RSS artikels
Français  |  Nederlands

Le féminisme en entreprise ? Une arme qui favorise "l’indifférence des privilégiées"

Les femmes dirigeantes ou cadres supérieures ne se soucient guère des salariées les plus modestes. Un féminisme pour les riches ?

Par Anne Crignon

Publié le 13 juillet 2018 à 10h20

Au travail, parler d’égalité hommes-femmes ne veut pas dire grand-chose. De quelle égalité parle-t-on? Et surtout de quelles femmes? Décrire la réalité derrière le flou sémantique est l’une des missions du Mage (Marché du travail et Genre), réseau international de chercheurs fondé en 1995. Tous analysent les inégalités qui frappent les femmes au travail, à la lumière du genre bien sûr, mais pas seulement. Ils tiennent comptent de la classe sociale et de l’origine ethnique – on appelle ça «l’intersectionnalité».

La trentaine de conférences rassemblées dans «Je travaille, donc je suis», sont là pour rappeler que si les femmes ont conquis, depuis l’après-guerre, l’accès au travail rémunéré, seules les bien-diplômées, les bien-nées souvent, les bien-placées dans l’organigramme d’une entreprise, cheminent vers l’égalité hommes-femmes.

Pour les autres, femmes de ménage, nounous et aides à la personne, petites mains à tout faire dans les maisons de retraite ou les hôpitaux, ce progrès n’a pas eu lieu, et d’autant moins que celles-ci sont recrutées dans les milieux sociaux les plus modestes et/ou parmi les migrantes. Ces travailleuses sont à des années-lumière de ce que Sophie Pochic, l’une des sociologues invitées dans cet ouvrage passionnant identifie comme le «féminisme de marché».

Depuis les années 1990 en effet, la féminisation des postes de direction a été utilisée par les grandes entreprises à des fins de marketing. On les met en vitrine au rayon «bonnes pratiques», au même titre que la «responsabilité sociale et environnementale» – les chercheurs anglo-saxons parlent de «managerial feminism».

Féminisme bourgeois, ajoutera-t-on, qui se bat pour l’écriture inclusive et contre le harcèlement de rue mais trouve normal de payer si peu cher l’heure de ménage et le travail de la Sénégalaise qui va chercher les enfants à l’école. Féminisme de classe, sans conscience de tout ce que les cadres supérieures et les intellectuelles (14,7% des femmes «actives») doivent aux travailleuses domestiques, ces invisibles sans lesquelles la possibilité même de carrière s’effondre.

Ceci porte un nom en sociologie: «l’indifférence des privilégiées».

Anne Crignon

https://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20180706.OBS9303/le-feminisme-en-entreprise-une-arme-qui-favorise-l-indifference-des-privilegiees.html


gepost op Waarschuw het moderatiecollectief over de publicatie van dit artikel. Artikel afdrukken

Commentaren

Les commentaires de la rubrique ont été suspendus.