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[antifa] 2018 - Pourquoi la science dément la vision de ceux qui pensent qu’un racisme anti-blanc ne peut pas exister

posté le 02/10/18 par http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-science-dement-vision-ceux-qui-pensent-qu-racisme-anti-blanc-ne-peut-pas-exister-axel-kahn-naem-bestandji-3519248.html Mots-clés  antifa 

Le racisme est autant le produit de constructions sociales que de la biologie et de l’évolution. Considérer qu’il ne saurait être autre chose qu’une construction sociale et culturelle, c’est s’interdire de pouvoir y apporter de véritables solutions, faute d’en comprendre les motivations.

D’abord que nous dit la science du racisme ?

Axel Kahn  : Le racisme qui se définit comme la supériorité d’individus sur d’autres en valeurs ou en capacité à cause d’une couleur de peau qu’il n’y a pas de validité de cette thèse. Au sens strict du terme il existe des races animales mais pas de races humaines. C’est une constatation scientifique car pour qu’il y ait des races cela suppose un isolement reproductif. Les différences de couleur de peau s’expliquent par un phénomène darwinien. On sait qu’il faut du soleil pour activer la vitamine D. Les premières populations qui ont peuplé l’Europe étaient noires de peau et au fur et à mesure des migrations vers le Nord, les peaux les plus claires ont été sélectionnées, tout simplement car les plus sombres activaient moins la vitamine D et cela nuisait à la reproduction.

La science le dit avec beaucoup d’assurance.

Maintenant les sciences humaines et sociales indiquent qu’il y a peu de rapport entre les "races" et racisme. En d’autres termes, le racisme qui consiste à dire qu’un groupe d’individus a des qualités globalement supérieures ou inférieures à une autre se passe très bien du concept de race. L’exemple que je donne souvent est celui des Slaves du Sud orthodoxes, des Serbes qui développaient du racisme envers les Croates catholiques et les Bosniaques convertis à l’Islam. Le tout alors qu’ils sont tous d’une ethnie totalement identique.

La science a écarté des sottises quant à l’existence des races. Mais honnêtement ce n’est pas elle qui est capable de contredire le racisme. Ce sont des convictions philosophiques, morales qui amènent à rejeter les thèses du racisme.

Si l’on doit regarder les origines du terme "race" il faudra peut-être s’orienter vers ce qu’on appelle l’ethnocentrisme. Ce dernier amène les groupes humains à considérer qu’ils sont les seuls humains. Quand vous regardez ce que se donnaient comme nom les tribus anciennes, vous allez presque toujours retrouver les mêmes termes après traduction comme "les vrais", "les authentiques…" ce qui suppose que les autres ne le sont pas.

Il faudra des milliers d’années et de développement des civilisations pour endiguer cet ethnocentrisme.

Des chercheurs américains dans une interview donnée au Washington Post expliquent que l’on fait certainement fausse route en pensant que le racisme se construit au contact d’un environnement raciste. Au contraire, selon ces derniers, il y aura toujours un "rejet de l’autre parce que différent" et il n’y aurait qu’avec l’éducation et la culture qui permettent de déconstruire ces préjugés. Qu’en pensez-vous ?


Axel Kahn
 : Je crois que c’est partiellement inexact. Il est certain que les enfants comme les animaux vont avoir tendance à se mettre avec des enfants qui leur ressemblent. Ceci dit, cela dépend de l’âge. A l’école justement, les enfants ne font pas la différence entre les humains, leurs peluches et les animaux. Vous voyez bien comment cela peut difficilement conduire au racisme. A un âge plus avancé dans les écoles, l’absence de racisme est tout à fait frappante alors même que les parents vont avoir des positions beaucoup plus tranchées.

Mais effectivement, il est extrêmement banal pour les êtres vivants de ressentir une gêne vis-à-vis de ce qui est différent, étranger pour eux. Et il n’y a que l’éducation pour palier à ce phénomène.

Ce qui impliquerait qu’il serait faux de penser que le phénomène de rejet de ce qui est différent disparaîtra au fur et à mesure que nos sociétés deviennent de plus en plus "progressistes" ?

Axel Kahn : Je suis aussi totalement opposé à cette vision que le racisme et le rejet de l’autre disparaîtra au fur et à mesure que les sociétés deviennent plus "progressistes". Elle est fondamentalement fausse. Une des raisons pour laquelle le racisme s’est véritablement enraciné c’est une éducation et une présentation erronée des thèses de l’évolution. Il ne suffit pas de présenter des arguments scientifiques qui permettent d’affirmer que les races humaines n’existent pas pour faire disparaître le racisme. Tout simplement car ce dernier ne s’alimente pas uniquement sur cette base.

C’est un combat de chaque génération car derrière le racisme, il y a le malaise l’inquiétude, des réflexes d’autodéfense… Ce sont des comportements qui se répètent de génération en génération. A partir du moment où l’on sait que le combat contre le racisme est d’ordre moral et philosophique, il n’est évidemment pas fait une fois pour toute. L’égale dignité et l’égale valeur de chaque être humain est un des produits de l’éducation.

