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Rokhaya Diallo ? Non mais Diallo, quoi ! ?

gepost op 02/09/18 door Jean-Paul Richier Trefwoorden  antifa  genre / sexualité  féminisme 

Mediapart propose un nouveau rendez-vous audio-visuel mensuel : Alter-égaux « Rokhaya Diallo y reçoit un invité autour des questions d’inégalités et d’égalité, de race et de racisme, de discrimination et d’affirmation. » Ce billet questionne cette émission, et le choix par Mediapart de Rokhaya Diallo.

I - Paradoxe

La rédaction de Mediapart est constituée d’hommes et de femmes blanc(he)s.
On y inclut une intervenante noire.
Et de quoi va-t-elle causer ?
Du racisme et de la discrimination.

Recruter une unique intervenante noire pour l’assigner à la dénonciation de la discrimination, c’est ce qu’on appelle un paradoxe. Ceci aussi bien pour Mediapart que pour Rokhaya Diallo elle-même.

Quand je dis que la rédaction de Mediapart est constitué(e) de Blanc(s), il y a quand même une exception (si par "Blanc" on entend non pas leucoderme, mais de lignée purement européenne) : Rachida El Azzouzi, dont le nom donne à penser qu’elle a des origines marocaines. Mediapart lui a-t-il confié une rubrique sur le sort des descendants des Nord-Africains en France ? Non, elle est en charge des questions sociales. Elle s’en acquitte avec talent, et il ne me serait même pas venu à l’esprit de penser à ses origines avant le présent billet.

II - Mauvaise pioche

Si le racisme et la discrimination sont bien sûr des tendances humaines particulièrement toxiques, le choix de Rokhaya Diallo pour les dénoncer est tout sauf judicieux.

A - Les deux appels les plus cons du début du siècle

R Diallo a co-signé deux des appels les plus cons (au double sens de stupides et de contre-productifs) de ces dernières années.

    • 1 - En 2010, l’appel "Pour les cinq de Villiers le Bel"

A Villiers-le-Bel en 2007, suite à un accident où deux adolescents avaient trouvé la mort sur une mini-moto entrée en collision avec une voiture de police, des jeunes s’étaient mis à tout casser et incendier, y compris l’école maternelle et la bibliothèque, et de nombreux policiers avaient été blessés, dont plus de cinquante par armes à feu.

Et le jour de l’ouverture du procès, en juin 2010, une quinzaine d’"intellectuels" du monde littéraire ou artistique parisien, dont R Diallo, signaient un appel où les casseurs et les flingueurs étaient présentés comme les nouveaux héros révolutionnaires.

Rokhaya Diallo, dans un débat sur cet appel avec Robert Ménard, avait déroulé un tapis rouge à ce dernier, qui n’avait eu aucun effort à fournir pour jouer le rôle du défenseur de l’ordre républicain le plus basique.

    • 2 - En 2011, l’appel contre le soutien à Charlie Hebdo

Charlie Hebdo s’était déjà attiré les foudres d’organisations islamiques en publiant en février 2006 les caricatures de Mahomet.

Début novembre 2011, après l’annonce de la publication d’un numéro spécial rebaptisé « Charia Hebdo », avec Mahomet comme rédacteur en chef, les locaux de l’hebdomadaire étaient dévastés par un cocktail-molotov, et son website était piraté, avec sa page d’accueil remplacée par une photo de La Mecque et des versets du Coran.

Quelques jours plus tard, une vingtaine de "militants" se proclamant "antiracistes" appelaient à ne pas soutenir Charlie-Hebdo, assénant par exemple "qu’il n’y a pas lieu de s’apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo, que les dégats matériels seront pris en charge par leur assurance" et martelant "leur écœurement face à la nouvelle marque de fabrique de cet hebdomadaire : un anticléricalisme primaire doublé d’une obsession islamophobe". Charlie Hebdo chahute la curetaille depuis la fin des années 1960, mais voilà les islamophiles qui débarquent lui asséner des leçons de bonne conduite. Et ils accusent sans rire Charlie Hebdo de participer "à la sarkozisation et à la lepénisation des esprits".

Bref, pour Rokhaya Diallo, il n’y a pas lieu de s’émouvoir que les locaux d’un journal qui charrie la charia soient incendiés.

B - Les Y’A Bon Awards

R Diallo a co-fondé fin 2006 l’association Les Indivisibles.

