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Les sans-papiers en Belgique. Un état de la question

gepost op 03/06/16 door Jean-Marie Faux Trefwoorden  luttes sociales  réflexion / analyse  sans-papiers 

Cette analyse fait un point critique de la question des sans-papiers. L’auteur rappelle d’abord ses antécédents, décrit ensuite ce qu’on peut appeler le « Mouvement des sans-papiers » et analyse la politique de notre pays en la matière. Enfin une dernière partie tente de situer le problème dans le contexte européen et mondial.

Introduction

Depuis quelques années, la question des sans-papiers – et le terme lui-même – apparaissent de façon récurrente à l’ordre du jour des media. Dans l’interminable saga des négociations pour la formation du gouvernement depuis les élections de juin 2007, puis à l’arrière-plan de la tourmente provoquée par la crise financière, comme une voix en sourdine mais lancinante, on n’a jamais cessé d’entendre la plainte des sans-papiers. Il a fallu attendre la mi-juillet 2009 pour qu’à la faveur, ou au prix, d’un remaniement du gouvernement, une solution soit enfin esquissée. Le 15 septembre commence une nouvelle opération de régularisation, réponse à l’urgence et solution au moins temporaire au problème.

Cette analyse voudrait faire un point critique de la question. On rappellera d’abord ses antécédents, depuis la reprise des migrations et la création du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (1987) jusqu’à l’opération de régularisation de 2000 et à la création du Forum Asile Migrations, fin 2002. On décrira ensuite ce qu’on peut appeler le « Mouvement des sans-papiers », l’ensemble des campagnes menées par les sans-papiers eux-mêmes et leurs alliés depuis le début de ce siècle. On analysera la politique de notre pays en la matière, les positions des différents partis, les nœuds qui ont longtemps empêché de trouver une solution, les espoirs aujourd’hui ouverts et les questions qui restent… Enfin une dernière partie, prenant un peu de hauteur, tentera de situer le problème dans le contexte européen et mondial.

Avant d’entamer ce parcours, il faut dire un mot de la terminologie. L’expression « sans- papiers », qui s’est aujourd’hui imposée, est entrée assez récemment en usage. Le Deuxième Rapport du Commissariat Royal à la Politique des Immigrés, Pour une cohabitation harmonieuse, dans son 3e volume, publié en 1990, consacre un chapitre aux « Immigrés clandestins »[1]. La notion est soigneusement définie et rapprochée de notions équivalentes ou voisines : séjour irrégulier, illégal, illégitime… Nulle part n’apparaît l’expression « sans-papiers ». Huit ans plus tard se met en place le Mouvement National pour la Régularisation des Sans-Papiers et des Réfugiés (MNRSPR) qui lui donne définitivement notoriété. Elle semble s’être peu à peu imposée vers le milieu des années 90, peut-être sous l’influence d’un événement qui eut un grand retentissement médiatique, l’occupation de l’église St Bernard à Paris en 1996 par ceux qui s’appelaient eux-mêmes et que la presse a appelés alors les sans-papiers[2]. Le glissement sémantique est significatif : il décharge les personnes ainsi désignées du poids de réprobation et de suspicion que les vocables illégaux et clandestins comportent et met l’accent sur leur exclusion, les rapprochant d’autres exclus (sans emploi, sans domicile fixe…).

Antécédents (1985-2005)

Revenons au rapport du Commissariat Royal. Il constate le fait qu’il y a des immigrés clandestins, définis de la façon suivante : des étrangers qui séjournent sur le territoire belge sans en avoir reçu le droit ou l’autorisation. En l’absence, par définition, de chiffre précis, il en estime le nombre (en 1990) à environ 10 % du nombre des étrangers en séjour légal, soit entre 70.000 et 90.000. Ce pourcentage de 10 % est généralement admis en ce qui concerne les pays d’ancienne immigration de l’Europe Occidentale[3]. Le rapport avance ensuite une typologie des raisons de la présence clandestine d’étrangers : il distingue les motifs criminels, les motifs économiques, de loin les plus importants, et les motifs humanitaires. Parmi ces derniers, après un certain nombre de situations qui concernent les familles[4], on trouve « les candidats réfugiés dont la demande après plusieurs années… a été refusée… mais qui ne donnent pas suite à l’ordre de quitter le territoire ». Très significativement, la phrase que nous venons de citer comporte une incise : « 5 à 7 ans n’est pas exceptionnel pour ceux dont la demande est encore traitée selon l’ancienne procédure ». Sous-entendu sans doute : avec la nouvelle procédure, cela ne devrait plus arriver. C’est pourtant à partir de là que le problème va prendre les proportions qu’il atteint aujourd’hui.

La nouvelle procédure est entrée en vigueur le 1er février 1988, date de l’inauguration du Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides (C.G.R.A.). Pour situer l’événement, il convient de revenir quelque peu en arrière[5]. La Belgique a ratifié la Convention de Genève de 1951 par une loi en date du 26 juin 1953. Elle avait confié la compétence de reconnaître la qualité de réfugié à « l’autorité internationale investie par les Nations Unies de la mission de protéger les réfugiés », c’est-à-dire au délégué à Bruxelles du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR). Ce système devait fonctionner sans problème jusqu’au milieu des années 80. Les demandes d’asile concernaient, soit des personnes isolées qui réussissaient à passer le « rideau de fer » et étaient en général accueillies à bras ouverts, soit les victimes de crises violentes et ponctuelles bien identifiées, dans des pays communistes (Hongrie, Vietnam…) ou dans des dictatures (Grèce, Chili…) qui suscitaient la solidarité internationale.

