Le racisme est une passion neuve en Europe. Vouloir le définir, c’est forcément en retracer l’histoire.
Car il ne fut pas toujours ce qu’il est aujourd’hui :
une peur du mélange,
la hantise d’une perte d’identité, ou
l’exaltation d’une différence vécue comme exclusive des autres.
S’il se comprend essentiellement de nos jours à partir de ces trois composantes, il n’en fut pas toujours ainsi.
Avant d’être un racisme culturel empruntant au passé ses présupposés et ses préjugés, avant d’être un racisme subtil usant de précautions langagières pour ne pas paraître trop brutale, le racisme fut avant tout une théorie de l’inégalité des races, un « racialisme » aux retombées politiques et scientifiques innombrables.
Après la seconde guerre mondiale, un officier américain de renseignement, qui enquêtait sur l’Institut Kaiser Wilheim d’hérédité humaine et d’eugénisme, affirmait qu’un scientifique allemand était mille fois plus coupable qu’un simple SS. Il faut toutefois se méfier de l’illusion rétrospective. Toutes les théories raciales ne débouchent pas sur les mêmes orientations sociales et politiques. Et certains auteurs, ce fut le cas de Darwin, l’auteur de l’Origine des espèces (1859), se prêtent à des interprétations ou emprunts différenciés.
L’héritage de Darwin connut un sort rocambolesque. Les ravages de la sociobiologie et du darwinisme social participent d’une totale incompréhension de son oeuvre. Les idées du père de la sélection naturelle y sont transposées au domaine social sans aucune discussion.
C’est dans cette impasse que s’engouffrèrent trois des principaux représentants français du racialisme : Arthur de Gobineau (1816 -1882), Gustave Le Bon (1841-1931), Georges Vacher de Lapouge (1854 -1936). Ils ont en commun d’avoir été les défenseurs du postulat de l’inégale valeur des races. Ce racialisme avait bien sûr des adversaires. Mais, il fut également soutenu dans une forme amoindrie par des hommes de science rassemblés autour de la Société et de l’Ecole d’anthropologie. Ces savants républicains défendaient à des degrés divers une culture raciale qui servit de bagage intellectuel à la colonisation. Quels étaient ses présupposés et sur quoi se fondait-elle pour asseoir sa mission civilisatrice ? Ce sera la question du jour....