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Reclaim the night 2018, encore un compte rendu

posté le 06/04/18 par plouc Mots-clés  féminisme 

Le 31 mars a eu lieu la quatrième reclaim the night à bruxelles, marche de nuit en mixité choisie sans mecs cis. Pour marcher ensemble la nuit et se réapproprier l’espace public, dans lequel on subit quotidiennement harcèlement, restrictions, discriminations et violences sexistes, quand on est étiquetées femmes et/ou qu’on n’accepte pas de se restreindre ou de s’assimiler à l’identité de genre qu’on nous a imposée à la naissance.

On marche ensemble la nuit pour se sentir fort-e-s et capables, de jour comme de nuit, de défendre notre espace, de se faire respecter. Alors qu’on nous a appris à faire profil bas et s’écraser, pour éviter d’avoir plus de problèmes, parce qu’on n’était pas assez fort-e-s, nombreu-x-ses, légitimes pour se défendre.
Pour faire comprendre aux connards, machos, fachos, racistes, homo-et transphobes de tous genres et tous milieux que l’espace de tou-s-tes n’est pas leur privilège de naissance et que nos corps nous appartiennent.
Pour gueuler haut et fort contre toutes les violences qu’on subit, aussi, tou-te-s, en silence, dans l’intimité de nos maisons, familles, couples, cabinets médicaux, administrations, etc. Et qu’on devrait assumer et taire dans la honte et la culpabilité.

On marche pour gueuler ensemble notre haine et notre dégoût de l’Etat et du patriarcat, de toutes les formes d’oppressions qui structurent le maintien de l’ordre social, basé sur la domination et l’exploitation, qui nous voudraient passi-f-ve-s, impuissant-e-s et silencieu-x-ses.
Parce que l’Etat démocratique alimente le fascisme grandissant, en Belgique comme partout, en donnant plus de moyens à la répression et au contrôle, de toutes parts. En organisant la misère, en la faisant croître pour en tirer profit. En retirant les quelques avantages et protections existantes aux populations les plus vulnérables, pour accroître son pouvoir de contrôle sur la population entière, par la terreur.

On marche quoi, pour être ensemble, gueuler chanter rire et se sentir fort-e-s et capables, et non plus isolé-e-s et vulnérables.
Pour faire chier aussi, un bon coup ! Parce qu’il faut qu’on soient chiant-e-s, on ne l’est jamais suffisamment !

Cette marche n’était pas autorisée, parce qu’il n’y a aucune raison de devoir demander l’autorisation de prendre la rue, aucune raison d’attendre d’une quelconque autorité le droit de se manifester. Puisqu’elle ne le concèdera qu’en ses propres termes, et que ceux-ci, lui obéir, respecter ses normes et conventions, accepter ses flics et prisons, font JUSTEMENT partie du problème...
On ne demande pas la liberté, on la prend, l’affirme, l’acte !
Dans un contexte social de plus en plus mortifère, où la répression, les flics, les soldats, le contrôle, les caméras, les messages de peur et de haine veulent nous confiner au désespoir et au chacun pour soi, il est essentiel de continuer à sortir librement, de plus en plus souvent, de plus en plus nombreu-x-ses, sans attendre. Pour faire exister de l’espace de liberté, et respirer l’air qu’il nous manque. Pour se rencontrer et se reconnaître, créer des liens de solidarité.

Alors voilà, la manif n’étant pas autorisée, on a eu droit aux flics, présents au point de rendez-vous, pour nous ordonner de nous disperser. Sauf qu’on est parti-e-s quand même !
Une centaine, joyeusement, on crie « le rue, l’espace, la place pour nous ! », « à bas l’Etat et le patriarcat », « tout le monde déteste la police », « à qui la rue ? À nous la rue », et d’autres slogans qui vibrent. On remonte la place Sainte-catherine, on allume des flambeaux, la place du marché aux grains, on fait demi-tour en face d’un premier barrage de police, on s’engouffre dans la rue sainte-catherine, et c’est là qu’on se fait nasser. Comme l’année dernière. Sauf que cette fois-ci les consignes sont strictes, ils ne doivent faire preuve d’aucun excès (ils ont eu mauvaise pub l’année dernière, lors de la dernière reclaim the night).
Et on a droit au grand jeu, le débarquement par camion de barrières nadar recouvertes de baches pour invisibiliser leurs opérations aux yeux d’un public déjà rassemblé aux alentours pour nous soutenir, exprimant sa colère et sa réprobation (plusieurs d’entre eux et elles sont d’ailleurs venus grossir nos rangs dans les fourgons...).

