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Une nouvelle législation anti-squat : un éloignement encore plus flagrant pour l’obtention d’un chez soi.

posté le 19/03/17 par Jan Slangen Mots-clés  alternatives  logement / squats / urbanisme 

A Gand, une maison qui était habitée, selon ses propriétaires, a été cambriolée. Suite à cela, elle a été clandestinement sous-louée à une famille sans abri. Les médias et les politiciens ont tout de suite sauté sur cette occasion pour essayer de décrédibiliser le mouvement des squats sous toutes ses facettes. Ils s’échinent d’ailleurs depuis à trouver des moyens pour criminaliser ce mouvement, alors que de nombreuses législations et procédures sont déjà en vigueur et pourraient permettre de réagir dans le présent cas de figure.

En effet, celui-ci n’est pas un squat. Squatter veut dire « occuper un logement qui est vide pour une longue durée ». Les squatteurs, qui occupent ce genre de logement, peuvent être des personnes sans-abris, des gens en difficulté financière ou des individus qui cherchent à dénoncer la crise du logement actuelle et les nombreux logements vides.

Suffisamment de législation existante en la matière

Contrairement à ce qui a été déclaré dans les médias, il existe suffisamment de textes législatifs et de procédures juridiques pour réagir à ce cas atypique de la ville de Gand. Cambriolage, destruction de clôtures et intrusion sont des crimes reconnus par la loi et répertoriés dans le Code Pénal. Une expulsion peut être effectuée après une procédure chez le Juge de Paix ou après une procédure unilatérale devant le Tribunal de Première Instance. Le dernier cas est un exemple de la justice expéditive qui a été créée afin d’agir dans les cas urgents, comme le cas présent, où il est question de vol de biens publics (eau, électricité, gaz,...) et où les occupants peuvent être légalement expulsés quelques jours après le début de la procédure d’assignation en justice.

Le coût élevé des procédures est un autre problème, qui ne se pose pas seulement pour les propriétaires d’immeubles et dépasse la problématique du logement. Nous assistons à l’installation accélérée en Belgique d’un système judiciaire à deux vitesses. Pour les citoyens disposants de budgets normaux ou limités, il est devenu presque impossible et impayable de défendre leurs droits en justice. Pour les les plus riches et les grandes entreprises (comme les agences immobilières et les spéculateurs immobiliers), la législation existante n’est souvent qu’un problème ennuyeux à contourner pour continuer à engranger des profits et ils ont aussi tous les moyens pour s’offrir les services d’une armée d’avocats et gérer ainsi de multiples batailles procédurales.

L’échec du gouvernement concernant le manque d’habitation et l’immobilier vide d’occupation

Tout le monde sait qu’il y a une grande demande de logements de qualité et financièrement abordables. Les listes d’attente pour les logements sociaux sont très longues et les solutions pour cette grande problématique sociale ne semblent pas prioritaires pour les autorités. (1)(2)
A Bruxelles, il y a un nombre des bâtiments vides difficilement chiffrable de façon exacte à cause de la mauvaise gestion et un manque de volonté politique. Entre temps, il y a 50.000 familles qui sont inscrites sur des listes d’attente, souvent pendant plusieurs années. (3)(4)

La croissance déséquilibrée entre le prix des loyers et les revenus s’accélère. Des locataires doivent sacrifier de plus en plus une grande part de leur revenu uniquement à leur logement. Trouver un logement de qualité dans les limites de leur budget devient donc de plus en plus difficile. (5) Les mesures pour la prise en charge des sans-abris sont également insuffisantes. Et malgré toutes les initiatives existantes, il y a encore des milliers de gens qui dorment dans la rue.

Il existe pourtant des procédures pour réquisitionner l’usage des bâtiments vides pour y loger temporairement des SDF ou des gens en nécessité. La loi Onkelinx, qui date des années nonante , et les codes de logements régionaux, avec ses clauses concernant la gestion sociale sont pourtant prévue pour y pallier. Néanmoins, ces mesures n’ont été utilisée que quelques fois depuis. Pour les bâtiments et les logements qui ne sont pas occupés structurellement pour des raisons de spéculation et de profit, utiliser ces outils de façon plus systématique pourrait être un bon signal pour les propriétaires et spéculateurs immobiliers.

De plus, la taxe sur les bâtiments vides qui a été créée pour stimuler l’utilisation de ces bâtiments n’a pas eu l’effet escompté. Soit est-ce dû à un manque de volonté dans le monde politique local de vraiment prendre cela en main, soit les propriétaires y échappent par de nombreuses autres clauses présentes dans la législation ou par des constructions créatives dans leur comptabilité (légales ou pas). Pour le peu de propriétaires qui payent cette taxe, c’est souvent une justification pour laisser leurs bâtiments vides.

