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2 Forces et 2 faiblesses d’Extinction Rebellion

posté le 09/08/19 par Bons sens commun Mots-clés  action  luttes sociales  luttes environnementales  réflexion / analyse 

Parce que le moment est important et enthousiasmant.
Parce que débattre de nos limites nous fait aller plus loin.

« The fight for climate justice is the fight of our lives, and we need to do it right. »
(The Wretched of the Earth)

2 forces

- Dire la vérité

Ça fait un bien fou. De nombreuses personnes qui s’organisent enfin pour faire connaître les choses telles qu’elles sont, exposer la situation de notre biosphère comme elle est. Des personnes qui refusent de continuer à utiliser l’espoir niais, plutôt de la lucidité et de l’action sur base de cette lucidité.

Il n’y a pas besoin de faire dans la surenchère, la catastrophe se généralise et s’amplifie. La seule chose dont il faut faire attention est la manière de présenter les choses, éviter d’alimenter le commerce de la peur.

En décrivant les choses comme elles sont, XR (Extinction Rebellion) fait également connaître le fait que les plus riches sont en train de s’organiser pour faire face le plus longtemps possible à cette situation écologique, alors qu’ils en sont à l’origine.

En décrivant les choses comme elles sont, XR explique clairement pourquoi les réponses adéquates à la situation ne viendront pas du pouvoir en place.

- Accueillir de nombreuses personnes qui « cherchaient quelque-chose »

De plus en plus de personnes se rendent compte que la situation écologique rabat les cartes pour de larges pans de leur vie : emploi, habitat, famille… Les associations écologistes les plus connues ont été une des seules choses que les jeunes en grève pour le climat avaient à se mettre sous la dent pour agir. Pourquoi ? Parce que les mouvements écologistes plus autonomes sont moins atteignables, inconnus. Un peu de la même manière, mais en étant moins institutionnalisé et en proposant la désobéissance civile que beaucoup cherchaient, XR est désormais un des points de chute principaux pour toutes ces personnes.

XR brasse large donc, en plus d’être un symbole qui facilite le ralliement international. Ce que peu d’organisations écologistes, institutionnalisées ou non, ont réussi à faire en termes de quantité (en ce compris l’Earth Liberation Front). Reste la qualité, reste à voir ce qui est fait de cet impact : au vu des faiblesses de XR, le risque est grand d’alimenter un sentiment d’impuissance chez énormément de personnes et de les manipuler (consciemment ou inconsciemment) avec des analyses mensongères sur l’action collective.

2 faiblesses

- Vouloir freiner l’extinction, sans le faire

À ce jour, XR a principalement fait des actions symboliques. Et c’est normal, puisque son objectif est d’abord celui d’une opération de com’. Mais la situation ne nous permet plus de jouer ce jeu encore longtemps. Vouloir « mobiliser » un peu moins d’une personne sur vingt de la population totale est intéressant, mais pour quoi faire ? Du symbolique jusqu’à « être entendu » ? On peut faire et on doit mieux…

La désobéissance civile ce n’est pas le fait de se faire arrêter par la police, c’est faire soi-même sans respecter les règles (les freins) du pouvoir en place - et se donner la force collective pour. C’est débitumer là où c’est possible, c’est bloquer les grands projets nuisibles et imposés, occuper les derniers espaces de vie et empêcher leur destruction, démonter les aéroports de jets privés, c’est saboter les golfs en période de sécheresse, faucher les champs d’expérimentation OGMs, empêcher le tout au numérique - et sa surconsommation d’énergie et de métaux rares - dans nos territoires, c’est détruire l’image des entreprises qui pratiquent l’obsolescence programmée massive (comme Amazon), peindre nous-mêmes des pistes cyclables et une zone trente généralisée en ville, c’est bloquer certains axes et mettre des chicanes sur d’autres, c’est protéger les arbres qui doivent l’être, attaquer les élevages industriels, soutenir la petite agriculture contre la pression administrative et parfois répressive, c’est saboter matériellement les sièges des grandes banques de la destruction, empêcher l’exportation de déchets toxiques, bloquer les interventions guerrières de l’État belge, loger décemment les personnes qui en ont besoin dans certains logements vides de grands propriétaires immobiliers, occuper la direction de la SNCB - et ses voitures personnelles - jusqu’à une amélioration conséquente du service, c’est libérer les centres fermés et tous les environnements hostiles etc.

