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Colombie : Pourquoi la thématique urbaine n'est pas évoquée dans les dialogues de "paix" entre la guérilla des FARC et le gouvernement

gepost op 24/02/15 door bernardine Trefwoorden  luttes sociales  répression / contrôle social  logement / squats / urbanisme  Peuples natifs 

« Pourquoi la réalité urbaine fait partie du conflit et doit être considérée dans les dialogues de paix de la Havane entre les Farc et le gouvernement colombien » publié dans Colombia Informa … suivi d’un article écrit par un indien qui donne une autre lecture plus critique de ces dialogues de fin de conflit « Analyse de l’accord de paix entre l’Etat et les FARC depuis la perspective des peuples indiens et des exploitéEs. » .

Après plusieurs décennies de conflit social, politique et armé en Colombie, faire uniquement référence aux problématiques rurales et occulter les centres urbains peut avoir comme effet néfaste une invisibilisation des réalités urbaines. Plus ces réalités restent invisibles et plus il sera facile pour le capital international de faire ce qu’il veut des centres urbains.
Pourquoi n’y a-t-il aucune référence aux problématiques urbaines dans les accords entre les FARC et le gouvernement si les 70% des habitants du pays vivent en agglomérations? L’article suivant tente d’apporter des éléments de réponse...
* Par Yolima Bedoya, histoienne et activiste dans les processus urbains de Medellin. Article paru le 23/02/2015 sur Colombia Informa

Le modèle actuel urbain impulse la formation du citoyen libéral, libre d’acheter, de s’endetter, de voter, d’aller dans des centres commerciaux, d’emprunter des chemins piétons ou d’utiliser la voix cyclable... des préoccupations qui lui génèrent la sensation de profiter pleinement de la ville sans tenir compte du fait que pour la vision capitaliste, le citoyen urbain n’est autre qu’un objet consommateur.

Une telle impression fait que le conflit se perçoie comme très lointain. Ainsi, on ne relationne pas ce qui se passe sur notre territoire avec les situations dans le reste du pays jusqu’à ce que l’on ne voie même plus la nécessité d’être mentionné dans les négociations, puisqu’il n’y a pas d’identification concrète depuis les centres urbains avec le conflit.

C’est pourquoi, les cités sont vêtues de ciment sous l’idée esthétique du « développement » pendant que la grande pauvreté, le manque total de ressources, de nourriture, d’éducation et de salubrité des habitats, sont des souffrances chaque jour plus graves pour la majorité du pays.

Réfléchissons aux raisons de l’absence totale de référence aux centres urbains lors des négociations... on peut déjà noter, en plus celle mentionnée plus haut, celles-là :

La construction de méga-projets urbains s’est renforcée au niveau mondial et se consolide en Colombie chaque jour davantage. En 2014 cela fut le buisiness ayant rapporté le plus d’argent, arrivant avant l’économie minière. Avec la croissance de la construction le négoce immobilier va bon train.
Faire référence aux villes lors des négociations impliquerait reconnaître les questions telles :
L’échec du processus de soit-disant démilitarisation des paramilitaires sous le gouvernement d’Álvaro Uribe.
Visibiliser l’existence d’autres types d’acteurs du conflit armé. Il ne s’agirait plus en effet d’un duo : gouvernement/ groupes insurgés, mais aussi les narcotrafiquants, le contrôle territorial dans les quartiers et les paramilitaires.
Reconnaître que dans les villes comme Medellín, les conséquences directes du conflit il y a eu des milices urbaines enracinées dans le tissu social, et que à partir de son extermination, un nombre important de civils a été signalé, persécuté et assassiné. (...)

Notes de la traductrice :
1) On appelle milicienNE celLE qui fait partie des guérillas mais est habillé en civil. Les groupes insurgés Farc, ELN et bien d’autres ont été fortement présents et le sont toujours dans certains quartiers.

2) Comme exemple d’extermination, voir l’opération Orion de 2002 : les militaires ont tenu un siège d’une semaine contre les 100 000 habitants de la comuna 13 de Medellin connue pour son gauchisme et ont fait des centaines de disparus. C-est la plus grosse attaque militaire connue en milieu urbain. Les militaires ont dégainé et kidnappé, passant dans toutes les petites maisons. Il y avait même un hélicoptère de guerre qui s’est servi de ses mitrailleuses.
Un mur de grafs a été réalisé dans la comuna 13 pour ne pas oublier...
Les paramilitaires étant indissociables des militaires, ils ont également participé à l’opération... depuis ils contrôlent la zone.
3) les contrôles de territoire s’opèrent de différentes manières : il y a les zones contrôlées par les narco et les para (À Medellin, la coke des paramilitaires se vend très bien dans la rue....). Les zones dans les quartiers pauvres où les paramilitaires instaurent un couvre-feu et tirent sur tout ce qui bouge après une certaine heure. Bien évidemment il FAUT payer pour être protégéE au risque de se faire assassiner ou découper en morceaux à coups de tronçonneuse (comme à Buenaventura par exemple).
Il vaut mieux aussi éviter d’avoir des tatoos, de fumer de l’herbe et d’avoir les cheveux longs...
Et pour les filles, il vaut mieux passer inaperçues... au risque de se trouver dans les orgies obligatoires des chefs loaux ou d’être choisie pour être l’épouse... Dans les régions ils organisent même des concours de beauté pour concentrer les plus belles filles. Et une telle invitation n’est pas refusable...

