RSS articles
Français  |  Nederlands

1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9 | 10

Venezuela : les médias occidentaux relaient les opérations de manipulation de Trump et Rubio

posté le 10/02/19 Mots-clés  antifa 

En matière de relations publiques, les efforts désormais ouverts de l’administration Trump pour renverser le président vénézuélien Nicolás Maduro ont été couronnés de succès cette semaine, lorsque les principaux médias occidentaux ont unanimement relayé l’affirmation simpliste et préétablie selon laquelle le gouvernement vénézuélien s’obstinait à refuser toute aide de l’étranger :

Les tensions montent alors que le Venezuela bloque un pont frontalier (CNN, 2/7/19)
Maduro bloque l’aide critique envoyée au Venezuela (CNN, 2/7/19)
L’aide arrive à la frontière vénézuélienne tandis que les États-Unis exigent que Maduro la laisse entrer (ABC News, 2/7/19)
Crise au Venezuela : Pompeo exige l’ouverture d’un couloir humanitaire (BBC, 2/7/19)
Les États-Unis disent que Maduro bloque l’aide aux gens affamés. Le Vénézuélien dit que son peuple n’est pas un mendiant. (Washington Post, 2/8/19)
L’aide humanitaire arrive au Venezuela - Mais Maduro la bloque (NPR, 2/8/19)
Tous les articles ci-dessus - et beaucoup d’autre similaires - racontent la même histoire : Maduro bloque l’aide américaine ’par refus de renoncer au pouvoir’, préférant affamer ’son propre peuple’. Une histoire de bien contre le mal - d’un dictateur tyrannique et paranoïaque qui ne laisse pas entrer l’aide pour nourrir une population affamée.

Sauf qu’il manque trois éléments clés au contexte. Contexte qui, lorsqu’il est présenté à un observateur neutre, saperait gravement le récit caricatural présenté par les médias.

La Croix-Rouge et l’ONU ont toutes deux averti les États-Unis de ne pas s’engager dans cette opération de relations publiques.
Le pont en question est une métaphore visuelle inventée par l’administration de Trump qui n’a que peu de pertinence pratique.
Le responsable des opérations américaines au Venezuela a l’habitude d’utiliser l’aide humanitaire comme couverture pour livrer des armes à des mercenaires de droite.
1) Non seulement la communauté de l’aide internationale n’a pas demandé cette ’aide’ plus tôt cette semaine, mais la Croix-Rouge internationale et les Nations Unies ont toutes deux averti les États-Unis de ne pas s’engager explicitement dans ce type d’opération médiatique. Comme l’a souligné Vincent Bevins, collaborateur du Washington Post, le cynisme transparent de ces efforts a été dénoncé de manière préventive par les organisations d’aide humanitaires :

La Croix-Rouge met en garde les États-Unis contre les risques liés à l’envoi d’aide au Venezuela (PBS NewsHour, 1/2/19) :
Le Comité international de la Croix-Rouge a mis en garde les Etats-Unis contre les risques d’une aide humanitaire au Venezuela sans l’accord des forces de sécurité loyales au Président Nicolas Maduro.

L’ONU met en garde contre la politisation de l’aide humanitaire au Venezuela (Reuters, 6/2/19) :
NATIONS UNIES - Les Nations Unies ont mis en garde mercredi contre l’utilisation de l’aide comme un pion au Venezuela après que les Etats-Unis ont envoyé de la nourriture et des médicaments à la frontière du pays et ont accusé le Président Nicolas Maduro de bloquer sa livraison avec des camions et des conteneurs.

En effet, comme Bevins l’a également fait remarquer, la Croix-Rouge travaille depuis longtemps avec les autorités locales au Venezuela pour apporter des secours, et la semaine dernière, elle a doublé son budget pour ce faire. Nous avons amplement la preuve que le gouvernement Maduro est plus que disposé à travailler avec l’aide internationale lorsqu’elle est offerte de bonne foi, et non lorsqu’il s’agit d’un mécanisme à peine voilé pour déclencher une guerre civile et obtenir des victoires de relations publiques pour ceux qui cherchent à renverser le gouvernement. Ce n’est pas seulement Maduro - comme le présentent les médias occidentaux - qui s’oppose au convoi d’aide américain, c’est aussi l’ONU et la Croix-Rouge.

Pourquoi aucun des articles mentionnés ci-dessus ne fait état de cette information clé, donnant au lecteur l’impression qu’il ne s’agit que de la position d’un sadique, d’un fou avide de pouvoir ?