- Perpétuer le dogme de la « non-violence »

C’est une des plus grandes déceptions de XR. Aussi bête que le romantisme de la « violence » comme position de principe (plutôt que l’usage de la force physique selon les cas), le dogme de la « non-violence » réécrit l’histoire pour convaincre sur de mauvaises bases.

Les initiateurs/trices et relais de XR reprennent les mythes déformés de Gandhi, Luther King, Mandela, des suffragettes etc. pour justifier leur tactique basée sur une vision étroite. Les suffragettes ont pratiqué le JiuJitsu et utilisé des engins incendiaires. L’indépendance de l’Inde, les droits civiques nord-américains, la « fin » de l’apartheid, etc. ont chacun été le fruit de luttes incluant l’usage de la force physique et le non-usage de la force physique (1). Qui oserait par exemple prétendre que l’aéroport de notre-dame des landes n’aurait pas été construit sur la zone bocagère sans la résistance physique ou sans les innombrables sit-in pacifiques ? La réalité est beaucoup plus nuancée, complexe, vivante que l’opposition binaire « violence » - « non-violence » (2). Il n’y a pas de formule magique, pas de code de conduite valable pour toutes les situations. Prétendre cela, c’est être particulièrement violent envers la mémoire de toutes les personnes qui se sont battues pour ces victoires et ces défaites.

Bien que XR spécifie, heureusement, qu’elle ne condamnera pas le recours à la « violence » par d’autres personnes ou collectifs - et qu’elle peut même la comprendre – elle déforme malgré tout la réalité pour la faire coller aux méthodes qu’elle propose.

Ce n’est pas lorsque vous utilisez la force physique que la répression s’abat nécessairement sur vous, c’est lorsque vous gênez le pouvoir en place par une action qui ne lui convient pas (qu’elle soit « violente » ou non). Ce n’est pas lorsque vous utilisez la force physique que vous perdez nécessairement le soutien extérieur, c’est lorsque vous le faites d’une manière qui n’est pas compréhensible, qui n’apparaît pas légitime à celles et ceux que vous considérez comme vos semblables.

« Il est plus important de savoir si nous sommes prêt·e·s à occuper, bloquer, gréver, saboter ou non que de savoir si nous sommes prêt·e·s à insulter, frapper, briser, brûler ou non. » (3)

Remarques complémentaires

- Les groupes locaux ne sont pas assez autonomes. Le principe, intéressant, de XR (comme d’autres réseaux) est que les groupes locaux soient souverains. Mais cette souveraineté est limitée au respect des 10 points écrits par les fondateurs/trices de XR. On peut comprendre la démarche : avoir une base commune minimale pour que les personnes savent où elles mettent les pieds. Mais lancer un réseau international comme cela c’est penser qu’on peut se rassembler sur base de papiers plutôt que sur base d’expériences. Il faut laisser la place à la remise en question, au repositionnement, à l’évolution et - surtout - à la diversité. Encore plus quand on touche autant de personnes aux parcours si différents, c’est une richesse qu’il serait dommageable de contraindre. Le risque ici est de finir par se sentir comme une petite armée au service d’une stratégie générale pensée par un groupe fondateur à Londres.

