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Podemos: des habits neufs au service de l’empereur capitaliste

gepost op 29/03/16 door Un sympathisant du CCI Trefwoorden  réflexion / analyse 

A en croire le bombardement médiatique que l’on nous assène ces derniers mois, nous serions à la veille d’un tremblement de terre qui chamboulerait de haut en bas le scénario traditionnel des trente dernières années selon lequel le Parti Populaire de droite (PP) et le parti socialiste (PSOE) se succèdent alternativement au pouvoir sans que personne n’y trouve à redire. Cet échiquier politique se verrait aujourd’hui perturbé par l’irruption de “forces émergentes”, et en particulier par la plus récente d’entre elles : Podemos. Mais Podemos ne représente rien de nouveau.

Son programme politique et son idéologie sont des classiques des régimes staliniens 1 défendus par les partis soi-disant communistes (en réalité furieusement anticommunistes) et leurs acolytes gauchistes de tout poil (trotskistes, syndicalistes de base, mouvements altermondialistes) 2 qui sont les principaux soutiens de cette pantomime de “politique nouvelle”. La spécificité de Podemos qui justifie le coup de pub que lui fait le capitalisme espagnol est que les troupes d’Iglesias (son leader) remplissent une mission spéciale, très importante pour la bourgeoisie aussi bien espagnole que mondiale, qui est celle d’effacer les empreintes du mouvement du 15 mai qui ont fait trembler les rues il y a quatre ans et demi.

La “fierté de l’Espagne” d’Iglesias contre l’internationalisme du mouvement du 15 mai

Il y a 4 ans, de grandes foules ont occupé les rues et les places non seulement en Espagne mais également en Grèce, aux États-Unis, en Israël, etc. “Le mouvement d’indignation s’est étendu internationalement. Il a surgi en Espagne où le gouvernement socialiste avait mis en place un des premiers plans d’austérité et un des plus durs ; en Grèce, devenue le symbole de la crise économique mondiale à travers l’endettement ; aux États-Unis, temple du capitalisme mondial ; en Égypte et en Israël pays pourtant situés de chaque côté du front du pire conflit impérialiste et le plus enkysté, celui du Moyen-Orient” . Il y a eu des tentatives, encore très timides et embryonnaires, de solidarité internationale. “En Espagne, la solidarité avec les travailleurs de Grèce s’est exprimée aux cris de “Athènes tiens bon, Madrid se lève !”. Les grévistes d’Oakland (États-Unis, novembre 2011) proclamaient leur “solidarité avec les mouvements d’occupation au niveau mondial”. En Égypte, a été approuvée une Déclaration du Caire en soutien au mouvement aux États-Unis. En Israël, les Indignés ont crié “Netanyahou, Moubarak, El Assad, c’est la même chose” et ont pris contact avec des travailleurs palestiniens” 3.

L’internationalisme qui s’est exprimé spontanément même de façon embryonnaire dans les moments les plus forts du mouvement des Indignés est quelque chose de très dangereux pour la bourgeoisie qui justifie sa domination sur le prolétariat par l’existence d’une supposée communauté d’intérêts entre exploiteurs et exploités de chaque pays.

Ainsi, dès l’origine, Podemos s’est caractérisé par ce qu’ils appellent un discours “transversal”, c’est-à-dire s’adressant aussi bien aux “défavorisés” qu’aux chefs d’entreprises à qui ils n’ont cessé depuis lors d’envoyer des messages rassurants. Mais cette supposée communauté “transversale”, c’est aussi celle qu’invoque le parti frère de Podemos, le parti grec Syriza pour justifier son respect des exigences de la Communauté européenne, qui sous-tend une intensification des attaques contre les conditions de vie et de travail des travailleurs grecs. Au lieu de se solidariser envers les victimes, les Iglesias, Errejon et consorts ont été solidaires de leur bourreau Tsipras.

