Le Front National et le CCIF représentent l’extrême droite française. Le premier est la vitrine de l’extrême droite traditionnelle. Le second est le fleuron de la nouvelle extrême droite. Dans la première partie, j’ai mis en lumière un des éléments clés de leur histoire, celle de l’antisémitisme. Cette histoire antisémite partagée, même si l’antisémitisme ne se retrouve pas forcément chez tous leurs militants aujourd’hui, s’explique par la proximité de leur vision du monde. Leurs idéologies sont basées sur les mêmes principes identitaires, racistes et totalitaires.
Le Front National est dans la lignée des mouvements totalitaires d’extrême droite. En juin 1972, un groupuscule néofasciste appelé “Ordre nouveau” décida d’entrer dans le jeu politique. C’est la naissance du Front National dont Jean-Marie Le Pen prendra la présidence en octobre de la même année. Le parti avait su intégrer la fine fleur de l’extrême droite française : des anciens de Vichy, d’anciens collabos, des vétérans de la Waffen SS, des anciens de l’OAS, des nazillons, des royalistes, des intégristes catholiques, de “simples” nationalistes, etc. Tous n’avaient pas une convergence de vue absolue. Mais ils étaient unis par une certaine idée, une nostalgie de la France qui serait en train de perdre son âme, son identité, ses racines et son indépendance. Au-delà de l’antisémitisme, l’extrême droite traditionnelle a tendance à être raciste et xénophobe. Jean-Marie Le Pen a eu maintes occasions de nous le rappeler par ses expressions chocs. Certains membres du FN, encore aujourd’hui, ne cachent pas leur sympathie pour le nazisme (exclus du FN dans le cadre de la “dédiabolisation”). Le proche entourage actuel de Marine Le Pen au sein du parti n’échappe pas à cet héritage. Il est en parti composé d’anciens membres du GUD (Groupe Union Défense), un syndicat étudiant néofasciste et violent admirateur de la Waffen SS et autres “sympathiques” références au nazisme.
Les valeurs sociétales de cette extrême droite sont ultra-conservatrices et sont représentées par des mouvements tels que les Lefebvristes (branche intégriste catholique qui n’est plus reconnue par l’Église), Civitas (association catholique intégriste) ou la Manif pour tous. Dès que l’occasion se présente, ces mouvements manifestent leur hostilité à la liberté d’expression, le droit à l’IVG ou bien le mariage pour tous. Ils sont ainsi contre l’égalité des sexes et l’égalité des droits, et pour un rôle traditionnel de la femme qui serait “complémentaire” à l’homme. La laïcité est vécue comme une persécution et la démocratie comme une anomalie à l’ordre voulu par Dieu. Tous ces mouvements se croisent. Certaines personnes militent dans plusieurs à la fois. Par exemple, si les Lefebvristes n’ont plus de tribune au Front national comme auparavant, ils peuvent se retrouver individuellement dans ses idées (1). Leur combat est aussi incarné par Civitas qui se retrouve pleinement dans la lutte de la Manif pour tous (2), et qui aujourd’hui a même créé son propre parti politique.
Enfin, le fonctionnement familial du FN dévoile le culte du chef, si cher aux mouvements totalitaires.
Les islamistes ne sont pas en reste. La confrérie des Frères musulmans, dont le CCIF est idéologiquement la branche juridique française aujourd’hui, est née en Égypte en 1928. Co-créée par Hassan Al-Banna, elle était dès l’origine composée de fanatiques religieux nostalgiques du Califat. Un règne qu’il faudrait faire renaitre suite à l’abolition du Califat ottoman en 1924 par Atatürk. Cette nostalgie est une réaction à la colonisation britannique et à la Réforme musulmane progressiste entamée dès la fin du 19ème siècle. Le désir frériste de débarrasser l’islam de toute influence étrangère et de faire revivre un âge d’or mythifié était une obsession concurrente à celle du wahhabisme politique naissant en Arabie Saoudite. La confrérie a alterné les périodes d’actions violentes et politiques. Aujourd’hui, ayant constaté l’impasse de l’action violente et l’efficacité du prosélytisme, leur action est tournée uniquement vers la politique, mais leurs objectifs restent les mêmes.