2) Malgré des douzaines de médias qui donnent l’impression (et parfois le disent explicitement) que le gouvernement vénézuélien a fermé une voie d’accès au pays, le pont en question n’a pas été ouvert depuis des années.

Il est vrai que le gouvernement vénézuélien semble avoir placé un camion citerne et des conteneurs sur la pont pour empêcher les incursions du côté colombien, mais les autres barrières, comme l’a fait remarquer Jason Emery, auteur et développeur de logiciels, sont en place depuis au moins 2016. SelonLa Opinion (5/2/16), après sa construction initiale en 2015, le pont n’a jamais été ouvert à la circulation. Comment Maduro, comme l’a suggéré la BBC, peut-il ’rouvrir’ un pont qui n’a jamais été ouvert ?

La réalité est que la BBC et d’autres médias occidentaux ne faisaient que relayer le récit du sénateur Marco Rubio et du secrétaire d’État de Trump, Mike Pompeo, sans prendre la peine de vérifier si le récit n’était qu’un opération de propagande.

Ce point est relativement superficiel, mais dans une bataille de relations publiques à long terme pour convaincre les libéraux occidentaux de poursuivre l’escalade militaire, les questions superficielles comptent beaucoup. Rubio et l’administration Trump ont inventé une métaphore visuelle astucieuse, et presque tous les médias l’ont transmise sans critique, faisant souvent des suppositions factuelles inexactes en cours de route - suppositions que le Département d’État Trump et la CIA qui coordonnait l’effort savaient très bien qu’ils allaient faire.

3) Le gouvernement vénézuélien a une raison tout à fait rationnelle de soupçonner les Etats-Unis d’utiliser l’aide humanitaire comme couverture pour faire entrer clandestinement des armes pour fomenter un conflit armé : C’est ce qu’Elliot Abrams, l’homme de main de Trump au Venezuela, a littéralement fait il y a 30 ans.

Voici les deux premiers paragraphes (gras ajouté) d’un article paru en 1987 dans AP/New York Times sur Elliott Abrams, ’Abrams Denies Wrongdoing in Shipping Arms to Contras’ (17/8/87-h/t Kevin Gosztola) :

Le secrétaire d’État adjoint Elliott Abrams a défendu son rôle dans l’autorisation de l’envoi d’armes à bord d’un avion d’aide humanitaire à destination des rebelles nicaraguayens, affirmant que l’opération était ’strictement conforme aux règles’.

M. Abrams a pris la parole samedi lors d’une conférence de presse en réponse aux déclarations de Robert Duemling, ancien chef du bureau d’aide humanitaire du département d’État au Nicaragua, qui a déclaré avoir commandé à deux reprises des avions pour transporter des armes pour les Contras sur des avions humanitaires à la demande de M. Abrams début 1986.

C’est littéralement la même personne. Ce n’est pas que Maduro soit vaguement paranoïaque que les États-Unis ressortent leur vieux manuel de soutien aux Contras des années 1980, ou qu’il soupçonne tel ou tel haut-fonctionnaire. C’est littéralement le même responsable d’une opération connue - avec une certitude de 100%, parce qu’il l’a avoué - qui a l’habitude d’utiliser des convois d’aide humanitaire comme couverture pour livrer des armes aux milices d’extrême droite.

Tout se passe sous nos yeux, en temps réel. Les mêmes acteurs, les mêmes astuces, la même préoccupation manifestement fallacieuse pour les affamés. Et les médias éliminent tout contexte essentiel, et présentent ces opérateurs de changement de régime comme des humanitaires au cœur sensible.

Les mêmes médias qui ont bâti leur fond de commerce sur leur image anti-Trump, prennent maintenant pour argent comptant tout ce que Trump et ses alliés néoconservateurs racontent sur le Venezuela. La brigade de « décodeurs » de l’information [on a les mêmes chez nous, aussi efficaces – NDT] qui est apparue pour confronter l’administration Trump a soudainement disparu tandis que la Maison Blanche déploie une stratégie transparente et cynique pour délégitimer un gouvernement latino-américain qu’elle essaie de renverser.

Adam Johnson

Traduction "eh oui, 40 ans plus tard, les mêmes mensonges, les mêmes dénonciations, les mêmes trolls médiatiques" par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.


posté le Alerter le collectif de modération à propos de la publication de cet article. Imprimer l'article
Liste des documents liés à la contribution
unknown-1-19.jpg(...).jpg


Commentaires

Les commentaires de la rubrique ont été suspendus.