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La réalité de ce qui est à l’œuvre en Israël/Palestine

gepost op 01/12/16 Trefwoorden  répression / contrôle social  solidarité  antifa  Peuples natifs 

Intervention de Pierre Stambul à Gentilly (26 novembre 2016) "Peut-on critiquer Israël aujourd’hui en France ?"

Le terme le plus correct serait sans doute "sociocide", c’est-à-dire destruction programmée de l’économie, du lien social, de tout ce qui permettrait à la société palestinienne de vivre normalement. Le rêve sioniste a été dès le début de la colonisation, soit de nier l’existence même du peuple palestinien (souvenons du slogan meurtrier assimilant la Palestine à une "terre sans peuple pour un peuple sans terre") soit de transformer les Palestiniens en des Indiens du Proche-Orient, parqués dans leurs réserves, assistés et incapables de revendiquer leurs droits.

Le Tribunal Russell sur la Palestine, tribunal symbolique constitué d’éminentes personnalités, a considéré que l’État d’Israël était coupable de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, d’incitation au génocide et du crime d’apartheid tel qu’il est internationalement reconnu.

Une autre évidence de la réalité à l’œuvre, c’est que des décennies d’occupation et de colonisation ont fragmenté la Palestine en autant de statuts différents d’oppression.

En Cisjordanie, la colonisation a pris une telle ampleur que le territoire palestinien est encerclé et mité. 750 000 colons vivent au-delà de la "ligne verte", frontière internationalement reconnue qui a disparu dans les faits. Les colons forment plus de 10% de la population israélienne mais aussi la moitié du gouvernement et presque la moitié de l’armée.

Dans la ville de Jérusalem, la "judaïsation" aboutit à des destructions ou des confiscations de maisons incessantes.

La bande de Gaza (où j’étais en mai-juin) est une cage hermétique où 2 millions de personnes sont confinées et où l’occupant expérimente tous les deux ans les armes de destruction les plus sophistiquées.

Les Palestiniens d’Israël qui forment plus de 20% de la population vivent toute une série de graves discriminations au logement, au travail, à la possession de la terre. Parmi eux, les Bédouins du Néguev vivent un véritable nettoyage ethnique.
Il faudrait aussi parler des réfugiés dont les droits sont niés depuis 68 ans alors que la résolution 194 de l’ONU (11 décembre 1948) a explicitement exigé leur retour, ou des prisonniers : 45% des hommes palestiniens entre 18 et 50 ans ont connu la prison.

Telle est la réalité incontestable de ce qui se passe là-bas : une conquête coloniale et un terrain où l’occupant expérimente diverses méthodes pour dominer et enfermer une population. Pourquoi est-ce si difficile de le dire publiquement ?

À l’origine de la destruction de la Palestine, le sionisme

Celles et ceux qui ont cru que la question du sionisme n’était qu’une question historique ont été rattrapés par les faits. Cette idéologie est plus que jamais à l’œuvre. C’est au nom du sionisme que la Palestine est méthodiquement étranglée et dépecée.

Dès l’origine il y a 120 ans, le sionisme a été une théorie de la séparation, proclamant que Juifs et non Juifs ne pouvaient pas vivre ensemble, ni dans le pays d’origine, ni dans l’État juif à construire. Le sionisme est un colonialisme qui ne vise pas à exploiter le peuple autochtone mais à l’expulser et à le remplacer. C’est un nationalisme qui a inventé la notion de peuple juif descendant des Judéens de l’Antiquité. Il est ridicule de prétendre que les Juifs polonais et les Juifs yéménites appartiennent au même peuple. Les descendants des Judéens de l’Antiquité sont essentiellement … les Palestiniens. Ce nationalisme a inventé l’idée d’un attachement des Juifs à la terre devenue Israël, attachement qui n’a jamais existé, ni chez les Juifs laïques, ni chez les religieux. Il a aussi inventé une langue nouvelle (l’Hébreu jusque-là exclusivement réservé à l’usage religieux). Il a puisé dans les nationalismes meurtriers européens le concept d’État ethniquement pur. Il a produit une gigantesque manipulation de l’histoire, de la mémoire et des identités juives, en fabriquant le mythe de l’exil des Juifs et de leur retour chez eux, idée qui ne résiste à aucun examen historique sérieux.

Le dernier paravent pour masquer la réalité de ce qui se passe au Proche-Orient est de dire ce que nos dirigeants nous ressassent : "vous critiquez Israël ? Vous êtes antisémite ! Vous êtes antisioniste ? Vous êtes antisémite !"

Juifs parias et antisémitisme

L’histoire des Juifs en France et plus généralement en Europe depuis la sortie du ghetto (sortie qui commence au XVIIIème siècle) est celle d’une lutte pour l’émancipation et l’égalité des droits. Dans l’UJFP, nous nous considérons comme les héritiers d’une époque où la majorité des Juifs pensaient que leur émancipation, comme minorité opprimée, était indissociable de l’émancipation de toute l’humanité. D’où l’engagement de nombreux Juifs dans les luttes sociales, anticoloniales ou révolutionnaires. Cette image universaliste du Juif n’a bien sûr rien à voir avec celle aujourd’hui du tankiste de Tsahal indifférent à la souffrance qu’il provoque. Le sionisme a été minoritaire, voire très minoritaire chez les Juifs jusqu’à la deuxième guerre mondiale.

