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Les syndicats suspectent le gouvernement de vouloir privatiser la SNCB: les Anglais l’ont fait, ça donne quoi ?

gepost op 07/01/16 door rtl Trefwoorden  luttes sociales  économie  luttes environnementales 

"Les directions prétendent vouloir moderniser et rendre plus robuste les Chemins de fer (...) Le front commun craint que ce plan d’économies n’ait pour seul objectif: préparer la privatisation !", peut-on lire dans l’édito de la CGSP Cheminots au sein du numéro de janvier de Tribune, le mensuel de la CGSP. À l’intérieur du même magazine, l’aile wallonne du syndicat CGSP (Centrale Générale des Services Publics, tendance socialiste) estime que "ce gouvernement veut privatiser alors que d’autres, qui l’ont fait, le regrettent amèrement et souhaitent revenir à une gestion publique". Même si, aussi bien la ministre de la Mobilité Jacqueline Galant que le patron de la SNCB Jo Cornu, assurent qu’ils ne veulent pas de privatisation, il nous a paru intéressant de creuser un peu ce qu’il y avait derrière les affirmations du syndicat. Pour cela, il faut traverser la Manche et se rendre au Royaume Uni où le British Rail, l’équivalent anglais de la SNCB, a été privatisé en 1993 (lire l’histoire de cette privatisation). Vingt-deux ans plus tard, quel bilan tirer ?

Une multitude de compagnies de chemins de fer privées, des tarifs régulés ou non par l’Etat

Un peu à l’instar de la Belgique où il y a d’une part la SNCB qui gère les trains et les voyageurs et d’autre part Infrabel qui s’occupe de l’entretien des voies ferrées, les activités sont scindées en deux au royaume de la Reine Elizabeth II. Le réseau des chemins de fer est entretenu par la société Network Rail, en grande partie financée par l’Etat (découvrez un schéma montrant la répartition des coûts du rail en Angleterre). Les trains et les voyages sont eux contrôlés par une multitude de sociétés privées. Sur certains trajets (en général, les plus fréquentés, comme ceux empruntés par les navetteurs et les lignes aux alentours des villes principales), les prix de leurs billets sont régulés par l’Etat qui fixent un plafond et alignent les hausses sur l’inflation. Sur d’autres trajets, les sociétés de chemin de fer fixent le prix qu’elles veulent.

Comparaison des prix entre deux voyages similaires, l’un en Belgique, l’autre au Royaume Uni

Régulés ou pas, les tarifs en Angleterre sont extrêmement élevés, beaucoup plus qu’en Belgique. Pour le vérifier, comparons deux voyages d’une distance à peu près similaire. Liège est à 96 km en voiture de Bruxelles, notre capitale. La ville de Brighton, établie sur la côte sud de l’Angleterre (et où habite une certaine Adele), est, elle, à 104 km en voiture de Londres, la capitale anglaise, poumon économique du pays. Chaque jour, des milliers de Liégeois passent 1h05 dans le train (une durée théorique, bougonneront sans doute les habitués) pour couvrir la distance. Au même moment, des milliers d’habitants de Brighton font la même chose. Ils restent juste quelques minutes de plus: le voyage en train jusqu’à la gare de London Bridge est estimé à 1h10. Mais c’est au niveau du prix que la différence brûle les yeux. Avec la SNCB, le navetteur liégeois paie 14,8 euros pour un voyage simple et 220 euros par mois pour l’abonnement (un prix abaissé à 60 euros avec la part légale payée par l’employeur). Avec la compagnie privée ThamesLink, le navetteur de Brighton déboursera lui... 23,4 euros pour un aller simple et... 491 euros pour un mois, soit plus du double de son alter-ego de Belgique.