Cette idéologie est également ultra-conservatrice et rétrograde sur le plan religieux et sociétal. Les intégristes musulmans sont par définition tout autant conservateurs que les intégristes chrétiens. Toutefois, les islamistes ont une longueur d’avance sur leur vision arriérée de la femme, car leur obsession sexuelle fait d’elle l’enjeu central de leur idéologie. Deux ouvrages ont posé les bases de la vision intégriste de la femme en islam. “La voie du musulman” édité en 1964, écrit par le wahhabite Aboubaker-Djaber Eldjazaïri . Mais surtout “Le licite et l’illicite en islam” paru au début des années 1960, écrit par le Frère musulman Youssef Al-Qaradhawi. Ce dernier est probablement le livre le plus vendu de l’histoire de l’islam, après le Coran. Ces deux ouvrages contiennent les opinions envers les femmes (et les homosexuels) les plus rétrogrades et choquantes que j’aie lues à ce jour. Les justifications du port du voile et de la place de la femme ont été développées et diffusées par ces deux “chefs-d’œuvre”. Ils sont à la base de la plupart des interprétations et prêches des islamistes d’aujourd’hui sur ce sujet. Youssef Al-Qaradhawi ayant même une audience plus large parmi les musulmans. J’avais consacré un article sur “Le licite et l’illicite en islam” qui met en lumière les justifications réelles du voile, par l’instrumentalisation misogyne du Coran, et les enjeux que cela sous-tend (3). C’est ce même Al-Qaradhawi, également antisémite, qui est encensé encore aujourd’hui par Tariq Ramadan et l’UOIF (4). En digne héritier, Marwan Muhammad (directeur du CCIF) a eu l’occasion d’exprimer ce qu’est censé être à ses yeux la femme musulmane vertueuse et pudique, en usant d’arguments similaires à d’autres prêcheurs salafistes et fréristes, comme je l’ai démontré dans un autre article (5). Sur les thèmes des mœurs et de la famille, on peut difficilement être plus à l’extrême droite que les islamistes.
Rien d’étonnant alors à ce que les intégristes musulmans et catholiques se rejoignent sur certaines questions, lorsqu’il s’agit de vouloir maintenir l’ensemble de la société dans une conception archaïque du monde. Ce fut le cas en 2013. Lors de la manifestation contre l’égalité des droits pour tous au mariage, des organisations islamistes avaient manifesté aux côtés des autres militants de la “Manif pour tous”.
Cet ultra-conservatisme réactionnaire à la sauce islamiste se retrouve au sein du CCIF. Marwan Muhammad n’a pas exprimé son opinion seulement sur la femme musulmane idéale. Il a aussi eu l’occasion de l’exprimer sur la polygamie (6) : Je ne condamne pas la polygamie, comme je ne condamne pas le fait de la choisir ou pas dans d’autres pays. Il va encore plus loin en comparant la polygamie à la liberté sexuelle : On vit dans une société où les gens choisissent d’avoir un, deux ou trois partenaires sexuels, ça n’est pas la question du CCIF. Dans ses propos, avoir plusieurs partenaires sexuels n’est évidemment pas un compliment. Il semble réduire la polygamie à des partenaires sexuelles multiples ou à une simple partouze religieusement légalisés pour mieux la relativiser. Partouze ou partenaires en faveur du mâle bien-sûr. Je doute que dans son esprit il pensait aussi à la polyandrie.
Il va encore plus loin. Il s’emmêle les pinceaux et se met à parler d’homosexualité pour faire un parallèle avec la polygamie : Je ne condamne pas les choix personnels des uns et des autres d’être homosexuel ou d’être polygame ou de se marier à deux ou à trois, ça ne m’intéresse pas. Le fait d’avoir plusieurs partenaires sexuels, ça n’est pas mon sujet. L’homosexualité serait un choix qu’il compare à son amalgame persistant entre polygamie et liberté sexuelle. Il est dans la confusion la plus totale. On croirait entendre un prêcheur mormon ou le président de Civitas. Pourquoi un tel aveu ? Ce jour-là, son interlocuteur (Jean-François Copé) a été plus tenace que ses “débatteurs” habituels. Cela a acculé Marwan Muhammad qui n’a eu d’autres choix que de se livrer. Comme islamiste, il a une approche littéraliste du Coran. Pour lui, les textes religieux ont vocation à être éternels et universels sans aucune mise en contexte. Alors comment pourrait-il être contre la polygamie ? Même si lui-même n’est pas polygame, renier sa légitimité serait pour lui un blasphème, un pêché, un défi lancé à Dieu. De plus, il s’exprime publiquement et engage le CCIF. Il se retrouve donc coincé entre la dissimulation de sa véritable pensée pour des raisons stratégiques, et sa crédibilité religieuse face à ses fidèles qui l’écoutent et qui refuseraient toute condamnation de la polygamie. Ce moment a donc été assez compliqué pour lui. D’ailleurs, plusieurs commentaires sur sa page Facebook lui ont reproché d’avoir fait le jeu de Copé en relativisant la polygamie plutôt que de l’assumer.
Cette confusion teintée d’homophobie qui confond homosexualité, polygamie et liberté sexuelle, cette banalisation de la polygamie en en faisant un simple choix sexuel laissé à chacun, résume assez bien la pensée islamiste dans son ensemble. Il n’est donc pas étonnant qu’il fasse souvent conférence commune avec des salafistes ou des imams fréristes sans jamais les critiquer sur leurs positions moyenâgeuses. Le fleuron de la nouvelle extrême droite française assume bien son statut.