C’est donc le noyau central de cette problématique. D’un côté, les bâtiments sont considérés comme des moyens d’investissement qui n’ont rien à voir avec le droit au logement. De l’autre, les bâtiments vides sont acceptés comme stratégie économique en temps de crise de logements et donc pas combattus par l’Etat dans ce cas.
Le droit à la propriété est presque toujours favorisé par rapport au droit au logement. Bien que les deux soient inscrits dans la Constitution Belge et que la Convention Européenne des Droits de l’Homme soit de plus en plus interprétée pour soutenir le droit au logement.

En proposant une nouvelle législation pour criminaliser les squats, le gouvernement prend le parti des spéculateurs et des multi-propriétaires d’immobilier. Le citoyen moyen et les pauvres qui sont confrontés à la crise de logement restent dans le froid. Avec cette loi, ils seront encore plus confrontés aux répressions lorsqu’ils voudront prendre leur situation en main.

Les squats et les occupations précaires : une solution citoyenne et responsable

Squatter des bâtiments qui ont été vides pendant longtemps n’est pas un problème en soi. Pour beaucoup de gens pour lesquels le gouvernement ne trouve pas de solution, cela permet une solution de sauvetage temporaire. Même les travailleurs sociaux et les institutions gouvernementales comme le CPAS et les centres pour réfugiés renvoient des gens pour qui ils ne trouvent pas de place vers les squats et occupations stables. D’autres personnes prennent leur sort en main et créent leurs propres solutions en occupant des bâtiments vides.

Sur le long terme nous pensons que la criminalisation des squatteurs amènera beaucoup de frais supplémentaires à la société civile. La possibilité d’habiter dans un squat et de se domicilier évite que beaucoup de gens tombent dans la précarité avec les problèmes sociaux, psychologiques, de santé et de dépendances qui vont souvent de pair. Devoir gérer tous ces problèmes reviendra beaucoup plus cher à la société que de tolérer et de légaliser les squats de bâtiments vides.

Par ailleurs, les squatteurs ne sont pas des sauvages avec qui il n’y a pas moyen de parler ou de collaborer. Souvent ils agissent en bons pères de famille, entretiennent et assurent le bâtiment et ce faisant, ils le protègent contre le délabrement. Sous cet angle, on pourrait donc les considérer comme des alliés de la bonne conservation de l’immobilier du propriétaire.

A Bruxelles, il y a beaucoup d’exemples d’accords entre propriétaires et occupants. (8) Ces accords peuvent même être officialisés par un contrat d’occupation temporaire. C’est une forme juridique qui – contrairement au contrat de loyer – assure assez de flexibilité pour les projets futurs des propriétaires concernés. Ces collaborations ne soulagent pas seulement temporairement la crise du logement mais répondent également au manque d’espaces culturels dans les villes où une grande diversité de gens cherchent à se réunir, créer ensemble et ajouter une valeur humaine à la société. L’austérité n’a pas seulement fait que la crise du logement ait empiré, la culture en est aussi la victime.

Les associations suivants soutiennent et signent ce texte :

Woningen 123 Logements : http://www.123rueroyale.be/
Het Brussels Platform Armoede : www.brussels-platform-armoede.be
Chez Nous - Bij Ons : http://users.skynet.be/cheznous.bijons/
Si vous voulez soutenir et signer ce texte avec votre association, contactez-nous via janslangen@gmail.com

NB : Mardi prochain, le 21 mars, il y aura une manifestation pour le droit au logement et contre la criminalisation des squats. Rendez-vous à 18h à la porte de Namur ( 21/3)
Cette manifestation était prévue depuis plus longtemps mais à cause des faits récents, elle est plus actuelle que jamais. Voir plus d’infos : ici.

Notes

1) En 2016, 105.370 personnes étaient en attente d’un logement social en Flandre. C’est une augmentation de 13% par rapport à 2013 et de 30% par rapport à 2011. Ceci est la conclusion d’un rapport de 2015 de la Société Flamande chargée au logement social. En moyenne, le temps d’attente dure entre 2 à 5 ans avant qu’un logement social soit attribué à un candidat-demandeur sur la liste d’attente.

2) Pendant la dernière législature à Gand, et en faisant la différence entre le nombre de logements sociaux qui ont disparus et le nombre des nouveaux logements sociaux, on peut conclure qu’un seul logement social fût créé.