Cette arrivée de demandeurs d’asile ne constituait qu’une part infime du flux d’immigrés. Après la seconde guerre mondiale, on le sait, notre pays a connu une forte immigration de main-d’œuvre, en provenance d’abord d’Italie, puis d’Espagne et de Grèce, enfin de Turquie et du Maroc. Une politique relativement favorable aux familles a encouragé l’implantation stable d’une nombreuse population d’origine étrangère. En 1974, en raison de la récession économique, l’immigration de main-d’œuvre a été arrêtée et cette décision, bien qu’elle n’ait pas fait l’objet d’une loi ni même d’un arrêté royal, est encore théoriquement en vigueur. On peut dire pourtant que cet arrêt de l’immigration a été effectif pendant une dizaine d’années[6]. La gestion de l’asile continuait sans problème.

La situation a commencé à changer au milieu des années 80. En 1981, notre pays avait enregistré 2.400 demandes d’asile dont 81,5 % furent reconnues ; en 1985, les demandes s’élèvent à 5.300 et le taux de reconnaissance est tombé à 38 %. Cet accroissement du nombre des demandes s’accompagnait d’une diversification des pays d’origine et d’une moindre évidence des causes d’exil. On peut dire que chaque crise dans le Tiers Monde envoyait vers l’Europe son contingent de candidats réfugiés. L’État dut faire face à cette situation par des mesures d’urgence : le système d’accueil en usage jusqu’alors, principalement par le canal des C.P.A.S. fut débordé, en particulier dans la région bruxelloise. Le 13 novembre 1986 fut inauguré à Bruxelles le Centre d’hébergement du Petit Château qui sera vite surpeuplé. C’est dans ce contexte que l’ancien système qui déléguait au représentant du HCR à Bruxelles la compétence de reconnaître la qualité de réfugié fut abandonné[7] et que furent créées les instances nationales appropriées, à savoir le Commissariat général aux Réfugiés et aux Apatrides (C.G.R.A) et la Commission permanente de Recours des Réfugiés. La loi du 14 juillet 1987 qui créait ces institutions, mettait en place une procédure longue et compliquée. Elle prévoyait notamment un premier examen de la demande par l’Office des Étrangers, censé en établir la recevabilité mais qui pouvait déjà l’écarter comme « manifestement non fondée » et portait donc en fait sur le fond de la question. Le C.G.R.A. entre en fonction en février 1988, la Commission de Recours ne fut mise en place que plusieurs mois plus tard. Comme en outre le gouvernement avait grossièrement sous-estimé les moyens nécessaires à cette nouvelle administration, en moins d’un an, les arriérés furent considérables. L’administration et les gouvernements n’ont pas cessé d’essayer d’améliorer la situation : pas moins de trois lois nouvelles ont vu le jour en moins de dix ans[8]. Chaque modification prétend simplifier et accélérer la procédure mais vise aussi à la rendre plus stricte. Les lenteurs de procédure et le climat de méfiance qui y règne trop souvent ont créé, non certes le plus grand nombre des illégaux mais leur noyau le plus visible et le moins acceptable, le contingent des demandeurs d’asile déboutés après une longue procédure, alors qu’ils ont noué dans notre pays des attaches durables. Ce qui, selon l’appréciation confiante du Commissariat Royal (en 1990), n’aurait plus dû se passer avec la nouvelle procédure, s’est malheureusement produit sur une grande échelle.

Depuis l’automne 1986 où se produisit le premier flux sensible de demandeurs d’asile, les organismes spécialisés dans l’accueil, les services sociaux, les associations n’ont cessé de se mobiliser pour réclamer une politique juste et humaine[9]. L’accent de cette mobilisation s’est peu à peu déplacé de l’accueil des demandeurs d’asile vers la protection des déboutés et la résistance aux centres fermés[10] et aux expulsions. En juin 1998 se constitue le Mouvement national pour la Régularisation des Sans- papiers et des Réfugiés (MNRSPR) dont l’intitulé même dit l’élargissement de la perspective. Il rassemble 32 associations, flamandes et francophones, parmi lesquelles l’OCIV et le CIRE[11]. Il propose une mesure ponctuelle de régularisation pour tout étranger qui peut attester d’un séjour de cinq ans en Belgique. La campagne du MNRSPR va se développer à partir d’octobre, avec plusieurs occupations d’églises, notamment à Bruxelles (Béguinage) ; certains entreprennent des grèves de la faim. Entretemps, la mort de Semira Adamu, jeune femme guinéenne décédée le soir du 22 septembre 1998, à la suite de l’étouffement (technique du coussin) par lequel des gendarmes ont essayé de réduire sa résistance à son rapatriement forcé, a dramatisé la situation. C’est une période de forte mobilisation où le mouvement de résistance est traversé par une tension entre des associations et groupes radicaux qui revendiquent des papiers pour tous, la suppression des centres fermés, la fin des expulsions (c’est le slogan « Frontières ouvertes ») et d’autres plus modérés qui essaient de négocier des solutions dans le cadre légal.

Les élections du 13 juin 1999 donnent naissance à un gouvernement de composition inédite, « l’arc-en-ciel ». Au sein de celui-ci, les écologistes qui s’étaient fort engagés notamment contre les centres fermés, soutenus par les socialistes, vont faire accepter ce qui jusqu’alors avait été rejeté systématiquement, le principe d’une opération de régularisation. Selon la loi votée le 22 décembre 1999, quatre catégories de personnes pouvaient bénéficier de la régularisation : les demandeurs d’asile qui n’avaient pas reçu de décision exécutoire dans un délai de quatre ans (trois s’ils avaient des enfants en âge scolaire), les personnes qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, ne pouvaient retourner dans leur pays, celles qui étaient gravement malades, enfin celles qui pouvaient faire valoir des circonstances humanitaires et avaient développé des attaches sociales dans le pays. L’opération démarre le 10 janvier 2000 ; entre cette date et le début février, quelque 32.000 dossiers seront déposés, concernant plus de 50.000 personnes. Au terme de la procédure qui va durer plus d’un an, 80 % d’entre elles se trouveront régularisées.

