Take Eat Easy (TEE) est une start-up belge qui a vu le jour il y a trois ans « grâce à » de jeunes loups sortis d’une école de commerce bruxelloise. Le principe de cette société se rapproche un peu d’un Uber de la livraison vélocipédique de restaurant. C’est-à-dire qu’elle aime se présenter comme une simple plateforme de mise en contact de restaurants et de coursiers et coursières indépendants, à qui elle promet un travail libre de contraintes et flexible adapté à des jeunes qui en veulent. Un peu à l’image de l’entreprise qui s’est déjà étendue dans plusieurs autres villes : Paris, Toulouse, Barcelone, etc. La réalité est bien entendu tout autre…
Une entreprise des temps modernes
Cette entreprise s’inscrit parfaitement dans la modernité qu’aime tant nous vanter l’ensemble des gouvernements, des économistes et des éditocrates. Disséquons ce que cette modernité signifie pour nous les coursiers et coursières. Pour commencer, l’entreprise fonde son modèle économique sur la fraude sociale puisque la plupart des employés ne sont absolument pas indépendants : en effet, il y a un seul employeur pour tout le monde. Il s’agit juste d’une manière pour l’entreprise d’échapper à ses obligations sociales comme les assurances. Par exemple, il existe un clair lien de subordination entre employé-e-s et TEE puisque si elle n’est pas satisfaite de leurs prestations, ils peuvent se voir attribuer un « strike » (un système de point de pénalité pour les « erreurs » des coursiers) et plusieurs « strike » peuvent mener à licenciement, ou plutôt à rupture de contrat entre deux « partenaires sur un pied d’égalité ».
En Belgique, l’optimisation fiscale est poussée jusqu’à faire inscrire les coursiers et coursières à la Smart, une entreprise qui a été conçue à l’origine pour gérer des contrats dans le monde artistique… Les salaires peuvent varier de semaine en semaine selon les bons désirs de l’entreprise. L’embauche massive à Bruxelles de coursiers et coursières (environ 400) depuis quelques mois a mené à une situation dans laquelle il devient très difficile de pouvoir même travailler ! L’équipe a donc résolu les premières protestations auxquelles elle a dû faire face en instaurant un système ultracompétitif où les 30 meilleur-e-s (en termes de vitesse) ont la priorité sur les autres pour récupérer les commandes.
La précarité comme fonds de commerce
Cette précarité est-elle jugée problématique par les employeurs ? Non, bien sûr que non ! Pour eux, travailler pour TEE, c’est une activité entre le loisir et le petit job pour arrondir les fins de mois. Ils n’ont pas du tout prévu que les gens en vivent. La manière dont ils ont conçu leur modèle économique est donc de postuler que de plus en plus de personnes ont besoin d’activités annexes pour pouvoir s’en sortir. Le fait qu’il s’agisse d’une activité « complémentaire » leur permet d’ailleurs de justifier de payer les employé-e-s au lance-pierre et de les inciter à tout accepter. Cependant, une minorité non négligeable de coursières ou coursiers ont fait de TEE leur activité principale (ce qui les exclut de toute aide sociale par exemple).
Ce type d’entreprise a tendance à se multiplier dans notre société capitaliste en pleine mutation qui cherche à se constituer un nouveau modèle d’accumulation de profit. Il nous pose des questions en tant que minorité agissante sur les formes d’organisation à adopter (les syndicats refusent ou n’ont pas la capacité d’être présents), et le type de revendications à pouvoir porter… Le modèle même de ces entreprises est d’être dans les marges de la légalité bourgeoise et de profiter des failles du droit du travail. Cela veut-il dire que la lutte n’est pas possible ? Non, mais que la résistance doit s’adapter aux conditions modernes et au capitalisme sauvage, il faut opposer une résistance sauvage comme nous essaierons de le démontrer dans un prochain article.
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