Dans cette escalade patriotique, les “podémistes” en sont arrivés à prendre des distances envers les propositions d’envoyer des soldats dans les zones occupées par l’État islamique en Syrie et en Irak en invoquant le fait “qu’ils pourraient se faire tuer”. Nous avons vu que, en opposition à leur appel initial d’envoyer des troupes dans les zones occupées par l’État islamique (en Syrie et en Irak), ils ont allégué ensuite que “des soldats espagnols pourraient se faire tuer”. “L’argument” de “l’homme au catogan” est massue, très efficace pour nous inoculer le poison du nationalisme, en nous proposant de nous enfermer dans le petit monde étroit et endogamique de la “nation espagnole”.

Qu’importe que des ouvriers et des paysans syriens ou irakiens se fassent massacrer ? Qu’importe que la population de Rakka, la “capitale” proclamée du bastion de l’État islamique, soit soumise à une triple terreur de ses “gouvernants islamistes”, des bombardements de la Russie, des États-Unis et de la France et aussi des milices d’El Assad ? Qu’importe que ces territoires se soient transformés en trou noir où il est devenu purement et simplement impossible de vivre ? Rien de tout cela ne devrait nous préoccuper, selon la “philosophie nationale” et patriotarde du sieur Iglesias ! La seule chose qui compte est qu’aucun “compatriote”, aucun ressortissant espagnol n’aille mourir là-bas !

C’est pour cette raison que les “podémistes” ont adhéré en tant qu’observateurs” au pacte anti-djihadiste signé à la fois par les parties prenantes de l’invasion de l’Irak (le Parti populaire), de l’invasion de l’Afghanistan (le PSOE) et par les aspirants à l’invasion de n’importe quel territoire qui se ferait sous la bannière du drapeau espagnol (le mouvement des citoyens). C’est pour cette raison que Podemos a promis à Rajoy tout le soutien nécessaire pour faire face aux attaques terroristes comme il l’a déjà fait pour les victimes lors du récent attentat au centre de Kaboul 4.

Si nous mettons nos rêves dans les urnes, ce sera un cauchemar !

Un des mots d’ordre les plus repris par le mouvement du 15 mai a été “nos rêves ne rentrent pas dans vos urnes !” En effet, le mouvement des Indignés a surgi avec une forte tendance au rejet de la politique bourgeoise, des élections 5, etc. Dans les mouvements de 2011 a commencé à être mis en avant, avec encore beaucoup de faiblesses et d’hésitations, un fait qui, aujourd’hui, c’est-à-dire quatre ans après, nous paraît insolite : “Ces personnes-là, les travailleurs, les exploités, tous ceux qu’on dépeint comme des ratés indolents, des gens incapables d’initiative ou de faire quelque chose en commun, sont arrivés à s’unir, à partager, à créer et à briser la passivité étouffante qui nous condamne à la sinistre normalité quotidienne de ce système. (…) On a fait les premiers pas pour que surgisse une véritable politique de la majorité, éloignée du monde des intrigues, des mensonges et des manœuvres troubles qui est la caractéristique de la politique dominante. Une politique qui aborde tous les sujets qui nous touchent, pas seulement l’économie ou la politique, mais aussi l’environnement, l’éthique, la culture, l’éducation ou la santé” 6.

La politique bourgeoise préconise au contraire le repli sur soi de chacun d’entre nous, que chacun doit se considérer absurdement comme son propre maître en face des problèmes qui ont un caractère social et doit déléguer la recherche de leur solution à travers l’acte individuel du vote en faveur de politiciens professionnels, ce qui, à la longue, se traduit par une plus grande atomisation et une plus grande résignation.

L’évolution de la trajectoire de Podemos est très significative. À ses débuts et pour renforcer l’illusion d’une continuité avec le mouvement du 15 mai, ils ont reproduit et plagié le caractère formel des assemblées et des débats publics pour comprendre les causes de nos souffrances, les possibles alternatives à offrir, etc. Mais aujourd’hui, les prétendues “assemblées” de Podemos sont devenues une bagarre à couteaux tirés non dissimulée entre les différentes tendances concurrentes sur les listes électorales 7. Par ailleurs, les débats en sont aujourd’hui réduits à une approbation de la liste de recettes défendues comme simple programme électoral à géométrie variable, en fonction des besoins électoraux d’Iglesias et ceux de sa bande.