Cette opération était censée une bonne fois assainir la situation. Dans l’intention du ministre Antoine Duquenne, elle aurait dû être accompagnée d’une réforme de la procédure d’asile, qui aurait notamment rendu impossibles les retards si dommageables. Cédant à diverses oppositions et influencé par une diminution notable des demandes d’asile à partir de 2001[12], le ministre renonce à son projet. Dans le but de créer un effet de dissuasion qui accentue cette baisse des demandes, le Commissaire Général de l’époque, M. Pascal Smets applique le principe « Last In First Out » et traite en priorité les demandes introduites après le 1er janvier 2001. Mais il laisse pendants les dossiers introduits avant cette date, au nombre de 47.500 de son propre aveu[13].

C’est devant cette situation de blocage que plusieurs des anciens protagonistes du MNRSPR vont prendre l’initiative de susciter une nouvelle concertation pour réclamer une politique de l’asile plus efficiente, plus juste et plus humaine. Le Forum Asile Migrations (FAM) se constitue à l’automne 2002. Il rassemble quelque 120 associations, grandes et petites, des deux communautés linguistiques, autour du Vluchtelingenwerk Vlaanderen et du CIRE. Il élabore un ensemble de propositions qui touchent à tous les aspects de l’asile et de l’immigration, « véritable alternative à la politique du gouvernement »[14]. Mais son action va se polariser très vite sur la régularisation des sans papiers. Il met au point une revendication précise sur laquelle il se tiendra dans les années à venir : inscription dans la loi de critères clairs de régularisation et institution d’une commission permanente. De 2004 à 2006, diverses actions seront menées, avec de « petits résultats », comme l’engagement pris par le ministre de l’Intérieur de régulariser discrètement les personnes en longue procédure, mais sans infléchissement significatif de la politique. Mais c’est dans ces années-là que s’organise et se développe au grand jour ce que nous pouvons appeler « le mouvement des sans-papiers ».

Le mouvement des sans-papiers (2006-…)

La mobilisation des sans-papiers n’est pas chose nouvelle. Sans remonter plus haut, nous avons évoqué leur part dans les actions du MNRSPR. Après 2000, plusieurs occupations d’églises par des groupes déterminés de demandeurs d’asile déboutés ont alerté l’opinion et surtout obtenu un certain résultat. Citons d’abord l’occupation de l’église Sainte Croix à Ixelles par 300 Afghans en juillet et août 2003 ; au terme de plusieurs médiations, le tout nouveau ministre de l’Intérieur, M. Patrick Dewael, accepte de régulariser ceux qui avaient été plus de quatre ans (trois s’ils ont des enfants en âge d’école) en procédure. La longue occupation de l’église St Boniface à Ixelles, d’octobre 2005 à mars 2006, par des sans-papiers de toutes origines, débouche aussi sur des promesses. Si aléatoires qu’ils soient, ces résultats encouragent les actions spectaculaires. Ils ne sont pas pour rien dans le mouvement qui va se développer dans les mois qui suivent.

Celui-ci se déclenche peu avant Pâques 2006 : en quelques semaines, une trentaine d’églises dans tout le pays, ainsi que d’autres locaux publics, vont être occupés par des sans-papiers. Un rôle déterminant est joué par l’UDEP, l’Union de Défense des Sans-Papiers. Cette structure d’organisation des sans-papiers eux-mêmes est née en 2004, à la suite d’une marche européenne qui convergeait sur Bruxelles. Des UDEP se sont organisées dans plusieurs villes, ont noué entre elles un réseau. L’existence de l’UDEP a rendu possible l’organisation d’une action concertée qui trouvait un terrain favorable dans le grand nombre de personnes en situation irrégulière, ardemment désireuses de sortir de l’ombre et enfin autorisées à nourrir un espoir.

Le mouvement se développe pendant trois mois. L’accueil dans les églises[15] donne une notoriété à la revendication des sans-papiers. Même si cet accueil a parfois été difficile, s’il a soulevé des résistances, il a dans l’ensemble été vécu positivement, il a rassemblé autour des occupants un cercle de sympathisants, des « assemblées de voisins » (cercle qui débordait d’ailleurs largement celui des paroissiens). En termes mesurés mais de façon pourtant non équivoque, plusieurs évêques ont pris position en faveur d’un règlement juste et humain de la question des sans-papiers[16]. Le plus important sans doute et qui autorise à parler de « mouvement des sans-papiers », c’est que cet ensemble d’actions les a fait sortir de l’ombre. Littéralement dans un certain nombre de cas. À la demande de l’UDEP, des listes d’inscription des sans-papiers ont été ouvertes. La rumeur se répandit que, par cette inscription, on obtiendrait des papiers… À Forest qui accueillait une trentaine de personnes, plus de 10.800 sans-papiers se sont fait inscrire en quelques jours. Ailleurs ce fut à l’avenant. Le « noyau dur » des sans-papiers, si l’on peut dire, était constitué des déboutés du droit d’asile. Beaucoup d’autres personnes qui n’avaient peut-être jamais demandé de papiers et subsistaient tant bien que mal dans l’insécurité juridique, entrevoient la possibilité d’une solution et entrent dans le mouvement. L’ampleur et l’importance du problème apparaît : il ne s’agit plus seulement des hésitations et des retards d’une politique de l’asile méfiante et tatillonne. Il s’agit bel et bien d’une nouvelle migration dérégulée et irrésistible, d’un phénomène de société aux dimensions internationales qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, regarder en face. Dès ce moment, on avance communément le chiffre de 100.000 sans-papiers en Belgique mais il est sans doute encore bien inférieur à la réalité.

