RSS articles
Français  |  Nederlands

Venezuela. Ne pas se laisser « trumper »

posté le 04/02/19 Mots-clés  antifa 

Il n’est pas besoin de s’engouer de la révolution bolivarienne ou s’enticher du régime de Maduro pour comprendre ce que Trump et ses affidés fomentent au Venezuela.

Soyons clair, le régime incarné d’abord par Chavez et aujourd’hui par Maduro est loin d’être exemplaire. Certes, la révolution bolivarienne a été bénéfique aux couches populaires mais en privilégiant la rente pétrolière. Les programmes sociaux en matière de santé, éducation, alimentation et logement ont été financés sur les surplus budgétaires exceptionnels consécutifs aux booms pétroliers de 2003-2007 et 2009-2011. Le problème c’est que le reste n’a pas suivi en terme d’industrialisation et d’agriculture et que l’essentiel des biens consommés a été importé. Il aura donc suffit de la chute du cours du pétrole depuis 2013 au moment où Maduro se fait élire pour qu’explosent les difficultés économiques aggravée par les sanctions bancaires américaines. Le prix à payer a été lourd : écroulement de la capacité d’importation, explosion de la dette, perte de devises, inflation, dévaluation de la monnaie avec pour conséquence la pénurie généralisée. Rien d’étonnant qu’il s’en est suivi une perte de confiance populaire. La première alerte date des élections législatives du 6 décembre 2015. Avec un taux de participation de 75 %, l’opposition a raflé 112 sièges de députés sur 167, avec environ 55 % des voix. Tout cela explique l’exode massive de janvier à septembre 2018 de plus d’un million de personnes vers Colombie, Équateur, Pérou et Brésil. Le complot impérialiste interne et externe n’explique pas à lui tout seul ces évènements. Pour faire face à cette situation, Maduro a navigué à vue entre mesures populaires pour rassurer la population et mesures répressives pour contenir la contestation. Reprocher au régime de n’avoir pas su anticiper et d’avoir réagi de façon incohérente, c’est une chose, mais de là à nier sa légitimé et se précipiter derrière Trump, c’en est une autre.

Maduro est-il un Président illégitime ?

C’est ce que vient de faire le Parlement européen en conférant à Juan Guaido, président de l’Assemblée nationale, le statut de « président intérimaire » vénézuélien. Ce dernier brandit l’article 233 de la Constitution vénézuélienne pour s’arroger le pouvoir alors que cet article stipule qu’on ne peut substituer la présidence qu’à des conditions très strictes : la vacance ou l’abandon de pouvoir, la maladie, la mort, la non-habilitation par le Tribunal suprême de justice. Or, Nicolas Maduro ne rentre dans aucun de ces critères. D’autre part, l’argument sur l’illégitimité de Maduro ne tient pas. A l’élection présidentielle du 20 mai 2018, avec une abstention de l’ordre de 54%, il a recueilli près de 68% des voix contre 21 % à Henri Falcon (ex- chaviste), et environ 10 % à Javier Bertucci, pasteur évangélique ultra-conservateur des voix. L’illégalité de cette élection pour fraudes et falsifications n’a été prouvée par aucun des 150 observateurs internationaux du scrutin. D’ailleurs la France n’a condamné ni l’élection, ni les autorités du Venezuela mais a affirmé cependant que ce scrutin ne pouvait être considéré comme légitime et crédible en raison du taux de participation historiquement faible. Cela mérite d’être examiné au regard des résultats de quelques élections françaises. Pour les Européennes le taux d’abstention a été supérieur à 53 % depuis 1999, avec un pic à 60 % en 2009. Aux législatives de 2017, l’abstention a atteint 51 % au premier tour et 57 % au second. Aux régionales de 2010 on a enregistré 54% d’abstention et à celles de 2015, 50% au 1er tour et 58% au 2ème. Inutile d’en rajouter.

Le basculement à droite de l’Amérique du sud

Cela n’a pas empêché que le 21 mai 2018 le groupe de Lima refuse de reconnaître « la légitimité du processus électoral qui s’est déroulé le 20 mai dernier parce qu’il en respecte pas les standards internationaux d’un processus démocratique, libre, juste et transparent ». Elle était signée par les gouvernements de : Argentine, Brésil, Canada, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Guyane, Honduras, Mexique, Panama, Paraguay, Pérou et de Sainte Lucie (la Bolivie et l’Uruguay ne l’avaient pas signé). En fait cet argument d’illégitimité n’est qu’un prétexte pour justifier ce qu’il se passe aujourd’hui au Venezuela. La droite et l’extrême-droite vénézuéliennes, soutenues par Trump ont décidé que le moment était propice pour mettre la main sur le pays et qu’avec la crise économique, sociale et démocratique était l une opportunité pour frapper fort et vite. Nous assistons à un nouvel épisode du basculement à droite de l’Amérique du sud après dix années, 2000-2010 d’un cours progressiste.

Tout commence en 2010 et s’accélère à partir de 2015

La première alerte date de mars 2010 avec l’élection de l’homme d’affaire Sébastien Piñera à la présidence du Chili, mettant ainsi fin à 20 ans de pouvoir de centre gauche. A partir de 2015, le basculement s’est accéléré avec la chute de plusieurs gouvernements et Présidents de gauche. En décembre 2015, Mauricio Macri est élu en Argentine, en décembre 2017 Sébastien Piñera est réélu, en avril 2018 Mario Abdo Benitez est élu au Paraguay, et en août de la même année Ivàn Duque devient Président de la Colombie. L’élection le 28 octobre 2018 de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil a parachevé le virage vers la droite radicale. A contrario, le Mexique y a échappé avec l’élection de AMLO (Andrès Manuel Lopez Obrador) en juillet 2018. Ce basculement a provoqué le raidissement des derniers régimes restés à gauche. Au Venezuela, on l’a vu, l’autoritarisme de Maduro s’est durci, tandis qu’au Nicaragua, Daniel Ortega a de plus en plus recours à la répression. En Bolivie, Evo Morales a arraché dans des conditions douteuses d’être candidat pour un quatrième mandat de président en 2020. En Équateur, Rafael Correa a cédé la place en avril 2017 à Levin Morena qui est en train de liquider tout son héritage progressiste.

Aujourd’hui, rien ne semble plus faire obstacle aux visées hégémoniques de Trump en Amérique du sud.


posté le Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article
Liste des documents liés à la contribution
unknown-1-17.jpg(...).jpg


Commentaires

Les commentaires de la rubrique ont été suspendus.