Rien à dire sur le principe : « les Français, dans leur diversité, sont les composantes d’un seul et même pays, ils font partie d’un tout indivisible. De ce fait, leurs couleurs de peau, leurs origines, leurs confessions bien que diverses, ne devraient jamais donner lieu à une désignation particulière », sur l’objectif (« Lutter contre le racisme "ordinaire" »), ou sur les moyens (l’humour, la pédagogie, la médiatisation, les réseaux sociaux) tels qu’il sont mis en avant dans la présentation ou la charte de l’association.

Mais dans l’application, ça se gâte :

- l’association s’est donné un rôle de police de l’expression, à l’affût du moindre bout de phrase qui ne lui sied pas,
- l’association accorde une place croissante à ce qu’il est convenu d’appeler l’islamophobie, celle-ci incluant la moindre critique sur tout ce qui est lié à l’islam.

Ainsi, Les Indivisibles décernent depuis 2009 les Y’A Bon Awards, qui se veulent des César ironiques récompensant les «meilleures phrases racistes» prononcées par des personnes publiques.
Le problème, c’est que, pour s’en tenir au dernier (2013), on trouve parmi les nominés Jean-Luc Mélenchon ou Jeannette Bougrab, et parmi les nommés, Élisabeth Badinter…
Nicolas Bedos était également nominé. Il y a 30 ou 40 ans, nul doute que Coluche ou Desproges eussent été nominés aux Y’A Bon Awards.

Selon la formule connue, tout ce qui est excessif est insignifiant. A force de s’en prendre sans mesure à n’importe qui et n’importe quoi, Les Indivisibles et les Y’A Bon Awards perdent tout impact, et nuisent à la crédibilité de la cause qu’ils prétendent défendre.

Au demeurant, de nos jours, les déclarations *réellement* d’ordre raciste ou xénophobe sont immédiatement répercutées et largement commentées dans les médias, sans qu’il y ait besoin d’un Y’A Bon Awards. Peut-être est ce pour cela qu’il n’a pas eu lieu en 2014…


C - Le concept d’islamophobie

Rokhaya Diallo est musulmane. C’est son droit le plus strict : la France est un État laïc.
Mais on a souvent l’impression qu’elle et ses Indivisibles mettent plus l’accent sur la défense de l’islam que sur la discrimination ethnico-raciale.

Ainsi, un billet des Indivisibles, en 2011, tire à boulets rouges sur un article du Monde analysant la progression de l’islam dans les quartiers défavorisés, sur la base d’une étude menée dans une agglomération de Seine-St-Denis. Analyser la progression de l’islam à partir de paramètres sociologiques, économiques, politiques et urbanistiques, c’est probablement un blasphème ?

Certes, le concept d’islamophobie n’est pas tout à fait dénué de fondement, ceci pour trois raisons.
1) L’islam a une position difficile en France, car :
- il fait peur aux cathos, qui sont déjà devenus peu audibles dans la société française,
- il agace les athées, ou plus généralement les laï-cistes, qui ne voient pas d’un bon œil une autre religion rappliquer alors qu’il a fallu des siècles pour se débarrasser de l’engeance catholique.
2) La droite identitaire se sert de l’islam pour exprimer sa xénophobie.
3) Les grands médias, qui par définition sont à l’affût de ce qui accroche, ne parlent de l’islam que lorsqu’il est question du terrorisme, des filières djihadistes, des manifestations de barbus vociférants, des polémiques sur les femmes voilées etc

    • Ceci étant posé, critiquer l’islam n’a rien à voir avec du racisme.

D’autant qu’en ce qui me concerne, je n’opère aucune discrimination : je mets l’islam et le christianisme sur un parfait pied d’égalité. Même si la mythologie christique est plus sympathique que la mythologie mahométane, en pratique elle a donné lieu à une religion qui a, jusqu’à il y a peu, empoisonné la vie quotidienne des gens, et qui est avec l’islam la plus prosélytique et la plus meurtrière de l’humanité.


D - Le syllogisme de la censure

Le dogme syllogistique implicite sur lequel reposent R Diallo et ses Indivisibles, c’est :

On n’a pas le droit de critiquer ce qui est minoritaire,
Or ce qui est minoritaire, comme tout le reste, peut être con,
Donc on a pas le droit de critiquer ce qui est con dès lors que c’est minoritaire.

