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Un racisme à l’envers ?

posté le 30/09/16 par Gilles Clavreul Mots-clés  antifa 

Fin août, un « camp d’été décolonial » a été organisé à Reims. Une réunion procédant du même principe avait eu lieu quelques temps plus tôt à l’université Paris VIII. Signe particulier : un accès réservé aux « racisé-e-s » c’est-à-dire, dans les faits, interdit aux « blancs ». Retour avec recul sur ce qui ressemble à un « racisme à l’envers », par Gilles Clavreul.

Prétendant s’inspirer des réunions féministes non mixtes, les organisateurs de ce camp d’été se défendent de tout racisme. S’il ne saurait s’agir de taxer d’intentions discriminatoires tous ceux qui ont participé à ces réunions, celles-ci révèlent un enfermement idéologique progressif aboutissant, de fait, à une vision du monde structurée en races. Ce qui est la définition même du racisme politique.

« Je suis un homme, et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre. En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle. Ce n’est pas le monde noir qui me dicte ma conduite. Ma peau noire n’est pas dépositaire de valeurs spécifiques (…).
Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d’une culpabilité envers le passé de ma race. Je n’ai pas le droit, moi homme de couleur, de me préoccuper des moyens qui me permettraient de piétiner la fierté de l’ancien maître. Je n’ai pas le droit ni le devoir d’exiger réparation pour mes ancêtres domestiqués. Il n’y a pas de mission nègre ; il n’y a pas de fardeau blanc »
Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs[1]

La tenue de réunions publiques où s’exprime ouvertement une vision du monde marquée par l’affrontement entre « races » suscite un émoi légitime. Ceux qui ont recours à ce vocabulaire, que l’on croyait confiné à la plus extrême extrême-droite, en justifient l’emploi par un combat « décolonial » qui prétend lutter contre le « racisme d’Etat », symptôme d’une France incapable de solder son passé. Tournant le dos à l’antiracisme universaliste, honni et méprisé, ils se présentent comme des « racisés » porteurs d’un « antiracisme politique ».

Les réactions d’étonnement sont vite noyées sous une pluie d’éléments de langage : personne ne peut parler à la place des victimes, les féministes aussi ont tenu des réunions non-mixtes, il faut répondre à la montée de « l’islamophobie », etc. Et en effet : qui songerait à reprocher aux victimes de s’organiser loin des récupérations politiciennes ? Excellents communicants, les organisateurs du « Camp d’été décolonial » ont pris soin de limiter drastiquement l’accès de la presse à deux médias peu enclins à la critique, en leur demandant d’envoyer des journalistes eux-mêmes « racisés », par ailleurs sympathisants déclarés du mouvement. Appelons cela de la transparence maîtrisée.

De qui et de quoi parle-t-on ? Ni parti constitué, ni idéologie aux contours nettement définis, il s’agit plutôt d’une nébuleuse où l’on retrouve peu ou prou les protagonistes du meeting de Saint-Denis de décembre 2015 dont Tariq Ramadan fut l’orateur vedette et de la « marche des dignités » du mois d’octobre à Paris. Chacun opère sur un créneau militant spécifique, certains étant portés à la radicalité, d’autres recherchant davantage la visibilité médiatique et le contact avec des associations et des formations politiques, selon une division implicite mais efficace du travail militant.

la suite : https://jean-jaures.org/nos-productions/un-racisme-a-l-envers


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