Mais au-delà de ces aspects, l’essence de l’islamisme, sa raison d’être, est le totalitarisme. Le spirituel n’est que le moyen utilisé pour l’imposer, et la question de la femme son outil principal. Sa proximité idéologique avec le nazisme, outre l’antisémitisme que j’ai détaillé dans la première partie de l’article, est flagrante. Le culte du chef est également là, en la personne de Mahomet… L’idolâtrie est pourtant un des plus grands pêchés en islam.
Le débat identitaire est le discours le mieux partagé par les deux extrêmes droites. L’extrême droite traditionnelle revendique les racines chrétiennes de la France et le nationalisme. Elle lutte pour une certaine identité française et une histoire de France mythifiée. La nouvelle extrême droite revendique ses origines musulmanes, tout autant mythifiées, en en faisant l’élément principal de son identité. La Oumma (la communauté internationale des musulmans supérieure à toute communauté nationale) étant le nationalisme des islamistes. Cela explique en grande partie leur obsession pour le conflit israélo-palestinien. Les français islamistes se sentent bien plus proches d’un Palestinien que d’un Normand ou un Alsacien. Pour les deux extrêmes droites, il y a “eux” et “nous”. Les identitaires version FN revendiquent des racines chrétiennes qui ne doivent pas être souillées par des apports étrangers. Ils s’accrochent à des marqueurs définissant à leurs yeux l’appartenance à la nation comme le droit du sang plutôt que le droit du sol ou les signes catholiques visibles. Les identitaires islamistes revendiquent ce qui est censé être les racines musulmanes de la Oumma. Ils souhaitent influencer l’ensemble des musulmans sur l’adoption de comportements, de choix de vie, de type de nourriture et de vêtements qu’ils estiment être islamiques et en rejetant tout apport “étranger à l’islam”, c’est-à-dire, d’après eux, français : expressions religieuses en arabe dans le langage quotidien pour affirmer son appartenance à la communauté supérieure, le voile (et donc tout le sexisme qui en découle comme étant une bonne valeur musulmane), diabolisation du mode de vie français en se servant là aussi des femmes (7), l’obsession du halal, etc. Ainsi, tel que le préconise Marwan Muhammad avec tant de conviction, les musulmans, et surtout les musulmanes, sont appelés à ne pas adopter le mode de vie du pays dans lequel ils vivent (8), afin de ne pas perdre leur “identité”. En résumé, un individu est musulman avant d’être citoyen. Sa citoyenneté n’est que le moyen pour affirmer son islamité.
Ces obsessions ultra-identitaires des deux extrêmes droites se retrouvent bien-sûr sur internet. Les sites islamistes sont les pendants de sites du même acabit dans la fachosphère tels que fdesouche ou Riposte Laïque.
Il y a toutefois deux différences dans leurs approches ultra-identitaires. Tout d’abord, si l’un base son identité sur l’ethnie et sur un territoire défini (la France), l’autre la base sur l’adhésion à une idéologie et sans distinction de frontières nationales. La deuxième différence est que le marqueur identitaire chez les islamistes est la femme. Leur crainte de toute tentation sexuelle dont la femme serait responsable, comme c’est censé être le cas en “Occident”, est le facteur clé de cette identité qui serait en péril. D’où leur obsession pour le voile, le rejet autant que faire se peut de la mixité (surtout chez les salafistes), leur distinction entre les femmes vertueuses et les autres, etc. La vision sexiste et moyenâgeuse de la femme est au cœur de leur enjeu identitaire et de leur stratégie de conquête totalitaire. La femme voilée est le cheval de Troie de cette idéologie (consciemment ou non).
Cet aspect ultra-identitaire de ces extrêmes droites ne peut que glisser vers le racisme. S’ils accordent tant d’importance à la pureté de leur “peuple”, c’est parce que chacun se considère comme supérieur. L’expression la plus connue de ce sentiment de supériorité chez l’extrême droite traditionnelle est celle d’Adolf Hitler dans son livre-programme édité en 1925, “Mein Kampf”. Dans l’islamisme moderne, cela est apparu avec les Frères musulmans… à la même époque.
Le verset 110 de la Sourate 3 du coran est un des arguments principaux des intégristes musulmans : Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez en Allah. Ce sentiment de faire partie d’un peuple supérieur qui aurait vocation à diriger le monde est basé sur une interprétation littéraliste du Coran qui justifie toute la doctrine des islamistes.
Le racisme de l’extrême droite traditionnelle est fondé sur la fausse théorie des races ethniques. Celui de l’islamisme est fondé sur l’adhésion à une idéologie qu’il tente aujourd’hui de racialiser. Il établit une hiérarchie entre les groupes humains basée sur la religion dont les musulmans seraient le peuple supérieur. Là est la différence avec l’extrême droite traditionnelle. Mais le racisme reste le racisme, quels que soient les critères qu’on lui attribue pour l’appliquer.