Ce qui fait qu’on a pas le droit de faire des commentaires sur l’islam, ou de critiquer les attitudes de certains descendants d’immigrés : c’est du racisme et de la discrimination.

- De la même manière que se pose le dogme syllogistique implicite du CRIF (pour CCIF, remplacer juif par musulman ) :

On n’a pas le droit de critiquer ce qui est juif,
Or ce qui est juif, comme tout le reste, peut être con,
Donc on a pas le droit de critiquer ce qui est con dès lors que c’est juif.

Ce qui fait qu’on a pas le droit de faire des commentaires sur le judaïsme, ou de critiquer les attitudes de certains Israéliens d’extrême-droite : c’est de l’antisémitisme. Il s’agit dans un cas comme dans l’autre d’une posture contre-productive et dangereuse.

III - La stratégie de dénonciation perpétuelle de R Diallo est-elle efficace ?

A - Produit-elle une évolution favorable des mentalités ?

Des associations comme Les Indivisibles, les Indigènes de la République, le CRAN, ou le CCIF ont vu le jour entre 2003 et 2006. Elles accompagnent les crispations croissantes de notre société, mais on ne voit pas en quoi elles contribuent à les apaiser. Il y a même lieu de penser que les crispations entre le racisme identitaire et l’antiracisme communautariste s’entretiennent et s’accentuent mutuellement (d’accord, ce sont les racistes identitaires qui ont commencé).

Si les actions de ce type d’associations peuvent avoir une efficacité, c’est de convaincre les convaincus. A commencer par leurs militants et leurs sympathisants. Elles ont essentiellement une utilité "psychologique", à savoir soulager ceux qui sont victimes de discrimination, après tout pourquoi pas. (reconnaissons toutefois au CRAN d’être parvenu à acquérir une certaine légitimité politique)

Car pour le reste, il existe en France un arsenal législatif bien fourni, une agence, la HALDE, chargée de faire respecter les textes contre la discrimination, et des associations bien implantées (LDH, MRAP, LICRA, et plus récemment SOS Racisme).

R Diallo, de par sa visibilité médiatique, contribue particulièrement à accentuer les crispations.
Ne prenons qu’un exemple récent. Elle faisait partie des invités de la 2e partie de l’émission "Des paroles et des actes" le 4 décembre dernier. Et elle a clamé devant des millions de téléspectateurs, à propos des femmes voilées et de l’islam : « la France […] change de visage, elle change de religion majoritaire, ce n’est pas grave » (2:04:25)

L’extrême-droite n’a plus besoin d’agiter son épouvantail favori, "l’islamisation de la France" : Rokhaya Diallo s’en charge toute seule comme une grande.

B - Détourne-t-elle des vraies questions ?

C’est l’avis de son premier interlocuteur, l’anthropologue et africaniste Jean-Loup Amselle, dans la vidéo de Mediapart (réservée aux abonnés, mais on peut prendre connaissance de la position de cet intervenant ici).

JL Anselme appelle au retour à une lecture marxiste, socio-économique, en termes de classes sociales (identités qu’il dit "horizontales"), laquelle a malheureusement laissé la place à une lecture sociétale, mettant l’accent sur les minorités déterminées par leur origine ethnico-raciale, leur statut ethnico-religieux, ou encore leur orientation ou leur identité de genre (identités qu’il dit "verticales").

Il fustige ainsi le marketing politique des associations, des "entrepreneurs d’identité ou d’ethnicité", qui sérialisent (en sens de Sartre, qui séparent) ceux qu’ils prétendent représenter.
Il défend l’universalisme contre l’assignation identitaire, que celle-ci soit infligée par la droite réactionnaire ou revendiquée par la gauche multiculturelle.

Il ne nie pas les discriminations, mais les considère comme un phénomène second qu’on met en avant pour masquer les inégalités de revenus.

Bref, il exhorte à se départir des pansements sociétaux et à revenir au social. Pour cela, il invite d’une part à réhabiliter le marxisme (en l’adaptant), d’autre part à renouer avec l’universalisme.

Coralie Delaume résume dans une tribune du Monde : « en agissant comme son double inversé, la gauche "diversitaire" utilise les mêmes armes que la droite identitaire. Dès lors, la différence entre les deux n’est plus qu’une différence d’intention. […] Car en pointant la qualité de "Blanc" ou de "Noir" de tel ou tel individu, en ethnicisant chaque problème, en validant l’utilisation du critère racial, la gauche multiculturelle se comporte comme "l’idiote utile" d’une droite qu’elle abhorre. »

IV - A défaut d’y apporter les bonnes réponses, Rokhaya Diallo pose-t-elle des bonnes questions ?