En ce printemps 2006, l’espoir est à la mesure de la mobilisation. Autour des sans-papiers, les associations regroupées dans le FAM, les syndicats, certains partis multiplient les démarches. L’occasion paraît favorable : la révision, longtemps reportée de la loi sur l’asile, est en discussion à la Chambre. Pourquoi n’en profiterait-on pas pour introduire dans la loi des critères clairs de régularisation, une nouvelle commission ad hoc (sur le modèle de celle qui avait réalisé la régularisation de 2000), voire pour lancer une nouvelle opération « one shot » ? Plusieurs propositions de loi alternatives voient le jour. Hélas, on ne saisira pas l’occasion. Le ministre de l’Intérieur, M. Dewael, ne cède pas sur les latitudes que la loi lui reconnaît. Le Parti Socialiste (PS) qui était dans la coalition au pouvoir le principal soutien des revendications des sans-papiers ne veut pas faire tomber le gouvernement sur cette question mais s’engage à mettre le point à l’ordre du jour du nouveau gouvernement, celui qui sortira des élections de juin 2007, s’il est appelé à en faire partie.

Le mouvement connaît alors une phase de retrait, essoufflement ou trêve, ou les deux à la fois. Certaines occupations toutefois continuent, des actions sporadiques ne permettent pas d’oublier le problème. La nouvelle échéance vers laquelle les espoirs se tournent, ce sont les élections fédérales du 10 juin 2007. Dès le 17 juin, une manifestation nationale entend rappeler la cause des sans-papiers à l’attention du monde politique. Dès ce moment, les actions vont se multiplier, s’exacerber, pendant que s’étire l’interminable crise gouvernementale, suivie, après Pâques 2008, par les atermoiements de la ministre Madame Turtelboom. Nous reprendrons dans la troisième partie de cet article l’évolution de la question au niveau de la décision politique. Une histoire détaillée de toutes les actions qui ponctuent ces 15 mois nous entraînerait trop loin. On aimerait seulement mettre en relief quatre caractéristiques du mouvement.

Ce qui apparaît tout d’abord, c’est son extrême diversification, voire son émiettement. L’UDEP continue mais il y a plusieurs UDEP, suivant les régions et elles n’ont pas toujours les mêmes positions. Dès 2004 est apparu le CRER (Collectif contre les Rafles, les expulsions et pour la régularisation)[17]. D’autres regroupements apparaissent, plus ou moins durables. Ils ont leurs soutiens et leurs répondants dans divers courants de la société civile et du monde politique. On trouve toujours le clivage, déjà signalé plus haut, entre les radicaux qui réclament une régularisation massive et l’ouverture des frontières et les réalistes qui cherchent une solution négociable dans l’État de droit (même s’il faut bien reconnaître que les sans-papiers eux-mêmes se rangent plutôt dans le premier camp). Tandis que les associations de soutien et le FAM qui les coordonne essaient de concentrer les forces sur de grandes actions significatives, les groupes de sans-papiers ont tendance à multiplier les événements, dans une stratégie d’interpellation permanente de l’opinion publique.

Une autre tendance du mouvement est sa radicalisation : pendant l’été 2007, puis à partir de Pâques 2008 surtout, se multiplient les actions extrêmes. Les occupations s’accompagnent presque toujours de grèves de la faim. Certains annoncent la grève de la soif. Des sans-papiers grimpent sur des grues. À plusieurs reprises on a pu craindre des issues fatales.

Interpellés par ces situations limites, pas mal de responsables politiques, à divers niveaux, se sont employés à trouver des solutions. Comme cela avait été le cas à Saint Boniface en 2006, les grévistes de la faim en plusieurs endroits (rue Royale, église du Béguinage, etc.) obtiennent des permis de séjour provisoires, assortis de promesses à plus long terme[18]. L’effet pervers de ces compromis humanitaires est d’encourager les sans-papiers à entreprendre ce genre d’action, laissant croire, comme on a pu le dire, que la grève de la faim était le plus sûr critère de régularisation.

Enfin l’aspect humain du problème et, en particulier, la situation de longue incertitude créée par les atermoiements du pouvoir politique ont valu au mouvement le soutien de nombreuses autorités morales, académiques, sociales et religieuses. Pour nous en ternir aux interventions les plus récentes, lors des actions du 18 mars et encore du 12 juin 2009, des professeurs d’université, des médecins, des avocats ont exprimé leur indignation et leur inquiétude. Et les responsables des cultes et communautés philosophiques officiellement reconnus en Belgique assuraient dans une déclaration commune : « Vu l’urgence humanitaire de la situation, tout atermoiement à solutionner cette question serait moralement irresponsable »[19].

Politique (2007-…)

Comme nous l’avons vu, la révision de la législation sur l’asile en juin 2006 n’a pas apporté de réponse à la question des sans papiers. Celle-ci va s’imposer à l’ordre du jour des négociations en vue de la formation d’un gouvernement après les élections du 10 juin 2007. Mais elle va forcément s’enliser dans les vicissitudes de la plus longue crise gouvernementale jamais arrivée dans notre pays. Pourtant elle est déjà présente, à l’initiative du CDH, dans la première phase de celle-ci, l’essai d’un gouvernement dit de « l’Orange bleue ». Mais celui-ci n’aboutit pas. Le gouvernement de transition formé par Guy Verhofstadt après la seconde démission d’Yves Leterme (1er décembre 2007) ne prendra pas d’initiative en la matière malgré la présence du PS favorable à la recherche d’une solution. En mars 2008, Yves Leterme reprend la main avec les mêmes partis. L’accord de gouvernement daté du 18 mars 2008, comme il fallait s’y attendre, écarte l’idée d’une régularisation collective mais ouvre quelques pistes prometteuses : il élargit le champ d’application du critère de longue procédure, il précise le motif humanitaire en introduisant la notion « ancrage local durable » et il envisage la possibilité pour les personnes qui séjournent dans le pays depuis le 31 mars 2007 d’acquérir le titre de séjour par le biais du travail. En outre, pour la première fois en Belgique, est créé un ministère de l’immigration et de l’asile qui reprend les compétences qui incombaient jusque là au ministère de l’Intérieur. La titulaire de ce nouveau ministère, Madame Turtelboom (VLD), mentionne ces ouvertures dans sa déclaration à la Chambre[20] dans une longue communication qui toutefois s’étend beaucoup plus sur d’autres points comme le durcissement du regroupement familial et les mesures d’éloignement ; elle promet une circulaire « qui clarifiera les circonstances qui peuvent donner lieu à l’octroi d’une autorisation de séjour ».

