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DESTRUCTION, OUI, SÉPARATION, NON : QUELQUES RÉFLEXIONS SUR L’ÉGLISE ET L’ÉTAT

gepost op 06/11/18 door https://nantes.indymedia.org/articles/43425 Trefwoorden  réflexion / analyse  genre / sexualité 

DESTRUCTION, OUI, SÉPARATION, NON : QUELQUES RÉFLEXIONS SUR L’ÉGLISE ET L’ÉTAT

EXTRAITS DE PINK AND BLACK ATTACK 4

30 JANVIER 2010

LE DÉBAT SUR LE MARIAGE ENTRE PERSONNES DE MÊME sexe, pour le courant politique dominant, est essentiellement divisé en deux camps : la droite est contre, et la gauche est pour. Naturellement, ces deux camps ne représentent que le discours dominant et marginalisent les autres opinions.
Les anarchistes et autres radicaux-les ont ainsi de tout temps été opposé-e-s à l’institution du mariage en général, et ont plus récemment pris position contre le mariage entre personnes de même sexe, assimilationniste par nature. Une autre position, libertarienne[*] celle-ci, a également gagné en popularité ces dernières années : l’État ne devrait pas s’ingérer dans l’institution du mariage; il devrait être privé de tout statut juridique et relever plutôt de la seule autorité des églises. Il semblerait à première vue que cette position concorde avec la critique anarchiste. Elle propose essentiellement une solution non étatique à la question du mariage, sans ingérence du gouvernement ni réglementation de l’État. Il s’agit cependant d’une fausse alternative, précisément parce que c’est une solution non étatique. Ce qu’il faut, c’est une solution anti-État.

La position libertarienne comporte deux volets principaux : l’un économique, l’autre social. L’argument économique consiste à dire que les allégements fiscaux et autres avantages financiers obtenus grâce au mariage s’apparentent à une aide sociale octroyée à celleux qui se marient. Au fond, celleux d’entre nous qui ne se marient pas payent pour celleux qui se marient. Selon l’argument social, le gouvernement ne devrait pas avoir son mot à dire sur qui se marie avec qui, puisque des adultes consentants devraient avoir le droit de se marier sans que l’Etat s’en mêle. Ces arguments sont tous deux convaincants ; le problème, ce ne sont pas les arguments, mais les idées reçues sur lesquelles ils reposent, et par extension les questions qu’ils laissent en suspens.

    • Le rôle de l’État constitue peut-être le principal point de dissension entre les approches anarchiste et libertarienne. Comme nous l’avons dit plus haut, l’anti-étatisme tranche avec le non-étatisme. Or malgré les apparences ce n’est pas une simple question de terminologie.
    • Au contraire, un véritable fossé sépare les deux positions : la position libertarienne repose tout entière sur une critique de l’intervention du gouvernement dans la vie privée des gens, plutôt que sur une critique du gouvernement en soi. Par exemple, l’argument libertarien économique affirme implicitement que la protection égale en vertu de la loi n’est pas effective actuellement, en raison des allocations versées à celleux qui choisissent de se marier. De même, l’argument libertarien social repose sur l’idée reçue selon laquelle il n’incombe pas au gouvernement de décider de qui peut ou non se marier : ce serait là une atteinte aux libertés.

Ces arguments omettent tous deux l’idée selon laquelle le gouvernement est problématique en soi. Ils retournent le problème : le gouvernement serait trop présent, comme si en réduire l’intervention suffisait à résoudre le problème du mariage homosexuel. En outre, un argument fondé sur la recherche d’un rôle adéquat pour l’État dans nos vies implique d’accepter ce rôle, quel qu’il soit, en tant que sujets de l’État. Plaider pour un meilleur gouvernement, c’est plaider en tant que citoyens, en tant que personnes qui sont parties prenantes de la société régie par l’État.

L’approche libertarienne néglige aussi de critiquer la société civile et tout ce qui la lie à l’État. En tant qu’anarchistes, nous voulons non seulement l’abolition du gouvernement, mais aussi de la hiérarchie et de la domination sous toutes leurs formes. Cantonner le mariage à un simple engagement religieux ne remet en cause ni la nature patriarcale du mariage ni l’hétérosexisme généralisé et étayé par l’Église.

Si nous voulons abolir les hiérarchies et l’autorité, détruire l’oppression et la domination, nous devons prendre pour cibles toutes les institutions qui les maintiennent, les entretiennent, ou en dépendent. Une plus forte séparation entre l’Église et l’État n’y change rien : la solution non étatique en matière de mariage entre personnes de même sexe est donc au mieux inutile. Elle ne fait qu’apporter une solution à la question politique des droits, de la forme de gouvernement la plus appropriée et de la protection égale. Tout cela n’a que peu d’intérêt pour celleux d’entre nous qui sommes en quête de la libération queer.

Nous n’en appelons pas au gouvernement en qualité de sujets, en quête d’une égalité qu’il nous a longtemps promise mais jamais accordée. Nous ne cherchons pas à ajuster le rôle du gouvernement dans nos vies. Nous ne cherchons pas à faire du mariage une institution strictement religieuse. Ce ne sont là que des solutions politiques à la question politique du mariage entre personnes de même sexe.

Le mouvement moderne du mariage pour tou-te-s est l’héritier du mouvement de libération queer des années 1960. Ce mouvement était une réponse à l’hétérosexisme structurel qui est aujourd’hui encore l’un des piliers de la société américaine. Cependant, lorsque le mouvement s’est tourné vers le militantisme politique comme vecteur de changement, il a adopté la logique du système politique. Celui-ci comporte des règles et des structures bien définies qui imposent un cadre restreint aussi bien aux revendications qu’aux solutions. Ces revendications, parce qu’elles doivent adhérer à un système de règles abstraites, deviennent abstraites parce qu’elles doivent être établies selon les termes fixés par le système politique. Ainsi, le mariage entre personnes de même sexe devient une revendication politique, qui exige une solution politique. Ces solutions politiques doivent également adhérer aux règles du système, ce qui empêche tout renversement du processus politique (la primauté du droit).

Le système [et] le processus politiques écartent ainsi les solutions qui dérogent à ses règles et à ses limites. La solution libertarienne à la revendication du mariage entre personnes de même sexe s’inscrit dans ces limites, et ne fait rien pour les contester. Elle ne défie ni le système politique ni le système social en général. Si elle répond à la revendication sans l’État, elle le fait d’une manière qui n’affecte en rien le processus politique.

Pour aller vers une solution anti-État, nous devons d’abord pousser à une nouvelle réflexion sur la question du mariage entre personnes de même sexe. Comme nous l’avons noté plus haut, le nouveau souffle qui habite le militantisme politique en faveur du mariage pour tou-te-s nous vient d’une lutte pour la libération. Cette lutte, à travers sa politisation, a été réduite à une série de revendications vis-à-vis de l’État. Nous devons rejeter ce phénomène et lutter contre la politisation de la lutte, contre la transformation de nos vies en question politique.

NIQUE L’ÉGLISE, NIQUE L’ÉTAT


Fredy Baroque & Tegan Eanelli : VERS LA PLUS QUEER DES INSURRECTIONS

Traduit de l’américain par Diabolo Nigmon & Decibel Espanto

Libertalia 2016, pp. 61-64.

[*] Libertarien (de l’anglais libertarian) : partisan d’un ultralibéralisme anti-étatique.


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