La société française souffre-t-elle encore de préjugés, de stéréotypes ?

Bien sûr que oui. J’aurais même tendance à penser que toute société est fondamentalement raciste. Que désigner ceux qui sont différents est propre à la société humaine, à la nature humaine.

Est-elle structurellement raciste ?

Bien sûr que oui. Les minorités visibles, comme on dit, sont loin d’être assez représentées dans le monde des dominants, des décideurs, des notables, des universitaires.

R Diallo n’est pas à côté de la plaque dans les questions qu’elle pose.

Par ailleurs, ce qui a conduit R Diallo a entrer dans le militantisme, c’est le regard de l’autre, le regard des Blancs sur elle-même ou les autres Noir(e)s.
Le Noir est avant tout celui à qui on fait remarquer qu’il est noir, le Maghrébin est avant tout celui a qui on fait remarquer qu’il est maghrébin.
Ceci renvoie évidemment à l’analyse de Sartre dans Réflexion sur la question juive.

identité

Le cercle vicieux est inévitable. Ceux qui se sentent assignés dans une identité vont eux-même reproduire cette assignation. Ce qui va les conduire à être encore plus écartés. Ce qui va les conduire par réaction à se retrancher encore plus dans cette identité. C’est bien entendu ce qui se produit chez nombre de jeunes issus de l’immigration qui, se sentant dévalorisés, stigmatisés, mis à l’écart, vont en rajouter dans la transgression des normes de la majorité et/ou le verrouillage identitaire. D’où accentuation de la stigmatisation et de la mise à l’écart, etc, etc.

Dans ce cercle vicieux il n’est pas toujours évident de déterminer où est la poule et où est l’œuf. Chacun sait bien que la couleur ou l’origine, ou même la religion, sont en réalité des facteurs moins importants que l’arrière-plan socio-économique, culturel ou familial. C’est le plus souvent s’ils sont victimes de cet arrière-plan que les Nord-Africains ou les Noirs vont être stigmatisés, tout comme l’ont été jadis les Ritals ou les Polaks.

Lorsque la "mixité sociale" consiste en une politique purement urbanistique, à savoir implanter des logements sociaux en dehors des ZUS ("Zones urbaines sensibles", terme qui va être remplacé en 2015 par "quartiers prioritaires de la politique de la ville"), un certain nombre de jeunes issus de l’immigration, dès qu’ils en ont l’âge, s’empressent de reproduire le code des ZUS (façon de s’habiller, de parler et de se conduire, mais également provocations, transgressions et infractions), suscitant soit l’exaspération soit la crainte des autres habitants.

Eh bien parmi ces autres habitants, les citoyens d’origine nord-africaine ou sub-saharienne qui se sont intégrés dans la société française (sans même parler des citoyens antillais) éprouvent exactement la même exaspération ou la même crainte que les "Blancs". Ceci illustre parfaitement que la couleur ou les origines ne sont pas les facteurs essentiels.

Bien entendu, nous autres les êtres humains partageons tous le destin d’être posés là, sur cette planète. Mais toute communauté humaine, même nos sociétés "ouvertes", repose sur des codes implicites, des convenances. C’est une observation anthropologique évidente. L’homme est loin d’être un animal purement rationnel, et il faut faire avec cette part d’irrationnel.

Il faut se demander pourquoi, malgré sa disqualification inlassable (et justifiée) par le mainstream médiatique, le Front National n’a pas cessé de progresser alors que le Front de Gauche piétine. Il faut se demander pourquoi les zemmourades se retrouvent en tête des ventes. Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant "Diversité ! Diversité ! Diversité !", mais ça n’aboutit à rien.

Quelle est la solution, en dehors d’attendre que les différences et les aspérités se résolvent au fil des générations ? S’il y avait une recette miracle, ça se saurait. L’universalisme prôné par Jean-Loup Amselle est certainement souhaitable. Et il est nettement plus cohérent de s’en prendre au monde de la finance plutôt qu’aux immigrés ou à leurs descendants. Mais, l’homme étant ce qu’il est, le racisme est-il soluble dans la lutte des classes ?...


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