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Un autre défi pour Syriza : stopper le saccage écologique de la Grèce

posté le 26/01/15 par Marie Astier (Reporterre) Mots-clés  luttes environnementales  Grèce 

La semaine dernière, Alexis Tsipras a fait le choix de se confronter à ses jeunes électeurs via une interview sur Twitter. Ses promesses : mettre en place un système fiscal plus juste, améliorer le système de santé, combattre la corruption. Mais presque pas un mot d’environnement ou d’écologie.

« On avait placé beaucoup d’espoir dans cet événement sur Twitter, regrette Dimitris Ibrahim, directeur de campagne chez Greenpeace Grèce. Mais on n’a pu lire que des remarques générales et aucun engagement concret. »

Parmi les déclarations du leader de Syriza, Dimitris Ibrahim retient tout de même celle sur le programme de privatisation de l’État grec. Le TAIPED, le fonds qui porte ce programme (nous vous en parlions ici), est « générateur de scandales », a dénoncé le candidat de la gauche radicale, ajoutant que ce dispositif n’avait pas permis de résorber la dette grecque comme promis.

Ecologie : "rien ne viendra spontanément du gouvernement"

Dans l’opposition à certains grands projets inutiles, Syriza rejoint aussi la cause écolo. Le plus important en Grèce actuellement est celui de la mine d’or de Skouries, dans le nord du pays : « Sur Twitter, Tsipras a dit que ce projet est mauvais pour l’environnement, donc il appliquera la loi », note le directeur de Greenpeace Grèce. « Mais c’est moins engageant que la position officielle qu’ils avaient jusqu’ici, qui était d’affirmer qu’ils annuleront le contrat ».

Sur le terrain, les opposants à la mine espèrent la victoire de Syriza, certains membres du parti font même parti du collectif anti-mine. « Mais c’est à nous de maintenir la pression, rien ne viendra spontanément du gouvernement. Si Syriza arrive au pouvoir, on sera peut-être juste un peu plus écoutés », confie à Reporterre Maria Kadoglou, militante de Mining Watch.

Autre grand projet inutile, celui d’équipements touristiques de luxe à Hellinikon, tout près d’Athènes. Des élus de Syriza ont pris position contre le projet. Officiellement, le parti a promis d’annuler le contrat de vente aux investisseurs privés.

Au Parlement, la responsable politique du WWF Grèce, Theodota Nantsou, a suivi de près les positions de ses élus : « Ils se sont prononcés contre plusieurs projets de loi très mauvais pour l’environnement. Celui sur le littoral, celui sur la forêt... Pour ce dernier, on a même réussi à faire changer le texte, on a gagné. Les débats au Parlement ont été très intenses. »

Mais attention, insiste Dimitris Ibrahim chez Greenpeace, « On ne peut jamais suivre la position officielle de Syriza, parce que c’est un parti multiculturel, avec beaucoup de membres qui disent des choses contradictoires. »

Le WWF a envoyé un questionnaire à tous les partis candidats aux élections. Syriza n’a pas répondu, comme la majorité des organisations politiques. Le parti aurait d’ailleurs peiné à répondre, selon l’ONG, car il n’a pas de réflexion globale sur les politiques environnementales. « Nous demandons que le cadre politique prenne en compte les questions d’environnement. Il ne s’agit pas juste de créer des parcs nationaux ou de protéger les oiseaux, explique Theodota Nantsou. Et sur cela, Syriza ne dit rien. »

Elle poursuit : « Le parti a eu une rencontre avec les chasseurs, mais pas avec les associations environnementales. L’environnement est totalement absent du débat politique ! »

Syriza favorable au charbon

- Centrale au lignite à Amyndeo -

Surtout, les deux ONG sont unanimes : le problème est du côté de la politique énergétique. C’est « la plus grosse déception », pour Dimitris Ibrahim de Greenpeace : « Syriza est pour la construction de deux centrales à charbon supplémentaires, en plus au lignite, qui est le charbon le plus polluant. Si on fait cela, la Grèce sera dépendante de cette énergie jusqu’en 2050. C’est un scénario catastrophique, et Syriza le soutient. »

Pourtant, « à la conférence climat de Copenhague, en 2009, j’ai rencontré Alexis Tsipras, se rappelle le militant écolo. Il a une véritable conscience écologique. Mais à l’époque, Syriza faisait 3 %. Maintenant qu’il est devenu un leader politique, il doit mettre de l’eau dans son vin. »

Alliance avec les Verts

« Syriza est-il écolo ? Pour l’instant la réponse est non », reconnaît Stéphane Sitbon-Gomez. Le conseiller politique de Cécile Duflot a suivi la Grèce et l’Espagne de près lors de son passage au Parti des Verts européens. « Pendant la campagne en Grèce, on ne l’a pas entendu parler d’écologie ».

Mais dans le même temps, le parti des Verts grecs est pour l’instant le seul avec lequel Syriza a conclu une alliance. « Alors qu’électoralement, Tsipras n’a pas besoin des Verts, rappelle le conseiller. Ils font à peine 0,5 % en Grèce. Donc c’est un choix d’orientation politique. Tsipras se rend compte qu’il ne peut pas se positionner seulement du côté de la gauche radicale »

- Alexis Tsipras et ses alliés écologistes -

Mais bien avant cet accord, le parti des Verts européens, ainsi qu’EELV en France, soutenaient déjà Syriza. « Il y a eu un débat, reconnaît le bras-droit de Cécile Duflot. Est-ce qu’on attend qu’ils gagnent les élections et on discute après ou est-ce qu’on considère qu’il faut les soutenir dès aujourd’hui ? On a fait le choix de soutenir. »

Il fait le rapprochement avec les gouvernements de gauche en Amérique Latine : « Au Brésil, les Verts ont soutenu Lula, et dans les années suivant son élection il a mené une politique ultra-productiviste. Alors qu’à l’inverse, en Bolivie et en Ecuador, il n’y avait pas d’écolos dans le gouvernement et le questionnement écologique s’est fait autour de la notion de ’buen vivir’, bien vivre. » Donc si Syriza est élu, impossible de savoir s’il prendra un virage écolo.

"Pas d’autre politique possible que la transition écologique"

Mais les Verts européens ont décidé de parier sur ce parti de gauche radicale issu de la tradition productiviste car « c’est une possibilité de changement pour l’Europe, espère Stéphane Sitbon-Gomez. En 2012, on espérait que l’élection de Hollande ferait évoluer les politiques européennes. Après cette occasion ratée, Syriza en apporte une nouvelle. »

Pour lui, Alexis Tsipras sera bien forcé de choisir la troisième voie de l’écologie : « Il va être très rapidement obligé de présenter une politique qui tient la route. Or la politique traditionnelle de la gauche keynésienne, de relance par la consommation, ne marche pas. Donc je ne vois pas d’autre politique possible pour la Grèce aujourd’hui qu’une politique de transition écologique. En tout cas c’est ce que je pense en tant qu’écologiste », lâche-t-il dans un sourire.

Source : Marie Astier pour Reporterre

Première mise en ligne le 24 janvier 2015.


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