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Les apprentis-sorciers de l’islamophobie et du fascisme

posté le 25/04/18 Mots-clés  antifa 

Quand la trahison est prônée en politique, quand des discours s’affranchissent de tous les principes d’humanité, de solidarité, de fraternité, de sens du service public, il ne faut pas s’étonner que des people se lancent dans des diatribes islamophobes et que des fachos fassent mine de bloquer une frontière. En toute impunité.

Le cimetière Méditerranée

Dossier du Monde [12 avril] avec un article d’Anne Chemin sur l’Europe qui se ferme et, parallèlement, des morts aux frontières de plus en plus nombreux (au moins 40.000 morts depuis 20 ans, "peut-être 2 ou 5 fois plus"). Et un texte de la juriste Mireille Delmas-Marty, qui convoque le "principe d’humanité" de Kant : la terre est ronde... ce qui "oblige les êtres humains à se supporter parce que la dispersion à l’infini est impossible, et qu’originairement l’un n’a pas plus de droit que l’autre à une contrée". Principe sans doute difficile à mettre en œuvre mais qui commande à une République, qui a érigé la Fraternité comme une de ses valeurs suprêmes, à faire plus d’efforts qu’elle ne fait.

Les fachos du Col de l’Échelle

Venus de plusieurs pays d’Europe, des USA et du Canada, activistes d’extrême-droite, ségrégationnistes, négationnistes, racistes et antisémites. Ce n’est peut-être qu’un début...

Collomb et le Grand Remplacement

Toujours Maryline Baumard : dans Le Monde du mardi 17 avril, elle révèle les propos tenus par Gérard Collomb, ministre de l’intérieur, devant les députés de la commission des lois. Celui qui, paraît-il fut socialiste, parle d’une "vague", de "grand remplacement" (thème de l’écrivain identitaire d’extrême-droite Renaud Camus). Il prétend que "certaines régions sont en train de se déconstruire parce qu’elles sont submergées par les flux de demandeurs d’asile" ! Il répète qu’il faut "résoudre la crise migratoire". Comportement totalement irresponsable d’un ministre qui fait du vote de la loi sans modification une affaire personnelle. Mais aveu que cette loi a bien pour but unique de compliquer le plus possible l’asile.

. Stéphane Le Foll, dans une lettre à ses "cher.e.s camarades", n’hésite pas à évoquer les "menaces qui mettent l’Europe à l’épreuve, celle du terrorisme, de la pression migratoire". Maladresse ? Quand on est à ce niveau de responsabilité on ne commet pas ce genre de rapprochement.
Bourdin lourdingue

Interviewant Macron, Bourdin voulait faire son Roger Gicquel : il trépignait d’impatience, il voulait dire à tout prix quelque chose avant la fin : "l’islam fait peur à une partie des Français, est-ce que vous comprenez ?", puis insatisfait de la réponse du Président qui constate qu’il y a "4,5 à 6 millions de gens en France qui croient dans l’islam", il répète : "l’islam est là, et l’islam fait peur". Macron rappelle qu’il a "constamment fait le distinguo" (entre l’islam et l’islamisme radical).

Alors l’intervieweur de RMC et de BFM-TV assène, sur le ton tonitruant qu’on lui connaît, sa litanie sur les élèves "qui disent n’obéir qu’à Allah, qui affirment que l’islam appartient à la vérité, qui ne respectent pas la minute de silence et qui sont prêts à partir au djihad". "Que leur dites-vous ?", dans une colère fabriquée dont il a le secret. Jusqu’à faire mine de ne pas avoir entendu ce que lui a répondu Emmanuel Macron sur les jeunes dans les écoles de la République. Il devait ressasser son affaire, il a déjà procédé ainsi avec des invités, répétant ces mêmes phrases depuis longtemps. Même si des enseignants (enfin ceux qui ne cherchent pas à faire propagande islamophobe et à cultiver systématiquement tout ce qui pourrait créer dissension) nient être confrontés à de tels problèmes. Cela relève plus des lubies d’Alain Finkielkraut : non qu’il n’y ait pas de problèmes, mais des enseignants disent savoir les dépasser en échangeant réellement avec leurs élèves, pas en se précipitant sur des plateaux de télé pour faire le buzz et attiser la haine.