(…) Comme ces groupes ne sont pas reconnus, il n’y a aucune allusion à la manière dont est vécu le conflit social, politique et armé dans les villes.
Pour inverser cette invisibilisation, les mouvements sociaux doivent :
- mieux comprendre les enjeux des disputes idéologiques politiques et sociales et le potentiel organisatif et de mobilisation des centres urbains
- faire des alliances avec les mouvements agraires pour amplifier la caisse de résonnance que peuvent être les mobilisations en certaines occasions.
- s’articuler en tant qu’organisations réalisant un travail communautaire urbain.

Accepter les implications de telles situations signifie renforcer la reconnaissance de sujets politiques qui doivent faire partie d’une construction de fin de conflit.

Analyse de l’accord de paix entre l’Etat et les FARC depuis la perspective des peuples indiens et des exploitéEs.

Ce texte trouvé sur le site de l’ACIN en octobre 2012, a été écrit par Manuel Rozental, réfugié au Canada.

« En fait, c’est le moment du partage du butin de guerre.
Ce qui a changé à force de terreur et de mort est évident : les FARC n’exigeaient déjà plus une transformation structurelle du régime et ne luttaient plus contre le système.
Depuis quelques temps, c’est une guerre pour des réformes, importantes, mais des réformes sans altérer le modèle dans son aspect essentiel: le «libre-échange».
Le pays se livre aux transnationales et la Colombie est le fer de lance d’un projet transnational dans la région. Le processus de paix est en fait une trêve et un accord entre les groupes armés. Cet accord garantira tout d’abord une solution juridique aux impliquéEs, des conditions matérielles de "réinsertion" et, accessoirement, un «processus» pour faire des réformes à long terme (que personne n’entend réaliser).

Au milieu, il y a un énorme butin en terme de ressources, de territoires, de projets, etc. Chaque bande en obtiendra une part au cours de la négociation. Personne ne veut être sur la touche pour ne pas perdre sa part.

Dans ce contexte et compte tenu de l’immense lassitude d’une guerre contre les peuples, je pense que la meilleure chose qui puisse arriver est la suivante :
1. qu’ils signent (dès que possible et avec le moins d’ingérence extérieure possible) un accord pour faire taire la guerre entre insurgés armés et l’État. Ce n’est pas la paix, mais la fin de cette guerre.
2. Que ça puisse donner de l’oxygène aux mouvements de la base, pour qu’ils profitent en fin de compte, de ne pas être identifiés par un groupe ou un autre (pour être éliminés ou stigmatisés), et pour qu’ils se mobilisent ouvertement avec leurs propres agendas et contre le modèle du libre échange.
3. Que ceux de la soi-disant «société civile», les partis, les syndicats, les ONG qui ont profité du processus et ont eu l’intention d’y participer pour en obtenir des bénéfices et une part du butin, soient exposés à la lumière, pour que les collectivités puissent faire facilement la différence, sans cette guerre omniprésente, entre «nous» et «eux». [...]

Cela aurait des implications stratégiques de fond [...].
1. L’extrême droite fasciste veut la guerre parce que là-bas se joue son argent et son pouvoir et va semer la terreur contre le projet de paix de Santos. Avec ça, elle pense exclure les alternatives.
Le seule choix qu’il reste, c’est la paix de Santos et des FARC/ ELN ou la guerre perpétrée par les fascistes.
Avec les deux, la droite gagne. Mais avec la guerre, le butin est seulement pour ceux de toujours, tandis qu’avec cette paix, le butin se répartit entre eux et les dirigeants du processus, les ONG et les partis.
2. La gauche traditionnelle et les partis veulent participer à la négociation comme si c’était pour une transformation du régime. Mais, ce n’est pas ce qui est négocié. Il n’y a pas non plus les conditions ou la capacité pour le faire. Parce qu’en général, ils accepteront le modèle du libre échange. La seule chose qu’ils obtiendraient c’est de transformer un processus qui se veut court et concret en un plus long et compliqué, où l’échec est quasi inévitable.

Alors qu’ils signent vite pour qu’en dehors de ces tables de négociations, se mobilise le peuple, et se consolide son programme contre le modèle dominant et pour un pays autre qui ne tombe pas dans ce genre d’accords. La fin de la guerre est une chose et la construction de la « paix » en est une autre. [...] Ils veulent tous faire partie de ce cirque et participer à un éternel processus pour en tirer des bénéfices.[...] Cette guerre et cette trêve viennent d’eux et sont contre les peuples. La paix des peuples vient d’en bas et de l’intérieur du peuple !! »

http://www.pueblosencamino.org/index.php/quienes-somos/lectura-de- contexto/370-colombia-dialogos-farc-estado-una-lectura-estrategica


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