Ils nous ont donc extipé-e-s les un-e-s après les autres, nous démasquant, nous prenant en photos de force, nous fouillant. Celle et ceux qui résistaient se sont évidement fait remettre à leur place à coup de clés de bras, étranglements, coups de pieds dans le visage, le sternum, maintien au sol genoux dans le dos (le même procédé qui a provoqué la mort d’Adama Traoré, à Beaumont-sur-Oise, le 19 juillet 2016)...toutes techniques efficaces et brutales mais ne laissant que peu de traces et évitant les cris. Le message est clair, si ils font les choses dans les règles et sans trop d’effusions, les bonnes gens trouveront que finalement l’ordre est maintenu, tout comme il existe des « niveaux » de présence militaire tolérable, et des « seuils » de toxicité pour les pollutions nucléaires ; etc.
La démocratie est une sorte d’affaire de propreté.

Les flics pourtant ça leur démange de pouvoir leur en coller à ces chieu-r-se-s, et ça se ressent pendant le trajet en bus, où ils insistent pour nous imposer leur point de vue sur le « flics, violeurs, assassins » qui les auraient choqués (et oui oui le VIOL de Théo Luaka, à Aulnay-sous-bois, puisque la justice a décidé que ce n’en était pas un, ben c’est pas juste, hein, « flics, violeurs, assassins »...).
Et particulièrement à l’arrivée au commissariat des casernes, où le large comité d’accueil nous reçoit à coups d’insultes sexistes, racistes, de provocations humiliantes, et où les copines trans se font menacer de fouilles par des hommes et où on les emmènent malgré leur protestations dans des cellules pour hommes, en leur disant que ne pas trop se faire remarquer, si elles ne veulent pas de problèmes.
Ben oui, c’est bien ça leur rôle après tout, aux keufs, remettre les choses en ordre, non ?
Nous remettre tous et toutes à la place où on nous attend.

Sauf que là non plus on n’est pas seules, et on affronte collectivement.
On se tient chaud, on chante, on papote, on gueule pour que l’un-e puisse aller pisser, qu’on dé-serre les colçons de l’autre...on les insultent, on se fout de leur gueule, on les ignore...on admire les jolis tags- liberté - dans toutes les langues, qui tapissent les murs des cellules. On tapisse les murs des affiches qu’on n’aura pas eu le temps de coller dehors.
On se brieffe sur la suite des opérations, ce qu’on risque à donner ou pas nos noms, le temps que ça pourrait prendre avant d’être dehors, on échange des infos...on s’organise, on communique, comme on fait souvent, avec intelligence.

On attend.

On vient nous chercher au compte-gouttes finalement, pour nous demander de déclarer nos identités.
À la fin, 9 continuent à refuser.
Elles et ils se disent que ça vaut le coup, pour faire chier, pour pas être identifié-e-s, qu’à 9 ça se tente et qu’elles-ils se feront peut-être relâcher plus rapidement.
Alors ils les transfère à l’amigo, et arrivé-e-s là leur annonce qu’elles-ils sont gardé-e-s pour séjour illégal (aucun-e d’entre elles-eux n’a entendu parler de ce genre de situation auparavant) et risquent jusqu’à 24h, en cellules individuelles, après avoir dû donner empreintes et photos, pour qu’ils puissent procéder à une vérification au registre des personnes recherchées.
Ce qui sous entend aussi, bien sûr, 24h de pressions psychologiques et peut-être physiques, pour les faire craquer.
La menace, réelle ou coup de bluff ?, aura raison de leur détermination et elles-ils finiront par donner leurs identités. Tou-te-s seront relaché-e-s dans la foulée.
Malgré la colère d’avoir cédé à un de plus de leurs chantages, elles-ils se dit qu’en fait il leur reste encore ce choix-là, finalement, donner l’identité ou pas. Pas comme un privilège, juste comme une marge de manœuvre face à l’aliénation de la privation de liberté.
Beaucoup de gens qui vivent parmi nous ne l’ont pas. Et s’en vont pour de longs séjours dans des centres prisons pour migrants.

Enfin, vers 2h on sera tou-te-s de retour au 123 pour le débrief, le ventre plein.
Sans doute pas mal de choses à revoir, dans l’organisation pratique...on parle du contexte bruxellois, de toutes les manifs autonomes qui ont été interdites depuis quelques temps...de propositions d’autres formes de manifestation, d’autres lieux. On parle de la force d’être resté ensemble, des stratégies collectives à imaginer pour se solidariser avec les personnes trans au moment du passage au comico, de l’envie de certain-e-s de redéfinir les critères de la mixité choisie ;
beaucoup de sujet lancés sur le tapis, qui trouveront certainement leur développement, jusqu’à la prochaine fois !


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