Le New York Times peut affirmer, sans mentir, qu’il est le journal d’information le plus important du monde. Il est dès lors intéressant de regarder ce qu’il choisit de ne pas nous dire. Tous les jours de nombreux exemples nous sont offerts. Aujourd’hui, jeudi 12 septembre 2013, par exemple.
Le correspondant en Israël Jodi Rudoren nous dit que « l’éventualité d’une Syrie libre de toute arme chimique serait un grand soulagement pour Israël ». Le monde entier est d’accord pour dire que l’élimination des armes chimiques en Syrie serait une énorme réussite. Lors de son discours à la nation Obama a souligné que la Syrie doit se conformer à la Convention sur les armes chimiques (CIAC), laquelle interdit l’emploi des armes chimiques, a-t-il fait observer.
Tout cela est vrai, mais très incomplet.
La CIAC interdit « le stockage, la production et l’utilisation » des armes chimiques. Obama a prudemment éludé l’interdiction de stockage et de production, et les médias ont fait de même. Jodi Rudoren, par exemple, ne nous dit pas qu’il y a un État dans la région qui a annexé un territoire syrien, en violation des ordres du Conseil de sécurité de l’ONU, et qui en plus a produit et conserve de grands stocks d’armes chimiques : Israël. En raison de l’interdiction d’aborder le sujet, nous en ignorons les quantités.
Nous lisons constamment que la Syrie est l’un des cinq États qui n’ont pas signé la CIAC, ce qui est vrai, mais c’est sans intérêt. Ce qui importe c’est la ratification, et il y a sept États qui n’ont pas ratifié la CIAC en plus des cinq qui sont mentionnés constamment : le Myanmar (ce qui est sans intérêt), et Israël (ce qui est très important).
Le monde a les yeux tournés vers la Syrie, laquelle est en train de rejoindre la CIAC. C’est l’occasion parfaite pour imposer la CIAC à la région. Mais cela ne peut pas être fait ; on peut à peine l’évoquer. Essayez de trouver cette idée évoquée une seule fois par la classe politique ou par les médias. Cela est interdit par la doctrine états-unienne, à laquelle adhèrent religieusement les médias, et la communauté intellectuelle de façon générale.
Dans un autre article Trip Gabriel écrit que d’importants membres de l’élite républicaine sont favorables à une attaque militaire « en partie pour envoyer un message quant à la résolution états-unienne face à des agresseurs potentiels, tels que l’Iran » – importante thématique, également reprise par Obama, Kerry, et les commentateurs médiatiques, lesquels ont pour réflexe de s’en tenir à la doctrine officielle de l’État. Ils disent que les États-Unis devraient lancer une agression de façon à signaler aux « agresseurs potentiels » qu’ils feraient mieux de suivre les ordres états-uniens – des agresseurs potentiels qui n’ont montré aucun signe d’agressivité, qui n’ont jamais commis d’agression, et qui n’auraient pas la capacité de déployer leurs forces s’ils faisaient ce choix, c’est ce que rapportent les services d’intelligence états-uniens.
Il devrait être inutile d’aller plus loin dans le commentaire, mais c’est le principe de base, élémentaire, des États voyous comme les États-Unis. Nous commémorons par exemple actuellement l’anniversaire du 11 Septembre, le quarantième anniversaire, c’est-à-dire du 1er 11 Septembre, beaucoup plus important à tout point de vue que le deuxième, bien qu’on aurait du mal à s’en faire une idée si on s’en tenait aux commentaires qui ont cours ici. L’une des raisons qui font que le 1er 11 Septembre est le plus important, pour les États-uniens honnêtes, c’est que les États-Unis ont joué un rôle majeur dans cet immense crime. Un grand spécialiste des questions internationales, James Chace, anciennement éditeur du périodique Foreign Affairs, expliquait avec regret qu’il était nécessaire de « déstabiliser » le Chili (en renversant le gouvernement élu et en installant une terrible dictature) de façon à maintenir la « stabilité » (ce qui signifie respecter l’ordre états-unien). Cette pénétrante observation vient à l’esprit lorsque nous sommes pressés de lancer des agressions, crime majeur, pour mettre en garde ceux que nous choisissons de nommer « potentiels agresseurs ».
Tout cela fait également penser à un principe de base des affaires internationales : le principe mafieux. Lorsque le parrain parle tout le monde obéit, ou sinon... La désobéissance ne peut être tolérée. C’est trop dangereux. « Le fruit gâté pourrait affecter les autres », comme disaient les planificateurs états-uniens ; « des dominos pourraient tomber », dit une autre version. Le « virus » pourrait faire « contagion », selon les termes d’Henry Kissinger, l’un des grands architectes du premier 11 Septembre. Comme les officiels et les commentateurs médiatiques l’expliquent maintenant il est décisif pour les États-Unis de maintenir leur « crédibilité », c’est ainsi que les parrains mineurs aiment les grands chefs de la mafia. Le monde doit comprendre que c’est ce que nous disons qui prévaut [« What We Say Goes »], pensée exprimée pare le président Bush I – le grand homme d’État Bush.
Regardons finalement ce qu’écrit le commentateur Nicholas Kristof. À ceux qui seraient sceptiques face aux souhaits d’agression militaire d’Obama, gaillardement il explique que la menace de violence peut marcher. « Pendant des décennies la Syrie a refusé de confirmer qu’elle détenait des armes chimiques. Maintenant sous la menace d’une frappe limitée, sa position a brutalement changé, pour devenir : ’’Oh, finalement nous en avons ! Et nous voulons signer la CIAC ! Nous voulons les montrer aux inspecteurs des Nations Unies’’ ».
Laissons de côté le bien utile mensonge selon lequel la Syrie avait refusé de confirmer détenir des armes chimiques jusqu’à ce que le parrain ne brandisse ses bombes. En fait, cela avait été admis il y a bien longtemps, ainsi que le rapportait le Financial Times de Londres, le 24 juillet 2012 – à la différence de l’État qui a illégalement annexé le territoire syrien, qui n’a jamais reconnu détenir des armes nucléaires, bien qu’il n’y ait aucun doute sur ce point.
Le plus intéressant c’est que Nicholas Kristof ne dit pas non plus, comme tant d’autres ne l’ont pas dit avant lui, comme Obama. Il défend l’efficacité de la menace du recours à la force – ce qui est au passage contraire à la Charte de l’ONU, au cas où quelqu’un dans l’État voyou s’en tiendrait à de si basses considérations. L’affirmation est exacte, et il y en a beaucoup d’exemples. Parmi tant d’autres, la menace du recours à la force à permis à la Russie de contrôler l’Europe de l’Est pendant 40 ans. Elle a permis à Hitler de prendre la Tchécoslovaquie. Et il y beaucoup d’autres glorieux prédécesseurs. Le parrain et ses acolytes n’ont rien inventé.
Noam Chomsky
13 septembre 2013
Source : http://www.zcommunications.org/all-the-news-that-s-not-fit-to-print-by...
Traduction : Numancia Martinez Poggi
http://www.legrandsoir.info/toutes-les-nouvelles-qui-ne-meritent-pas-d-etre-publiees-znet.html