui. Mais les "vrais" Arabes ne peuvent se prévaloir d’un tel privilège. Le week-end dernier, trois citoyens arabes israéliens prenaient l’air sur la plage à Haifa. Un de ces groupes de nervis d’extrême droite alors en patrouille, leur demanda s’ils étaient des Arabes. Répondant par l’affirmative, ils furent roués de coups très violents de la part de ces miliciens en action qui usèrent de bâtons, de chaînes, ainsi que de couteaux. Ces jeunes Juifs accompagnèrent leurs coups d’insultes, en criant " La plage est interdite aux chiens et aux Arabes". "Les Arabes doivent rester à leur place". Yair Alaluf, un passant témoin de la scène, prit à partie les agresseurs et réussit à les dissuader de continuer. Il appela la police et une ambulance, et mit ainsi fin à un véritable lynchage à mort.

De leur côté, les victimes portèrent plainte, et la scène fut largement reportée. Le président israélien condamna l’agression, déclarant : " Nous sommes tous destinés à vivre ensemble dans ce pays, et ne sommes en rien condamnés à vivre d’une telle façon". President Rivlin a déjà, par le passé, su faire entendre sa voix, bien isolée dans un paysage politique très marqué à droite, en défendant l’égalité des droits pour les minorités vivant en Israël. Dans le gouvernement, personne d’autre n’est venu donner de l’écho à sa condamnation. Que l’on imagine, un tout petit instant, la même situation, mais avec les rôles inversés : c’est à un véritable tollé que l’on aurait assisté, les politiciens les plus en vue rivalisant dans la condamnation de tels actes, dans un véritable concours de décibels à qui criera le plus fort son indignation. Si des Arabes avaient osé s’en prendre à des Juifs, en les attaquant pour le seul motif d’être juifs, alors tous les ministres du gouvernement Netanyahou auraient déclaré la guerre (encore) dans les médias à tous les Arabes. Personne ne s’est levé pour, à l’instar du président, honorer ce passant qui est intervenu en défense de ses concitoyens arabes qui furent la cible de ce gang raciste.

Alors que faut-il retenir de tout cela ?

Des Arabes sont attaqués dans un pays qui, en droite ligne de sa propre législation, les classe au rang d’inférieurs aux Juifs. Nous ne pouvons alors faire les vierges effarouchées quand des courants politiques violents se sentent légitimés par un gouvernement qui, lui-même, légalise le racisme. Deux ans après, je suis toujours transi de peur par ce qui m’est arrivé. Mais je n’ai pas non plus oublié que ce fut seulement après avoir révélé mon identité que je pus échapper au pire. Je savais que le système était de mon côté, et qu’ils ne pouvaient s’en prendre à moi. Ceci en ne perdant pas de vue que nous décidâmes de laisser tomber toute idée d’aller porter plainte auprès d’une police qui n’est guère diligente lorsque les plaignants se plaignent de bavures et que, de surcroît, ils sont des Mizrahis.

Comment on se sent quand on n’a pas le bon accent, la bonne carte d’identité, qu’on ne fait pas partie des bons citoyens, et qu’on n’a pas, avec soi, tout un système prêt à vous épauler ?

Se sentir à ce point abandonné, réduit au silence alors que l’on n’est plus qu’une cible vivante à la merci du premier gang facho venu, devrait déclencher pourtant l’alerte, sonner le beffroi depuis les pages les plus sombres de l’histoire juive. Certes, les attaques contre des Arabes ici et là ne sont pas une nouveauté en Israël, mais désormais la classe politique dirigeante, fort de son pouvoir, donne à ces agressions racistes une légitimité sans cesse accrue.

Soit par l’intervention de dirigeants incitant à la haine raciale ou bien en imposant le silence sur leurs victimes arabes, ce sont au bout du compte des millions d’Israéliens qui se voient menacés dans leur sécurité, leur légitimité et leur droit à l’égalité. Pour la droite israélienne juive, Arabe est un mot synonyme de toxicité, un crachat que l’on jette à la figure de toutes celles et ceux qui, de loin comme de près, auraient une tête d’Arabe ou bien parleraient comme un Arabe.


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