- Alors qu’il est clairement expliquer pourquoi des réponses adéquates à la situation ne viendront pas du pouvoir en place, les trois revendications de XR sont directement adressées à ce pouvoir (légitimant son existence, au passage). Il serait beaucoup plus intéressant de s’adresser à la population en lui proposant de passer réellement à la désobéissance civile. Il en va de même avec la revendication portant sur une assemblée citoyenne, dont on connaît leurs limites d’expérience. Il serait plus intéressant de discuter comment mettre en place le municipalisme libertaire ou d’autres modèles viables.

- Les discours de XR alimentent souvent l’imaginaire d’un effondrement généralisé qui pourrait advenir on ne sait trop quand, alors que cela ne veut strictement rien dire (effondrement du vivant ? du capitalisme ? de la pollution ? des normes sociales ? les personnes ont des choses bien différentes en tête lorsqu’elles entendent ce mot). Cela n’aide pas à la lucidité.

- Le manque d’analyse des causes de la situation actuelle (classistes, colonialistes et sexistes) - comme expliqué dans cette lettre ouverte à XR (4) - risque d’invisibiliser les communautés qui « brûlent déjà », et luttent dignement contre l’écocide, depuis longtemps. Cela risque également de nous empêcher de prendre conscience des privilèges avec lesquels nous pouvons nous engager dans une lutte qui n’applique pas la diversité tactique (exemple : qui peut se faire arrêter à répétition ? qui ne le peut pas ?).

- Le fait d’exiger des émissions zéro nettes d’ici à 2025 sans plus de détails est une porte-ouverte aux « solutions » du capitalisme vert. Puisque les mesures concrètes pour y arriver ne sont pas discutées, les industriels qui veulent continuer à émettre toujours plus de carbone, tout en développant des technologies dangereuses pour en « capter » ensuite, peuvent s’accommoder de cette revendication. Il serait plus intéressant de voir ensemble ce qu’impliquerait en termes de luttes pour l’autonomie (alimentaire, énergétique…) de vouloir stopper l’industrie fossile dont on dépend.

→ Cela vaut donc la peine de continuer à se croiser, se renforcer, débattre de nos limites respectives et d’agir ensemble. C’est dans l’action que les alliances et les divergences réelles s’illustrent.

Rendez-vous le 20 septembre, avant et après !

Lettre à la terre

Chère terre,

Cher élément solide, de couleur variable, qui supporte les êtres vivants, subit leurs créations et est l’unique lieu où poussent les végétaux.

C’est un plaisir de te connaître, de pouvoir vivre et rire en ta compagnie, d’avoir l’occasion de te faire glisser entre mes doigts tout en malaxant ta texture si particulière.

Tout ce que tu crées fait briller mes yeux ou me fait percevoir des odeurs et des goûts unique, seule toi est capable de me faire découvrir pareilles sensations. Merci !

Une substance sombre, qui durcit après quelques heures, nous sépare de plus en plus. Là-dessous, il paraît que tu y perds la vie peu à peu.

Hélas, ceux qui se sont approprié ton corps et tes pouvoirs n’ont pas l’air de se lasser de te voir dépérir. Il préfère continuer à jubiler.

Mais ne t’inquiète pas. Tu as été assez abusée. Celleux qui savent te guérir de tes peines et prendre soin de toi arrivent…

Encore un peu de courage la belle.

(Bienvenue à yellow land ! Par les gilets jaunes « canaris noirs »)

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(1) À ce sujet, lire https://nantes.indymedia.org/system/file_upload/2016/04/11/13487/timult-06-201209-ideologie-non-violence.pdf

(2) Il s’agit en plus de catégories du pouvoir faites pour neutraliser le débat, de notions floues derrière lesquelles chaque personne met quelque-chose de différent. Bloquer une entrée à des personnes qui veulent aller travailler est violent selon certain·e·s. Casser une vitrine n’est pas violent selon d’autres. Il est bien plus utile de parler au cas par cas, et en fonction du contexte.

(3) https://bxl.indymedia.org/spip.php?article15267

(4) https://www.redpepper.org.uk/an-open-letter-to-extinction-rebellion/


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