Cette circulaire, quinze mois plus tard, on l’attendait encore ! Elle fut d’abord promise pour le mois de mai, puis pour la fin juin, suscitant, nous l’avons vu, espoirs et manifestations multiples. Renvoyée à la rentrée après les mois creux de l’été, elle a été en quelque sorte rejetée à l’arrière-plan des préoccupations dans le tourbillon de la crise financière à l’automne, puis de la crise institutionnelle qui a entraîné la démission du premier ministre Leterme et l’arrivée d’Herman Van Rompuy. Toutes ces péripéties n’arrangeaient pas les choses mais, le fond de la difficulté, c’étaient les profondes divergences de vue sur la question entre les composantes de cette majorité disparate. Le PS et le CDH poussaient à la réalisation des promesses. Le MR et surtout le VLD (parti auquel appartient la ministre) freinaient de toutes leurs forces. Le CD&V qui aurait pu faire le poids semblait hésitant. Les libéraux ne voulaient reconnaître l’ancrage durable que si les personnes intéressées avaient été, pendant un temps au moins, en séjour légal et sur ce point ils étaient intransigeants. En outre la ministre voulait une négociation globale sur l’ensemble de la politique de l’asile et de l’immigration : regroupement familial, mariages blancs, migration de travail, etc. Intervenaient alors d’autres divergences, d’autres avis dont il fallait tenir compte comme celui des partenaires sociaux en ce qui pouvait concerner une nouvelle immigration à l’emploi. Dès le mois de mars pourtant, le premier ministre Herman Van Rompuy avait promis de prendre les choses en mains. Il allait passer à l’acte au lendemain des élections régionales, moyennant rien de moins qu’un remaniement de son gouvernement.

Profitant en effet de ce remaniement, conclu et annoncé à l’aube du 17 juillet 2009 après d’âpres négociations, le premier ministre enlève la compétence de l’asile et de l’immigration à Madame Turtelboom, nommée ministre de l’Intérieur, et la confie au CDH : la vice-première ministre et ministre de l’Emploi et de l’Égalité des Chances, Joëlle Milquet est en outre « chargée de la Politique de migration et d’asile » et Melchior Wathelet lui est adjoint comme secrétaire d’État à la politique de migration et d’asile[21]. Dès le dimanche 19 juillet, le gouvernement communique, non pas la circulaire tant attendue mais une « instruction » contenant des critères précis qui justifient l’octroi d’une autorisation de séjour. Et il fixe aux trois mois qui vont du 15 septembre au 15 décembre 2009 la période où les dossiers devront être rentrés et seront examinés. Les critères retenus sont ceux qu’avait déjà établis l’accord de gouvernement de mars 2008 : la longue procédure, l’ancrage durable et l’offre de travail ferme. L’instruction énumère en outre toute une série de « situations humanitaires urgentes » qui renvoient à la Déclaration Européenne des Droits de l’Homme et à la Convention des Nations Unies sur les Droits des Enfants et concernent surtout le souci de ne pas séparer des familles.

Le gouvernement répond ainsi à la demande qui lui était faite depuis longtemps par les associations : celle de préciser les critères en vertu desquels le « ministre ou son délégué », c’est-à-dire l’administration applique l’article 9 bis de la loi[22]. L’instruction précise toutefois que « l’existence d’un ancrage durable est une question factuelle qui fait l’objet d’un examen soumis à l’appréciation souveraine du ministre ou de son délégué ». Mais dans les cas douteux, « le ministre soumet le dossier à la Commission consultative pour un avis non contraignant ».

L’opération qui démarre n’a pas de statut juridique spécial ; à l’inverse de la régularisation de 2000, confiée à une Commission créée pour la circonstance, elle n’a pas dû faire l’objet d’une loi. C’est seulement, si l’on veut, un temps fort du fonctionnement des structures ordinaires, une opération que « le ministre » (l’administration) organise pour résorber un énorme arriéré. Pourtant, sans le nom, c’est bien d’une régularisation ponctuelle qu’il s’agit car il est bien spécifié que les dossiers doivent être déposés entre le 15 septembre et le 15 décembre et il n’y a pas d’engagement pour la suite. Ce que les gouvernements avaient dit qu’ils ne feraient plus, ce que la plupart des associations ne pensaient pas expédient, c’est cela qui va être fait.

Au moment où ces lignes sont écrites, l’opération vient de commencer. Tous les services sociaux, les services juridiques, les associations, les syndicats, les organisations de sans-papiers se mobilisent pour informer les intéressés, constituer les dossiers, les introduire. Ce qui engendre une certaine confiance, outre le soulagement après une si longue attente, c’est la volonté politique positive dont semblent témoigner le secrétaire d’État et son cabinet.

Eléments de réflexion

Et demain…

On peut se réjouir sans réserve de la décision du gouvernement qui a mis fin à l’intolérable incertitude dans laquelle les sans-papiers étaient maintenus depuis un an et demi. On peut nourrir l’espérance raisonnable qu’un très grand nombre d’entre eux pourront accéder à un statut légal. Mais il y aura nécessairement des déçus. Le retard de la décision a nourri et entretenu les espoirs fallacieux de beaucoup. Et surtout la détermination d’une période précise et limitée pour le dépôt des dossiers fait poser deux questions. Tout d’abord, si le dépôt des dossiers doit être terminé pour le 15 décembre, dans quel délai seront-ils traités et aboutiront-ils à une conclusion ? Ensuite et surtout, qu’adviendra-t-il après ? Car il est illusoire de penser que les mêmes problèmes ne se poseront plus à l’avenir, qu’il s’agisse des retards de procédure ou de situations humanitaires diverses. L’instruction issue de l’accord gouvernemental est en fait un document interne sans autorité juridique. On peut espérer qu’elle continuera à inspirer dans la suite « le ministre » (comme disent les textes de loi) mais son application reste à la discrétion de celui-ci. L’attribution de la compétence de l’asile à un parti plus favorable est sans doute un gage mais l’incertitude juridique subsiste.