Pourquoi nier l’existence du racisme antiblanc ? Quel est l’argumentaire déployé pour arriver à cette conclusion alors que l’on sait que le racisme et le rejet de l’autre par essence peut concerner chaque individu (et pas uniquement à cause de la couleur de sa peau) ?

Naëm Bestandji : L’argument de ceux qui ne reconnaissent pas le racisme anti blanc est de dire (et ils ont raison) qu’il n’y a par exemple jamais eu dans l’histoire de l’humanité des Blancs qui ont été exécutés, mis en esclavage de façon aussi massive que cela n’avait été pour les Noirs.

Leurs arguments tournent autour des conséquences sociales et économiques du racisme. À partir du moment où il n’y aurait pas ces conséquences pour les Blancs, le racisme antiblanc n’existerait pas. Pour eux, le racisme est une construction et a des conséquences sociales de masse. Ils ne sont donc pas dans la définition stricte de ce terme.

Mais le racisme reste le racisme. À partir du moment où l’on considère l’autre comme différent de soi uniquement en raison de sa couleur de peau, c’est du racisme. A partir du moment où on attribue une couleur de peau, la "blanchité", pour définir les problèmes du monde, que tout se réduit à une couleur, c’est du racisme. Par exemple, nommer le féminisme universaliste "féminisme blanc", c’est du racisme. Dans cette optique, ce néo racisme victimaire existe. Il est notamment mené par les Indigènes de la République. Ce n’est plus un racisme qui part du haut et considère l’autre comme inférieur, mais un racisme qui part du bas et considère l’autre comme oppresseur.

Au final, nier l’existence d’un racisme antiblanc n’est-il pas complètement contreproductif pour la cause antiraciste ?

Naëm Bestandji : Ce qui compte de leur point de vue c’est la masse, le nombre. Comme il y a une écrasante majorité d’actes et propos racistes envers les non-blancs, il n’y a que cela qui compte. Rokhaya Diallo le dit d’ailleurs. Elle s’est prononcée sur l’affaire Nick Conrad (rappeur à l’origine de la polémique) et a reconnu que "des discriminations et des préjugés peuvent émaner de n’importe qui". Mais elle ne considère pas cela comme du racisme puisque cela relèverait de l’exceptionnel. Elle se base sur la quantité, pas sur les motivations. S’il y a quelques "racisés", selon le terme racialiste, qui tiennent des propos discriminants envers les blancs, ils ne peuvent être qualifiés de racistes selon elle. A ses yeux, pour qu’il y ait racisme il faudrait que cela soit un phénomène systémique, "institutionnalisé". Les "cas isolés" ne révèleraient rien, à part peut-être la manifestation de la colère des victimes du "racisme institutionnel". Ce qui dédouane indirectement les responsables des propos anti blancs et explique en partie leurs multiplications.

Ce point de vue pose donc problème. En distinguant et hiérarchisant les victimes de racisme, on entre dans une course à l’échalote, un concours macabre, néfaste pour tout le monde et en premier lieu pour le combat antiraciste.

Quel serait le risque alors ? Vers quoi cette négation pourrait-elle mener ?

Naëm Bestandji  : Les extrêmes pourraient en profiter et prospérer sur ce refus de reconnaître tous les racismes, comme on l’a vu sur le cas du rappeur Nick Conrad.

C’est exactement comme l’histoire du drapeau français qui a trop longtemps été laissé au Front National. A l’issue des deux Guerres Mondiales on pensait que plus il y avait de patriotisme, plus on pouvait glisser vers le nationalisme et plus cela pouvait engendrer des guerres et le rejet de l’autre. Dans l’inconscient collectif, brandir le drapeau français était être un facho et/ou être un sympathisant du Front National. Nous avons trop longtemps laissé ces symboles au FN qu’il s’est accaparé bien volontiers.

Plus récemment il y a eu plusieurs épisodes sur la laïcité, ou sur l’intégrisme musulman ou même l’insécurité. Une partie de la gauche refuse d’aborder ces questions, ou, sur celle de l’islam et de la laïcité, préfère se montrer complaisante avec l’intégrisme musulman au détriment de l’ensemble des musulmans, par crainte de provoquer du racisme. On marche sur la tête, car cette attitude contribue irrémédiablement à engendrer du racisme (notamment par l’amalgame Maghrébin/Arabe/musulman) et à faire monter les extrêmes. Je fais partie de ces gens de gauche qui plaident pour ne pas avoir de tabous. Le refus des indigénistes de reconnaître l’existence d’un racisme antiblanc aura pour conséquence de prolonger le boulevard déjà bien large ouvert à l’extrême droite.

Le racisme ne doit pas se catégoriser car il n’y a pas de racisme moins grave qu’un autre. On doit les nommer pour évaluer leurs particularités afin d’y apporter des réponses adaptées. Mais on ne doit pas les nommer pour constamment les différencier et les hiérarchiser. Sinon, on devient ce que l’on prétend combattre.


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