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Quand l’emploi du mot « schizophrénie » sert de raccourci ou d’exutoire verbale

posté le 24/06/18 par Une mère. Mots-clés  luttes sociales  médias  répression / contrôle social 

A la radio ou dans la presse papier, l’emploi du mot « schizophrénie » sert souvent de raccourci ou d’exutoire verbale. La plupart du temps en toute désinvolture.

Je suis dans le métro, des ados à casquettes chahutent, se bousculent, s’interpellent d’un : « t’es schizo toi ou quoi ? ».
Sur une antenne de radio, j’écoute la rubrique sérieuse d’un économiste qui explique la « schizophrénie du gouvernement » qui cherche à attirer des investisseurs étrangers, mais que pour l’instant « ça bloque faute d’accord ! ».

Dans un article enrichi de la jolie photo pleine page d’une actrice, je lis que cette jeune personne hésite entre aller rejoindre Hollywood ou bien rester en France, et, du coup, l’auteur de ce papier précise que la belle devient schizophrène devant un tel dilemme.
François Hollande qui hésitait à se représenter pour l’élection à la présidence de la République a été “diagnostiqué” schizophrène, en gros titre et à la première page d’un quotidien.
Trois jours après, c’était au tour de Manuel Valls d’être déclaré « bi-polaire » à cause de son manque de soutien à ses collaborateurs à l’assemblée nationale.
Et pas plus tard qu’hier, une journaliste écrit à propos d’une expo « Black Dolls » proposée à la maison rouge : toutes ces poupées sont le puissant reflet d’une « schizophrénie ravageuse ».
J’irai jeter un œil à cette expo, c’est sur les quais, à Bastille, je pourrai découvrir ce qu’est “la schizophrénie ravageuse”, c’est assez inédit de voir exposées des poupées atteintes de cette maladie.
Il y a quelques semaines, à la radio, j’écoute une émission qui s’intitule “fascination de l’Égypte” et à l’antenne j’apprends en direct que les les pharaons étaient quelque peu “schizophréniques” tant ils faisaient des choix improbables concernant les régions où édifier les pyramides...

Le week-end de Pâques, dans un supplément de quotidien j’apprends cette fois qu’une historienne dont la journaliste dresse le portrait...et bien cette écrivaine est “gaiement schizophrène” , ah bon !?
Ça existe ??
Oui, la journaliste explique plus loin pourquoi :
Sur le répondeur téléphonique de cette dame, un message explique que l’on peut laisser un message à Dominique l’historienne ou bien un autre message à Marie-Noëlle, c’est son nom à la ville.
Dominique + Marie-Noêlle = 2 personnes
Et la journaliste ajoute que c’est réjouissant d’entendre çà. Réjouissant c’est le terme qu’elle emploie, et du coup le couperet tombe : la dame est atteinte “schizophrénie joyeuse”
Et hop !
Personne n’est à l’abri, semble-t-il.
Et la liste de ce genre d’articles et d’émissions n’est pas exhaustive.

Des auditeurs, des lecteurs, ont été blessés, humiliés, révoltés par l’emploi de ce mot devenu commun, ordinaire, usité à tort et à travers. Oui, en effet, les médias parlent, désignent des personnes atteintes par une pathologie désignée par l’OMS, parmi les dix plus invalidantes.

J’invite les aidants à lire sur le site PROMESSES le résumé d’une étude menée par le Docteur Yann Hodé, psychiatre, qui explique que cette inclination à l’usage de ce mot est spécifiquement française.
Il précise, dans son enquête que ce terme (sur une durée de 4 ans) est employé dans 2000 articles. Il n’est retenu seulement que dans 44% des cas dans son sens médical !

La schizophrénie n’est PAS un dédoublement de la personnalité, elle n’est pas NON PLUS un délit. Elle est une pathologie mentale qui se déclare généralement à la fin de l’adolescence. C’est un trouble psychique sévère qui s’invite, qui brise, qui confisque la jeunesse et son insouciance à celles et à ceux qui en sont atteints.
Mesdames et Messieurs les journalistes, s’il vous plaît, consultez vos dictionnaires, la langue française est riche en synonymes, arrêtez de nous maltraiter les yeux et les oreilles. Utilisez des termes adéquats, appropriés. Vous n’en aurez que plus de talent.
Si vous aimez tant ce mot écrivez plutôt sur la recherche. Vous pourriez mettre en lumière les nouvelles thérapies qui nourrissent l’espoir. D’un même élan, vous pourriez parler du dépistage qui petit à petit se met en place.
Avec tous les moyens en communication mis à votre disposition, aidez nous plutôt à faire circuler une information précise, à relayer quelque chose d’efficace.
Oui, s’il vous plaît, contribuez à aider les malades à se faire une place dans la société.
Je vous en remercie, tous les aidants vous remercient.

Pensez à tous ces malades handicapés par cette maladies que vous affublez, que vous stigmatisez pour attiser je ne sais quel appétit, pensez à ces -schizos- qui ne sont pas deux, comme vous le prétendez, mais bien tout seuls, pour chercher un logement, un boulot, bien tout seuls et bien en panique pour monter dans un métro, un bus, et bien seuls aussi pour se rendre tout simplement à la boulangerie.

Alors qu’ils soient “ schizos ravageurs, pharaoniques, présidentiels, joyeux”, ce sont nos enfants, nos frangines et frangins, bref ce sont “nos schizos” que nous aimons, aidons comme tous parents, de toutes nos forces.

Une mère.


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