Une politique d’immigration ?

Le long enlisement de la situation et la peine qu’on a eue à en sortir montrent bien la difficulté de notre pays à définir et à mener une politique d’immigration conséquente. Contrairement à la thèse radicale des « frontières ouvertes », nous pensons que l’État a le droit de contrôler l’accès à son territoire – même s’il est vrai que, dans notre monde globalisé, ce contrôle devient de plus en plus difficile, voire illusoire. Mais ce qui se passe actuellement a au moins l’avantage de faire abandonner l’affirmation, encore répétée il y a peu comme un dogme, de l’arrêt de l’immigration. Nul ne pourrait plus nier maintenant que, sous le couvert de la demande d’asile et par mille autres voies, celle-ci a repris. Dans sa déclaration du 25 avril 2008, Madame Turtelboom faisait état de « l’engagement du gouvernement qui souhaite introduire à court terme et en concertation avec les Régions et les partenaires sociaux une possibilité de migration économique ». « Ce dossier, ajoutait-elle, recevra une attention particulière au niveau européen et ce, dans le cadre de la directive européenne visant à l’instauration d’une ‘ blue card’ européenne ».

Cette allusion à la « blue card » européenne n’est pas sans inquiéter. Car il s’agit là d’une initiative visant à faciliter l’embauche de travailleurs hautement qualifiés. Nous sommes dans la problématique, chère au courant libéral, de l’immigration « choisie ». On comprend la réticence des syndicats et des partis plus sociaux. La coordination européenne telle que l’esquisse le pacte européen proposé par la présidence française, même si elle prétend tenir le juste milieu entre « l’Europe passoire » et « l’Europe forteresse », risque fort d’instaurer surtout une Europe sélective et profiteuse[23].

Un problème mondial

Cette politique restrictive ne fera que perpétuer et aggraver le problème. Car la migration irrégulière est aujourd’hui une réalité mondiale, un des effets de la mondialisation dérégulée. Une réalité mondiale tout d’abord en ce sens que, dans un monde où tout – l’information, les capitaux, les marchandises – circule sans limites, les entraves à la circulation des personnes sont de plus en plus difficiles à réaliser effectivement. Les portes sont fermées mais on trouve toujours des issues, au prix de tous les périls (Yaguine et Fodé retrouvés morts dans le train d’atterrissage d’un avion, les noyés de la Méditerranée et des Canaries, etc.,). Une réalité mondiale surtout, parce que, dans un monde à la fois unifié et inégal, les pays relativement plus prospères exercent et exerceront toujours une attirance sur les déshérités en quête d’une vie meilleure. C’est une manière très simplifiée d’énoncer le problème, car les situations, de départ et d’arrivée, sont infiniment plus complexes. Mais le fait global est là.

Il ne faut pas pour autant tomber dans le raisonnement simpliste qui permet à certains d’écarter le problème en disant : favorisons l’aide au développement et les gens n’auront plus envie d’émigrer. Certes dans un monde idéalement juste, les causes qui poussent à l’exil disparaîtraient, mais, outre que c’est bien ce qu’on peut appeler un objectif à long terme, toutes les observations montrent qu’une amélioration des conditions de vie d’un pays moins développé a plutôt, dans un premier temps, l’effet de favoriser l’émigration. Car ce ne sont pas les plus écrasés qui partent ; il faut, pour concevoir un projet migratoire, une certaine prise de conscience des possibilités offertes et, à ce stade, l’appel d’un étranger plus prometteur fait tout son effet.

Les migrations sont un signe du désordre économique mondial, un élément du problème. Elles peuvent être aussi une partie de la solution. À l’heure actuelle, les transferts de fonds des immigrés de pays développés vers le Tiers Monde sont évalués à quelque 250 milliards de dollars par an, alors que l’aide officielle au développement ne dépasse pas 80 milliards[24]. Au lieu de vouloir à tout prix limiter les migrations en jetant les personnes dans la clandestinité, en les exposant à toutes les exploitations, la communauté internationale ne pourrait-elle tenter de mettre en œuvre une politique mondiale des migrations, en considérant les migrants comme une ressource et non comme un danger ?

Un combat permanent

Nous avons déployé les dimensions du problème. On voit bien que c’est une question de société fondamentale, qui concerne tous les niveaux, du plus local au plus global. Les sans-papiers sont au cœur de nos villes et de nos villages les signes de beaucoup de choses qui ne marchent pas : la procédure d’asile, le contrôle des frontières, le marché du travail, la coopération européenne et surtout l’économie mondiale. Mais ils sont aussi et avant tout des personnes humaines, avec leurs qualités et leurs défauts, leurs souffrances et leurs espoirs, leur dignité surtout. Le mouvement des sans-papiers a fait prendre conscience qu’ils veulent être, qu’ils sont acteurs de leur avenir. Ce sont des personnes qui se sont mises debout et ont entrepris un chemin de vie. Certes il ne faut pas idéaliser les choses. Les sans-papiers sont des êtres humains comme les autres ; il y a, dans leurs trajectoires des zones d’ombre, des combines peu transparentes, des violences aussi, que leur situation d’illégaux ne peut qu’encourager ; il y a, parmi les plus engagés et entre eux et leurs alliés, bien des tensions. Mais, quoi qu’il en soit, ils incarnent une part de ce qu’on pourrait appeler, dans le monde d’aujourd’hui, l’espérance des peuples.