3)Le quartier de La Roue à Anderlecht où 80 logements ont été murés et la cité Floréal à Watermael-Boitsfort où 164 logements sociaux restent abandonnés, sont deux exemples frappants de cette situation. Les sociétés de logements sociaux n’hésitent pas à expulser les locataires qui ne peuvent plus ou ne veulent plus payer ainsi que des squatteurs.

4)En 2016, en Flandre, un record de bâtiments vides fut officiellement constaté : 23.037 bâtiments, dont 16.370 logements. Suite à l’interpellation de la députée du CD&V Valerie Taeldeman au Ministre du logement N-VA Liesbeth Homans, le nombre aurait, en un an, augmenté de 20%.

5)Le loyer moyen a également augmenté de 346 euros en 1992 à 695 euros en 2014. Rien que de 2004 à 2013, il y a une augmentation de 20% pour les loyers. Pour mémoire, un célibataire reçoit 860 euros comme salaire minimum au CPAS et 760 euros quand il est au chômage. Les organisations qui se préoccupent de la pauvreté conseillent pourtant de ne consacrer qu’un tiers de son revenu à un logement.

6)Le 6 novembre 2014, La Strada (Centre d’appui au secteur Bruxellois d’aide aux sans-abris) a compté une dernière fois le nombre de personnes sans-abris et mal logés dans les 19 communes Bruxelloises ainsi que dans la zone de l’aéroport de Zaventem. Ils ont dénombré 2603 personnes, dont 30% de sans-abris, 31% de sans domicile fixe et 37,5% en logement inadéquat. L’organisation précise que, pour diverses raisons, les chiffres estimés sont sous-estimés par rapport à la réalité. En comparaison avec le dénombrement de 2010, le nombre a plutôt augmenté de 33%. Entre-temps, le nombre de logements vides est également estimé de 15.000 à 30.000, cela représente 3 jusqu’à 6 logements vides pour 1 sans-abri.http://lastrada.brussels/portail/fr/denombrement-2014

7)En Flandre, à la demande du Ministre du Bien-Être, « Steunpunt Welzijn, Volksgezondheid en Gezin » a procédé à une étude afin d’obtenir une base de référence à propos de la population de sans-abris et de sans domicile fixe. Pendant la période du 15 janvier au 15 février 2014 et ce pendant la trêve hivernale, 711 adultes et 53 enfants furent enregistrés, ainsi que 3019 adultes et 1675 enfants dans les refuges du CAW (Centrum Algemeen Welzijn) et dans les maisons de transition du CPAS. 599 personnes furent menacées d’expulsion pendant cette période de l’enquête. Les enquêteurs de l’étude admettent aussi que les chiffres restent sous-estimés par rapport à la réalité, et ce particulièrement par rapport au gens qui vivent dans la rue. Ce qui est certain est que le nombre de sans-abris est plus bas que le nombre de logements vides en Flandre. Ceci est également le cas au niveau Européen : selon le FEANTSA, 11 millions de logements sont vides en permanence alors que le nombre de sans-abris est estimé à 4,1 millions. Cela correspond à un moyenne de 3 logements vides pour 1 sans-abri.

8) A Bruxelles, plusieurs associations luttent contre les bâtiments vides et la crise du logement ainsi que pour plus d’espaces culturels avec un loyer abordable. Plusieurs d’entre elles ont d’abord squatté des bâtiments avant de conclure avec les propriétaires de ces logements, un bail d’occupation précaire.
Quelques exemples :

  • L’ASBL Woningen 123 Logements occupe le 123 Rue Royale avec l’accord des autorités Wallonnes et gère un projet d’une dizaine des bâtiments vides situés Rue du Progrès à Schaerbeek, dont la Poissonnerie, avec l’accord d’Infrabel. Les propriétaires sont donc respectivement les autorités Wallonnes et Infrabel.
  • L’ASBL Communa a, depuis leur occupation unique du départ, créé un réseau d’occupations précaires sous plusieurs asbl, afin de pouvoir mieux organiser séparément leur projets.
  • Leeggoed : une occupation précaire de plusieurs appartements qui sont rénovés par les habitants, épaulés dans leur démarche par l’asbl Samenlevingsopbouw avec l’accord du propriétaire Le foyer Ixellois.
  • Vzw Toestand : qui a comme préoccupation principale la création d’espaces socioculturels pour des jeunes. Ils ont une occupation précaire dans la zone maritime (Allée du Kaai) et à Anderlecht (Biestebroek)

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