L’antisémitisme racial a succédé, au cours du XIXe siècle à l’antijudaïsme chrétien. Pour reprendre Hannah Arendt, les Juifs ont été considérés comme des parias asiatiques inassimilables. On les a accusés de cosmopolitisme et d’être des obstacles au rêve de bâtir des États ethniquement purs.

Le sionisme n’a jamais combattu l’antisémitisme, il l’a toujours jugé inéluctable. Il l’a utilisé pour pousser les Juifs à partir. Dès la fin du XIXe siècle, Herzl s’est adressé à tous les dirigeants antisémites européens en leur expliquant que, eux comme lui, avaient le même intérêt : que les Juifs quittent l’Europe et qu’ils deviennent des colonisateurs européens en Asie. Le sionisme a copié sur les nationalismes antisémites la notion d’État ethniquement pur.

Les dirigeants sionistes ou israéliens n’ont aucun droit de récupérer ou d’instrumentaliser le génocide nazi comme ils le font. La résistance juive au nazisme a été essentiellement communiste ou bundiste, les sionistes n’y ont joué qu’un rôle marginal.

Les dirigeants israéliens ou les dirigeants sionistes en France n’ont aucun droit de revendiquer à leur profit le souvenir du génocide nazi et il ne faut jamais leur faire ce cadeau. Nombre d’entre eux qui vivaient à l’époque ont eu un comportement plus que coupable. Jabotinsky, fondateur du courant "révisionniste" du sionisme était un admirateur de Mussolini. Ben Gourion a signé avec les autorités nazies en 1933 l’accord du transfert des Juifs allemands en Palestine en échange de l’abandon du boycott de l’Allemagne décrété par les Juifs américains. 20 ans plus tard, il signera avec le conseiller d’Adenauer, le Nazi Hans Globke, auteur des lois raciales de Nuremberg, l’indemnisation des Juifs victimes du nazisme et une aide financière importante pour Israël. Yitzhak Shamir, futur Premier ministre fera assassiner des soldats et des dignitaires britanniques jusqu’en 1944, ce qui est un acte de collaboration.

Aujourd’hui même, un dirigeant israélien (Nétanyahou) se permet de dire que les Juifs Français doivent partir et que la France n’est pas leur pays. Aucun antisémite depuis Vichy n’avait osé nous dire que nous n’étions pas chez nous en France. Le même Nétanyahou affirme sans rire qu’Hitler ne voulait pas tuer les Juifs et que c’est le grand mufti de Jérusalem qui lui a soufflé l’idée. Pourquoi ces propos ouvertement révisionnistes sont-ils tolérés ?

Les Juifs européens d’aujourd’hui ne sont plus des parias. Certes l’antisémitisme subsiste, mais il n’a rien à voir avec ce qui se passait dans les années 30. Les discriminations et les stéréotypes racistes frappent beaucoup plus les Arabes, les Noirs, les musulmans, les Rroms. Lutter contre le racisme, y compris sous la forme antisémite est essentiel. Mais faire de l’antisémitisme un racisme à part a surtout pour but d’interdire la critique d’Israël et la solidarité avec le peuple palestinien.

La criminalisation du mouvement de solidarité

Qui sont les défenseurs inconditionnels de la politique israélienne qui agitent systématiquement l’antisémitisme à la moindre critique ? Ils n’ont rien à voir avec l’antiracisme. On y trouve des islamophobes comme Roger Cukierman (dirigeant du CRIF) qui, face à la présence de Le Pen au second tour des présidentielles, conseillait aux musulmans de se tenir tranquilles. On y trouve des gens proches de l’extrême droite comme l’ex-commissaire de police Sammy Ghozlan président du BNVCA ("bureau national de vigilance contre l’antisémitisme") ou comme la ligue de défense juive (LDJ, groupuscule ultra-violent toléré en France). Le numéro 2 du CRIF (William Goldnadel « d’Avocats Sans Frontières ») porte plainte systématiquement contre ceux qui critiquent Israël et considère que toute l’extrême gauche est antisémite. En même temps, il est l’avocat de Patrick Buisson qui a longtemps dirigé le torchon antisémite "Minute". Cherchez l’erreur.

Le gouvernement et les dirigeants israéliens qui multiplient les déclarations et les actes racistes contre les Palestiniens ou les musulmans traitent tous leurs opposants d’antisémites.

Avec la dérive du gouvernement israélien vers l’extrême droite, la même dérive a lieu en France. Tout le monde devient antisémite aux yeux du CRIF, y compris Jean Ferrat (dont le père est mort à Auschwitz), accusé en 2005 dans le journal communautaire "L’Arche" pour sa chanson "Nuits et Brouillard" de nier "l’unicité du génocide juif". Bref, un gouvernement israélien raciste et ses soutiens s’autorisent à traquer l’antisémitisme.