Le combat continue. Il continue dans la mobilisation d’un mouvement altermondialiste qui donne aux engagements locaux une portée universelle. Il continue dans la complexité de la politique européenne, tâtonnante et frileuse en matière d’asile et d’immigration, malgré les déclarations généreuses de l’assemblée de Tampere[25]. Dans la complexité aussi du paysage politique belge – complexité dont les atermoiements du gouvernement actuel sont le vif reflet.

Bon gré mal gré, c’est dans cette complexité qu’une politique juste doit patiemment tracer son chemin. L’opération de régularisation aujourd’hui en cours et pour laquelle les services sociaux, les associations, les mouvements de sans-papiers mobilisent toutes leurs forces est un moment fort de ce combat. Elle n’y mettra pas un terme.

Quelques dates.

1er juillet 1998 : Conférence de presse du Mouvement national pour la Régularisation des Sans Papiers et des Réfugiés.

22 septembre 1998 : décès de Semira Adamu, étouffée lors d’une tentative d’expulsion.

Octobre 1998 : occupation d’églises à Bruxelles (Béguinage), Liège, Anvers, Verviers et Mons.

22 décembre 1999 : loi organisant une opération de régularisation.

Janvier 2000 : dépôt des demandes de régularisation. Le traitement des demandes s’étalera sur près de deux ans.

Automne 2002 : création du Forum Asile et Migrations (FAM).

Avril 2004 : création de l’Union de Défense des Sans- Papiers (UDEP).

Juillet-août 2005 : occupation de l’église Ste Croix à Ixelles par 300 Afghans.

Octobre 2005- mars 2006 : occupation de l’église St Boniface à Ixelles.

Mars-juin 2006 : les sans-papiers accueillis dans 41 églises et autres lieux publics du pays.

11 mai 2006 : déclaration commune des évêques de Belgique.

Juillet 2006 : la loi modifiant la procédure d’asile est adoptée par le Parlement. La nouvelle procédure s’applique intégralement depuis le 1er juin 2007.

10 juin 2007 : élections législatives.

17 juin 2007 : manifestation à Bruxelles.

Janvier-février 2008: occupation d’un immeuble de la rue Royale à Bruxelles et grève de la faim de 140 sans-papiers.

Du 23 janvier au 20 mars 2008, tous les mercredis : Cercles du Silence.

18 mars 2008 : accord de gouvernement.

21 avril 2008 : note de politique générale de la ministre de l’asile et des migrations, Madame Turtelboom. Promesse d‘une circulaire.

24 avril 2008 : manifestation de sans-papiers devant l’Office des Étrangers. Violences policières.

Avril-juin : grève de la faim dans l’église du Béguinage ; en juillet, la grève de la faim se généralise.

29 juin 2008 : manifestation nationale près de l’église Ste Catherine à Bruxelles.

14 décembre 2008 : manifestation à Anvers : Belofte maakt Schuld/ Promesse oblige.

Janvier-mars 2009 : campagne de badges et pétition. Remise de la pétition et manifestation devant la Bourse à Bruxelles, le 18 mars 2009.

7 juin 2009 : élections régionales et européennes.

12 juin 2009 : nouvelle manifestation à Bruxelles devant le ministère de l’asile et des migrations.

17 juillet 2009 : remaniement du gouvernement. Madame Joëlle Milquet, ministre de l’emploi et de l’égalité des chances est chargée de la politique de migration et d’asile. Monsieur Melchior Wathelet est secrétaire d’État à la politique de migration et d’asile, adjoint à la ministre chargée de la politique de migration et d’asile et, en ce qui concerne la coordination de la politique de migration et d’asile, adjoint au premier ministre.

19 juillet 2009 : le gouvernement fait part de l’instruction relative à l’application de l’ancien article 9,3 et de l’article 9 bis de la loi sur les étrangers et annonce une opération de régularisation pour laquelle les dossiers doivent être introduits entre le 15 septembre et le 15 décembre 2009.

15 septembre 2009 : début de l’opération de régularisation.

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[1] Commissariat Royal à la Politique des Immigrés, Pour une cohabitation harmonieuse. Volume 3 : Données et argumentaires, chapitre 8 : Immigrés clandestins, pp. 710-770.

[2] Un autre indice : en 1993 fut créée à Bruxelles la structure Steunpunt begeleiders uitgeprocedeerden (Point d’appui aux accompagnateurs des personnes déboutées) ; en 1997, elle devient Steunpunt Mensen zonder Papieren (Point d’appui aux personnes sans papiers).

[3] Il en va autrement des États membres méridionaux de l’Europe où le nombre des illégaux, en 1990, est supérieur à celui des immigrés légaux : Italie : 850.000 illégaux pour 645.000 réguliers, Grèce : 200.000/70.000, Portugal : 94.000/60.000, Espagne : 475.000/294.000. Anciens pays d’émigration, ces États procéderont, dans les années suivantes, à de vastes opérations de régularisation.

[4] Le Commissariat s’intéresse notamment au cas des enfants d’immigrés qui, à la suite d’un délit et après avoir purgé leur peine, font l’objet d’une mesure d’expulsion (ce qu’on appelait « la double peine »). Il approuve la décision du ministre de la Justice, qui a suspendu dans ces cas la mesure d’expulsion. Après divers atermoiements, cette disposition de la loi a définitivement été abandonnée ; elle devenait d’ailleurs de moins en moins d’application, étant donné l’accès automatique de la 3e génération à la nationalité belge.

[5] Pour cette rétrospective, voir Jean-Marie FAUX, « Le droit d’asile dans la législation belge sur les étrangers », dans « Que reste-t-il du droit d’asile », Travailler le social, 31-32, 2002, pp.18-41.

[6] Deux voies d’accès demeuraient ouvertes : l’asile et le regroupement familial. Parmi les immigrés les plus récents, Marocains et Turcs surtout, il y avait encore beaucoup d’hommes seuls qui ont fait venir leurs familles dans les années qui ont suivi. Avec le temps, le regroupement familial a concerné de plus en plus les mariages entre jeunes issus de l’immigration et jeunes du pays d’origine.