L’efficacité du rail anglais souvent critiquée

Au vu de l’écart, on ne s’étonnera guère que la ministre Galant observe que les recettes commerciales de la SNCB sont les plus faibles d’Europe. Mais en Angleterre, on constate d’abord que les tarifs sont parmi les plus chers d’Europe et qu’ils ne cessent d’augmenter. Depuis que le Premier ministre David Cameron est au pouvoir (2010), les prix ont grimpé de 25% (moyenne établie sur 200 lignes). Ceci pour une qualité de service souvent jugée médiocre. Selon le rapport McNulty commandé par le gouvernement britannique et publié en 2011, l’efficacité du rail anglais était de 30% inférieure à celle des meilleurs pays d’Europe. À quoi est dû ce manque d’efficacité? Pour certains, la privatisation est la première cause. Le passage d’une seule société publique à 23 opérateurs privés a complètement fragmenté et complexifié le réseau. Pour un long voyage, un Anglais peut ainsi devoir passer par jusqu’à quatre compagnies pour arriver à bon port.

La dette, coeur du problème

Aux accusations de prix élevés, l’association des compagnies de chemins de fer privées répond que de plus en plus d’usagers achètent des billets lorsqu’ils sont en discount (désormais près d’un billet sur deux). Elles avanceront aussi que, si elles pratiquent des prix onéreux, au moins elles ne creusent pas la dette de l’Etat. Selon le porte-parole d’une association des compagnies privées, au moment de la privatisation en 1993, le rail enregistrait plus de deux milliards d’euros de perte par an. En Belgique, la dette de la SNCB s’envole. Elle dépasse les 4 milliards d’euros. Chaque année depuis 2005, elle se creuse de 200 millions de plus. Dans l’introduction à son plan de réforme à la mi-juillet, la ministre Galant indiquait qu’en 2013, ce que donnait l’Etat à la SNCB équivalait à 453 euros par contribuable.

Parti travaillistre: le rail anglais, c’est le navetteur et le contribuable qui paient et les actionnaires qui empochent

Mais attention, le contribuable anglais paie aussi pour son réseau ferroviaire qui est en partie subsidié par l’Etat. Celui-ci libère plus de 4 milliards d’euros pour subsidier le rail. Etant donné cette intervention publique, au-delà des tarifs élevés et d’une efficacité qu’ils considèrent faible, les détracteurs de la privatisation, parmi lesquels le parti d’opposition du Labour (les Travaillistes) qui plaide pour une re-nationalisation des chemins de fer, mettent en avant un aspect éthique. L’entretien du réseau des voies ferrées coûte cher. Et l’Etat, donc le contribuable, sort chaque année plusieurs milliards pour aider les compagnies privées à payer cet entretien (effectué par la société Network Rail, l’Infrabel anglais). Dans le même temps, les profits (3% du total des recettes environ) qu’elles tirent de l’exploitation des lignes, ces compagnies les reversent presqu’intégralement à... leurs actionnaires. "Un scandale", s’insurge le président des Travaillistes, Jérémy Corbyn qui voient l’argent du navetteur et du contribuable partir dans la poche dactionnaires. Du côté des compagnies privées, on objecte que les profits dégagés restent faibles, qu’ils sont même en chute, et ne constituent pas plus de 3 ou 4% du prix du billet.

Pour assurer des prix raisonnables et une efficacité correcte, une partie de la population plaide donc pour une re-nationalisation. Mais une autre partie, la plus libérale et sans doute minoritaire, estime que les maux proviennent du fait que tout n’a pas été entièrement privatisé et que la société Network Rail qui gère l’infrastructure se comporte avec toutes les tares d’une société publique.

Malgré ces plaintes, le gouvernement conservateur anglais ne semble en aucun cas disposé à revenir en arrière. De même que le gouvernement belge ne parait guère enclin à revenir sur les économies qu’il estime nécessaire de faire à la SNCB. "Partout, il faut faire plus avec moins de moyens. Tous les gouvernements sont confrontés à ce type de difficultés", argumentait la ministre lors de la présentation de son plan au mois de juillet dernier qui a fini par pousser les cheminots du sud du pays à la grève après plusieurs mois de négociations infructueuses.


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