À quoi va servir Podemos par la suite ?

L’organisation du fonctionnement “interne” de Podemos n’est pas en contradiction avec sa fonction, comme voudraient nous le faire croire les représentants de l’aile la plus critique de cette formation. Elle est en réalité pleinement en conformité avec la mission assignée à ce parti par l’ensemble de la bourgeoisie : convaincre les travailleurs que tout mouvement de protestation, que toute remise en cause des réseaux de contrôle établis par l’État démocratique pour canaliser l’indignation – même dans sa forme domestiquée, inoffensive ou réduite à un simulacre – face au futur que nous réserve le capitalisme, est fatalement voué à mourir en finissant dans leurs filets. Il s’agit finalement de convaincre qu’il est inutile de penser pouvoir lutter contre le système, parce que le système capitaliste finit toujours par récupérer cette lutte dans une forme même plus caricaturale qu’à l’origine.

Le mouvement des Indignés en Espagne, tout comme celui qui a surgi les mois suivants aux États-Unis ou en Israël, ou encore comme d’autres expressions de la lassitude envers ce système capitaliste qui transforme les êtres humains en vulgaires marchandises, n’a pas réussi à dépasser le piège tendu par l’État bourgeois, et particulièrement par ses fractions les plus aptes au sabotage de tout mouvement de remise en cause du capitalisme. Cela ne veut pas dire que la possibilité d’une réflexion, d’une recherche pour tirer les leçons sur les causes de l’épuisement de ces mouvements, n’existe pas – même de façon latente – dans la dynamique de la situation actuelle. Les stimulants pour alimenter cette réflexion ne manquent pas. Le capitalisme s’enfonce chaque jour davantage dans l’abîme d’une misère croissante pour d’énormes masses de population, dans une multiplication de foyers de guerre et de terreur, dans un éparpillement de scénarios de catastrophes écologiques. La classe exploiteuse aura toujours besoin, et sera toujours prête à rémunérer grassement quiconque proclame à tous les coins de rue que le roi n’est pas nu, qu’il a seulement besoin de nouveaux habits, comme ceux qu’il porte déjà, que Podemos ou encore la “nouvelle gauche” en Grande-Bretagne sont prêts à lui tailler et confectionner sur mesures.

AP, organe du CCI en Espagne - Courant Communiste International - http://fr.internationalism.org

1 Comme nous l’avons déjà dénoncé dans notre précédent numéro d’Acción Proletaria. Voir notre article en espagnol sur le site :

http ://es.internationalism.org/ccionline/201406/4033/podemos-un-poder-del-estado-capitalista

2 De fait, une grande partie de la main d’œuvre de la formation “podémiste” est constituée par les militants de la dénommée “gauche anticapitaliste” formée à partir des débris des organisations gauchistes des années 1980 et de la énième scission “de gauche” du Parti “communiste” espagnol.

3 Extrait de notre tract diffusé internationalement sur le bilan des mouvements de 2011 : “De l’indignation à l’espoir”, publié sur notre site le 30 mars 2012.

http ://fr.internationalism.org/files/fr/tract_inter_2011.pdf

4 Perpétré par les talibans dans le quartier diplomatique et dans lequel ont péri quatre policiers afghans et deux espagnols, à la suite duquel le gouvernement espagnol avait déclaré que c’était “une attaque contre l’Espagne”, NdT.

5 Ce n’est pas pour rien que les assemblées sur les places ont refusé avec défi de suivre l’appel à leur dissolution au cours de la “journée de réflexion” du 21 mai.

6 Extrait du tract international du CCI déjà cité.

7 Des quelques 380 000 sympathisants que compte Podemos, seuls 15 % ont pris part aux primaires et à peine 4 % se sont mobilisés pour l’adoption de son programme électoral.


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