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Syrie : pour faire oublier la Libye ?

La pantalonnade pathétique de François Hollande sur la punition à infliger à Damas présente au moins un intérêt. Elle fait oublier le merdier Libyen…

C’est peu dire que rodomontades de François Hollande sur la fessée mesurée qu’il convient d’infliger au dictateur de Damas sans pour autant le contraindre à passer la main, n’ont pas grandi la diplomatie française tant en Europe que dans le reste du monde.

Souvenirs de la SDN

Dissuader les tyrans de la planète de faire usage d’armes de destruction massive - souvent acquises en occident - contre leur propre peuple est donc une affaire de morale, nous dit-on sur toutes les chaînes de télévision. Sauf que le pays, de l’aveu même de ses dirigeants, n’est pas en mesure d’administrer ces leçons de morale humanitaire par ses propres moyens. Alors à quoi bon rouler les mécaniques ?

D’autant que la Syrie garde un souvenir ému du mandat sur la Syrie et le Liban confié le 25 avril 1920 à la France par la Société des Nations.

Et la tradition orale y fait encore une place de choix à la « trahison » de Paris qui après avoir combattu avec vigueur, les « insurgés » de 1920 à 1923, leur a proposé en 1936, un traité franco-syrien d’indépendance, jamais ratifié par le parlement français.

Les Syriens de tous bords politiques se souviennent, eux, que pendant la seconde guerre mondiale et jusqu’en juillet 1941, c’est le régime de Vichy qui exerçait, si l’on peut dire, son autorité « morale » sur leur pays.

Mauvais perdants, nous avons tout fait pour retarder le plus longtemps possible, et en l’espèce jusqu’au 1er janvier 1944, l’accession de la Syrie à son indépendance et les dernières troupes d’occupation tricolores ne se sont pas retirées avant avril 1946 en traînant singulièrement les pieds.

Bref, le charmant Al Assad ne va pas se gêner pour rappeler aux Syriens que la « punition » que lui promettent Paris et Washington n’est peut être que le prélude à la mise en oeuvre d’une politique néo-colonialiste remise au goût du jour.

Lire : Syrie, la clé de l’énigme Assad

En 1926, retranchée dans Damas, l’opposition unie des druzes et des nationalistes arabes a subi des bombardements aériens et terrestres qui se sont chiffrés par environ 5 000 victimes. A population comparable, ça en représenterait probablement 25 000 aujourd’hui. Un tableau de chasse historique qui a laissé un goût amer et qui suscite probablement dans l’opinion publique syrienne toute confessions comprises, de sérieux doutes sur les véritables intentions de Paris, fussent-elles affublées d’un habillage compassionnel.

Ce qui est certain en revanche, c’est que la crise syrienne a relégué la Libye au second plan de l’actualité. Tout bénef’ pour Paris où la représentation nationale tarde à demander des comptes « audités » à l’exécutif sur les énormes bienfaits apportés au pays par la disparition de Kadhafi.

Lire : Syrie ne rime pas avec Kadhafi

Le butin pétrolier, que les alliés n’avaient pas pris grand peine de dissimuler comme motif réel de l’expédition, pourrait finalement tomber entre de mauvaises mains. Et la démission le 18 août, du ministre de l’intérieur libyen Mohammad al-Sheikh après deux mois de bons et loyaux services, en dit long sur l’instabilité ambiante et le calme précaire. Son successeur Ashour Shuail vient d’ailleurs de lui emboîter le pas.

Lire : Sarko revoit passer le plat libyen

Pendant ce temps-là, à Benghazi

A l’Est, le Mouvement Barqa de la Jeunesse vient en effet de proclamer l’autonomie de la province fédérale de Benghazi où à en croire les sécessionnistes, « la Sharia est la source de la législation de la province ». Pour faire bonne mesure, le mouvement vient de désigner un président temporaire de la province en la personne d’Ibrahim Saeed Jizran. En outre, il lève une armée dont l’objectif prioritaire est de prendre le contrôle des installations pétrolières de la province.

Certes, ce n’est pas la première fois que Benghazi manifeste des velléités d’autonomie depuis la chute de Kadhafi. Ahmed Zubair al-Sanusi, activiste qui est parvenu à se glisser au sein du Conseil national de Transition, l’avait déjà annoncé avant de devoir renoncer du fait d’une puissante opposition des tribus arabes de la région.

Ce coup-ci, la donne a changé ; ne serait-ce que par le pedigree des acteurs qui se cachent derrière le mouvement Barqa. A commencer par Al-Saddiq al-Ghaithi, l’ancien assistant du ministre de la Défense, qui avait été chargé de la défense des frontières et de la protection des installations pétrolières.

Sur place, on dit qu’il y a quelques années, il avait été emprisonné par l’ancien régime du fait de son appartenance au mouvement jihadiste, trop proche qu’il était de Abdul Hakim Belhadj, l’un des leaders des brigades des mudjahidines. Ce qui ne l’a pas empêché, lors de la chute de Kadhafi, de se glisser opportunément dans le petit groupe qui contrôle le commandement militaire libyen.

Dans la lutte d’influence que se livrent le nouveau pouvoir et les islamistes qui l’accusent de vouloir « séculariser » l’état, Ghaiti a néanmoins du démissionner de ses fonctions au ministère de la Défense à la suite d’accusations du ministre Mohamed al-Barghouti selon lesquelles il aurait tenté de le faire assassiner. Il n’en reste pas moins que c’est lui qui a lu le communiqué final faisant état de la création de la province autonome de Benghazi.

Lire : Sarko en Libye, le Qatar rit

Et sans perdre un instant, l’entreprenant Ghaithi et ses potes se sont mis en tête de rentabiliser au plus vite le port pétrolier de Ra’s al Unüf. Une compagnie pétrolière étrangère vient d’annoncer qu’on lui avait proposé dans des conditions étranges et à un prix du baril défiant toute concurrence, un lot de 700 000 barils. Une goutte d’or noir certes, lorsque l’on sait que la production quotidienne mondiale du groupe Total doit avoisiner les 2,3 millions de barils.

Un brin nerveux tout de même de la tournure des évènements, le premier ministre Ali Zaidan a fait savoir qu’il ferait bombarder les tankers venant prendre livraison de pétrole à la sauvette du côté de Benghazi…

On ne saurait mieux dire que les résultats tangibles de la campagne « compassionnelle » anti-Kadhafi à laquelle Paris a pris une part éminente, seraient un très mauvais exemple à mettre sous le nez de nos parlementaires au moment de leur demander un avis sur ce qu’il convient de faire, ou de défaire, en Syrie…

http://www.bakchich.info/international/2013/09/09/syrie-pour-faire-oublier-la-libye-62711


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