C’est sur ce terrain d’intimidation généralisée qu’a été lancée l’offensive contre le BDS. Cette campagne a été organisée en Israël et des millions de shekels ont été investis pour l’organiser. L’appel palestinien au BDS lancé en 2005 est clairement antiraciste. Il porte sur des principes universels demandant liberté, égalité et justice pour les Palestiniens. Il y a beaucoup de Juifs qui militent pour le BDS, y compris en Israël avec le mouvement « boycott de l’intérieur ». Cela n’empêche pas BHL de déclarer très sérieusement que « le mouvement BDS est organisé par d’anciens Nazis ».

La France et Israël

Il y a des complicités anciennes : souvenons-nous de l’intervention militaire impérialiste conjointe en 1956 de la France, la Grande-Bretagne et Israël ou de la coopération nucléaire qui a permis à Israël d’acquérir la bombe atomique.
Ce n’est pas parce qu’ils sont mal informés que la plupart des dirigeants français, qu’ils soient de droite ou « socialistes » soutiennent inconditionnellement Israël.

C’est parce que ce pays surarmé et aux technologies de pointe, morceau d’Occident installé au Proche-Orient, est celui dont ils ont besoin. Un Israël vivant en paix et dans l’égalité des droits avec les Palestiniens ne les intéresse pas. Pour tenir le Proche-Orient, les pays occidentaux ont besoin d’Israël et des monarchies du Golfe.
Il ne faut pas croire que cette politique pro israélienne soit la conséquence d’un sentiment de culpabilité vis-à-vis des Juifs. En 1945, des centaines de milliers de rescapés du génocide demandaient de pouvoir venir en Occident. Cela leur a été refusé. On leur a dit : « maintenant vous avez un pays, vous partez quand vous voulez ». L’Occident s’est débarrassé de sa responsabilité dans l’antisémitisme et le génocide sur le dos du peuple palestinien.

Israël est devenu un modèle en termes de « sécurité » et « maintien de l’ordre ». Julien Dray expliquait récemment qu’il n’y avait pas besoin d’état d’urgence, il suffisait d’imiter Israël qui depuis 50 ans « lutte efficacement contre le terrorisme », c’est-à-dire écrase impunément toute tentative de révolte palestinienne. La France envisage d’acheter à la compagnie israélienne Elbit les drones utilisés contre les Palestiniens pour les utiliser dans nos quartiers.

La France s’est ralliée à une politique atlantiste qui suppose un soutien à Israël. C’est ce qu’a compris Manuel Valls. Pro palestinien au début de sa carrière politique, il explique aujourd’hui que, sa femme étant juive, il est indissolublement lié à la sécurité d’Israël.

La politique de la France vis-à-vis du BDS a un côté ahurissant. D’un côté on affirme que les territoires occupés ne font pas partie d’Israël et que l’occupation est illégale. De l’autre, avec la circulaire Alliot-Marie ou le jugement de la Cour de cassation de Colmar, on veut interdire tout boycott, y compris celui de produits illégaux. Carrefour a le droit de dire qu’il est moins cher que Leclerc (et réciproquement) mais on n’a pas le droit de dire que les dattes sur le marché viennent des colonies israéliennes de la Vallée du Jourdain, terres volées à des Palestiniens dont les villages sont détruits.
Cela rappelle la guerre d’Algérie quand il était interdit de dire ce qui était à l’œuvre : massacres, tortures et que la presse qui transgressait la vérité officielle était systématiquement censurée.

Ne pas se laisser intimider

Beaucoup de Palestiniens rencontrés nous répètent à l’envi : « cette guerre est née de l’extérieur (avec le vote par l’ONU de la partition de la Palestine en 1947). Elle trouvera sa solution avec la conjonction de la résistance/résilience du peuple palestinien et de la solidarité internationale ». Comme il n’y a pas grand-chose à attendre (de leur plein gré) des gouvernements occidentaux, nous avons, nous, sociétés civiles du monde entier, un rôle capital à jouer : obliger nos gouvernements à sanctionner l’occupant.

Sans sanctions, il ne se passera rien de bon. Le rouleau compresseur colonial continuera impunément à détruire la Palestine.

Nous devons inlassablement aller en Palestine, témoigner, casser le silence des médias et la désinformation.

- Nous devons refuser le chantage à l’antisémitisme. Bien sûr quelques antisémites, souvent venus de l’extrême droite, ont tenté de s’infiltrer dans le mouvement de solidarité. Mais ils ont été démasqués et isolés.

- Nous devons lutter contre le racisme sous toutes ses formes : contre les Arabes, les Noirs, les Rroms, les musulmans, les juifs … Nous ne pouvons que conseiller à tout le monde la lecture et la diffusion du livre de l’UJFP « Une parole juive contre le racisme ».

- Et nous devons rappeler que toutes les tentatives visant à bâillonner la critique d’Israël ne sont pas seulement une forme de complicité avec l’extrême droite au pouvoir là-bas. Elles mettent en danger les Juifs en les sommant d’être traîtres ou complices. À l’UJFP, nous ne sommes ni l’un ni l’autre.


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