Je trouve que l’on passe un peu trop sous silence cette phrase gravissime ("l’islam fait peur"), prononcée par une star du petit écran qui livre là une opinion personnelle. En toute impunité : que se passerait-il si un autre irresponsable se mettait à proférer : "le judaïsme ou le catholicisme fait peur".


Bruckner, l’Inquisiteur

Pascal Bruckner est l’un des signataires du "manifeste contre le nouvel antisémitisme" parlant d’une "épuration ethnique à bas bruit" qui a été lancé par l’islamophobe Philippe Val et qui rejoint en fait le délire de Renaud Camus et des identitaires du Grand Remplacement. Le pôvre Bruckner, il cherche depuis si longtemps à exister face à Finkielkraut ! Ce lundi matin (23 avril), il était l’invité de France Inter : il a continué, avec le manque d’assurance qu’on lui connaît, à tourner autour du pot afin d’assimiler islam et islamisme. Je m’étonne qu’on invite encore un pamphlétaire qui s’est permis sur France 2 (dans l’Emission Politique) à dire non seulement que "les islamistes se réclament de l’islam, donc on ne peut dissocier les deux" (alors même qu’on ne cesse de répéter que les Musulmans sont les premières victimes du terrorisme qui se revendique de l’islam), mais, pour justifier cette thèse du "lien idéologique entre l’islam et l’islamisme", il avait fait un parallèle avec l’Inquisition : "c’est comme si on disait que l’Inquisition n’avait pas de lien avec l’Eglise catholique".

Il n’y a aucun rapport car l’Inquisition agissait non pas au nom d’une prétendue allégeance au catholicisme mais sur ordre express de l’Église catholique qui, reconnue comme telle, représentait officiellement le catholicisme. Il s’agit donc chez Bruckner d’un aveu : pour lui, Daech c’est l’islam, et donc tous les Musulmans qui ne se revendiquent pas de Daech (en sont même victimes) ne seraient pas Musulmans ! Il se drape dans les crimes commis par des terroristes (y compris précisément contre des Juifs et des enfants juifs) pour en faire ses choux gras, attiser les haines dans l’espace public, dans un comportement totalement anti-laique.

C’est indigne : car non seulement il diffuse des chiffres faux (sur les Juifs conduits à déménager parce qu’ils ne se sentiraient plus en sécurité) mais il livre le fond de sa pensée en accusant une certaine gauche d’avoir choisi de soutenir les Musulmans plutôt que les Juifs puisque les premiers sont plus nombreux. Il désignait ce lundi matin nommément l’auteur de cette thèse... Pascal Boniface, thèse qu’il n’a en fait jamais soutenue. C’est dire le sérieux de ce prétendu philosophe.

Le manifeste

Racisme, islamophobie, de la part de ces signataires dont certains ont déjà montré leur inhumanité : Aznavour réclamant de n’accueillir que les réfugiés savants ou génies, Depardieu couvrant les despotes tortionnaires (comme celui de Tchétchénie), tous deux fuyant la France pour ne pas assurer leur devoir contributif de citoyen. Aucune leçon à recevoir de ces gens-là, qui par ailleurs ne connaissent rien du sujet dont cause leur pétition, se contentant de signer un délire de Philippe Val. Ce manifeste vient peu après un appel de "100 intellectuels" contre le "séparatisme islamiste", lancé le 20 mars, qui a été copieusement diffusé par des sites fachos, regrettant qu’il n’aille pas assez loin dans la condamnation des Musulmans.

« Ils se sont retrouvés sans patrie »...

Je dédie ce texte à Gérard Collomb et à tous les députés qui ont voté la loi asile et immigration :

« Les guerres civiles n’ont pas seulement été plus cruelles et plus sanglantes que les précédentes, elles ont entraîné l’immigration de groupes qui n’ont été accueillis nulle part. Une fois qu’ils ont quitté leur patrie, ils se sont retrouvés sans patrie ; une fois qu’ils ont abandonné leur Etat, ils sont devenus apatrides ; une fois qu’ils ont été privés des droits que leur humanité leur conférait, ils se sont retrouvés sans droits, la lie de la terre. Rien de ce qui était en train de se faire, quel que fût le nombre de gens qui en connaissaient et qui en prédisaient les conséquences, ne peut être défait ou évité. Le moindre événement a pris l’inéluctabilité d’un jugement dernier, jugement qui ne serait l’œuvre ni de Dieu ni du diable, mais ressemblerait plutôt à l’expression de quelque irrémédiable et stupide fatalité ».

Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme (1951)


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