[7] L’État répondait ainsi à la fois au souhait du HCR d’être déchargé de cette responsabilité, peu compatible avec sa mission de protection des réfugiés et à celui des avocats et des associations de défense des réfugiés qui regrettaient l’absence de toute possibilité de recours contre les décisions du HCR.

[8] La loi Wathelet en 1991 ; la loi Tobback en 1993 (celle-ci fit passer la matière de l’asile de la compétence du ministre de la Justice à celle du ministre de l’Intérieur) ; la loi Vande Lanotte enfin en 1996. Le ministre de l’Intérieur du gouvernement « arc-en-ciel », Antoine Duquenne, avait annoncé en 1999 une nouvelle réforme à laquelle il renonça ensuite. C’est seulement en 2006, nous le verrons plus loin, qu’une simplification réelle a été apportée à la loi mais sans résoudre la question des sans-papiers qui a pris entretemps une ampleur beaucoup plus grande.

[9] Voir Jean-Marie FAUX, Résistance. Antécédents, origine et raison d’être du Forum Asile-Migrations. Analyse du Centre Avec, janvier 2008, www.centreavec.be

[10] Le premier centre fermé, le 127 à Melsbroek, a été ouvert en 1988. Actuellement il y a en Belgique six centres fermés, d’une contenance totale de 628 places et qui voient passer en moyenne environ 8.000 personnes par an.

[11] L’Overlegcentrum Integratie Vluchtelingen, (Ociv), aujourd’hui Vluchtelingenwerk Vlaanderen, et le Centre d’Initiation pour Réfugiés et Étrangers (CIRE), aujourd’hui Coordination et Initiatives pour et avec Réfugiés et Étrangers, sont les deux organismes semi-officiels qui, dans les deux communautés nationales, sont chargés de l’accueil et de l’insertion des réfugiés. Il est notoire que, depuis 1986 environ, ces deux organismes sont sur la défensive par rapport à la politique des gouvernements et à la pratique de l’administration et partie prenante, souvent même déterminante, dans les mouvements de contestation.

[12] Pour les six derniers mois de 2000, on avait enregistré 26.726 demandes, on n’en compte plus que 12.763 au premier semestre de 2001 : l’élément déterminant semble avoir été une modification des conditions d’accueil des demandeurs d’asile en procédure de recevabilité : au lieu de recevoir l’aide sociale en espèces, ils seront obligatoirement hébergés dans des centres ouverts. C’est en tout cas la thèse du ministre ; il est probable qu’un examen attentif de la situation montrerait que les évolutions de la situation internationale ont aussi joué un rôle dans cette diminution des demandes.

[13] Non sans cynisme, il déclarait : « Nous nous occuperons plus tard de ce problème. Le grand défi, c’est de réussir à gérer les nouvelles arrivées » (d’après Migration News Sheet, février 2001, p. 10).

[14] On trouvera ce texte-programme, ainsi que toutes informations sur les activités de la plate-forme, sur le site www.f-a-m.be.

[15] Une journée de réflexion s’est tenue le jeudi 24 avril 2008 à Anderlecht (Cureghem) et a rassemblé de nombreuses personnes qui s’étaient impliquées dans cet accueil. Ses travaux ont été publiés dans une brochure : Les sans-papiers dans les églises. Des communautés chrétiennes s’impliquent. Plate-forme Chrétiens solidaires, rue M.Liétart, 31/4, 1150 Bruxelles. Voir aussi notre analyse : Occuper les églises pour obtenir l’asile, octobre 2006 sur le site www.centreavec.be.

[16] Voir notamment la Déclaration des évêques de Belgique du 11 mai 2006 (on peut la lire sur le site suivant : http://www.portstnicolas.org/Declaration-des-eveques-de.html).

[17] Le CRER s’est constitué pendant l’été 2004, à la suite d’une rafle policière opérée à Bruxelles et qui a touché surtout des sans-papiers d’origine sud-américaine. Aujourd’hui la signification du sigle a changé : Coordination pour la Régularisation et la Libre Circulation.

[18] Par-dessus le marché, les résultats obtenus varient selon les cas. Les grévistes de la rue Royale (mars 2008) obtiennent un permis de séjour valable pour trois mois (carte rouge) et un permis de travail B. Ceux de l’église du Béguinage, trois mois plus tard, un permis de séjour de 9 mois (carte blanche) et un permis de travail C, plus favorable. Du coup, les grèves de la faim reprennent…

[19] Cité d’après Dimanche express, 8 mars 2009.

[20] Chambre des représentants, 2e session de la 52e législature 2007-2008, doc 52 0995/020.

[21] Son titre complet est « secrétaire d’État à la politique de migration et d’asile, adjoint à la ministre chargée de la politique de migration et d’asile et, en ce qui concerne la coordination de la politique de migration et d’asile, adjoint au premier ministre ». Le premier ministre entend donc bien assumer la coordination de la politique gouvernementale en cette matière, ce qui montre à la fois son caractère conflictuel et la détermination d’Herman Van Rompuy.

[22] L’article 9 bis, développement introduit par la loi du 15 octobre 2006, de l’ancien alinéa 3 de l’article 9, prévoit que le ministre ou son délégué peut accorder l’autorisation de séjour « lors de circonstances exceptionnelles ».

[23] Voir Danièle MADRID, le Pacte européen sur l’immigration et l’asile. Une impulsion pour quelle(s) politique(s). Analyse du Centre Avec, mai 2009, www.centreavec.be

[24] Voir Hélène THIOLLET, « À qui profite l’argent des migrants ? » dans L’Atlas des migrations. Hors série le Monde/la Vie, 2008, p. 60-61.

[25] Le Conseil européen de Tampere (Finlande), tenu les 15 et 16 octobre 1999 et consacré à la recherche d’une politique commune européenne en matière d’asile et de migration, se déclarait « déterminé à faire de l’Union un espace de liberté, de sécurité et de justice ».


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