En réalité, le racisme traditionnel existe aussi entre musulmans. Le racisme anti-noir en Algérie (9) et en Tunisie (10) par exemple n’a rien à envier à l’extrême droite occidentale. Des noirs qui sont, pour une bonne partie d’entre eux, tout autant musulmans que les Maghrébins. Le racisme est un mal universel.
Mais restons sur la théorie “officielle” du racisme islamiste. Les victimes de ce racisme ne sont pas les “arabes” ou les “noirs” face aux “blancs”. Les victimes sont les non musulmans, voire même les musulmans modérés, face aux “vrais” musulmans. Un noir, un blanc ou un Maghrébin peut ainsi se retrouver victime de ce racisme venant d’un autre noir, blanc ou Maghrébin. La situation imposée par les islamistes aux musulmans non pratiquants, et aux athées culturellement musulmans, n’est pas différente de celle des victimes du racisme de l’extrême droite traditionnelle. A trop jouer les victimes, ils oublient qu’ils sont aussi des oppresseurs.
Cette spécificité est bien trop subtile pour nombre de citoyens, y compris chez nos élites, qui ne la voient pas. L’islam accepte tout individu, peu importe sa couleur de peau et ses origines. L’islamisme donne alors le sentiment d’un mouvement égalitaire opprimé par les “racistes néocolonialistes” que sont effectivement l’extrême droite traditionnelle, mais que seraient aussi les militants laïques, les féministes universalistes, et les défenseurs des Droits Humains luttant contre l’intégrisme religieux.
C’est ce qui contribue à la confusion. Les militants anti-racistes qui luttent contre les islamistes sont ainsi perçus par ces derniers, et par une partie des musulmans en général, comme des racistes. Puisqu’ils lutteraient contre un peuple artificiellement racisé, les musulmans. A l’inverse, ces islamistes ne se considèrent pas comme racistes puisque, au contraire, tous les êtres humains sont égaux… à partir du moment où ils embrassent l’islam. Ce qui explique que de nombreux musulmans, imprégnés par la “salafisation” de leur religion, ne réalisent pas qu’ils sont racistes et n’hésitent pas à accuser les valeurs républicaines de l’être.
Ainsi, les islamistes essaient par tous les moyens de transformer l’adhésion à une idéologie religieuse en race, la race musulmane. Le musulman (croyant d’une religion) devient le Musulman (membre d’un peuple). C’est aussi le moyen pour se hisser au niveau de l’antisémitisme afin d’user de comparaisons douteuses pour une victimisation plus efficace, comme je l’ai démontré dans un article précédent (11). Ce concept est développé et entretenu en France par les islamistes depuis quelques décennies, et actuellement brandi par les nouveaux porte-drapeaux de ce racisme identitaire, le CCIF et ses alliés du Parti des Indigènes de la République (PIR).
Cette racialisation affirmée de cette façon depuis le milieu des années 2000 n’est pourtant pas une création des islamistes et indigénistes stricto-sensu. C’est une création coloniale. Dans les colonies, la France considérait les musulmans comme étant musulmans par essence. C’est-à-dire non pas dans le sens confessionnel mais dans celui “d’origine musulmane”. Arabe/maghrébin/musulman, c’était pareil. Les islamistes et indigénistes d’aujourd’hui s’approprient et valident ainsi la vision coloniale. Les colons de l’époque auraient été ravis. Ils dénoncent alors le fantasme d’un traitement néocolonial qu’ils subiraient en défendant un concept anachronique qu’ils prétendent pourtant vouloir combattre.
Cette racialisation de l’islam doit avoir des éléments visibles, comme toute “race”. Puisque cette “race” ne se définit pas par la couleur de la peau mais par l’adhésion à une idéologie religieuse, comment alors la rendre visible ? Cela se manifeste d’abord et avant tout par la promotion du voile (encore). Mais cela doit pouvoir aussi se voir à travers d’autres codes vestimentaires comme chez les hommes salafistes, des codes linguistiques religieux en arabe pour se distinguer, et des comportements.
C’est cette racialisation artificielle de l’islam par une partie des musulmans qui a permis à l’extrême droite traditionnelle, et en premier lieu le Front National, de déplacer son racisme lui aussi traditionnel vers les “musulmans”. Les extrêmes droites ont toujours eu besoin d’avoir un bouc-émissaire. Cet “autre” différent, responsable de tous leurs maux. Le bouc-émissaire historique commun de nos deux extrêmes droites est le juif (cf. 1ère partie). En dehors de lui, chacun a les siens. Pour l’extrême droite traditionnelle, il y a eu les Italiens, les Polonais, les Espagnols. Puis, suite à la perte de l’empire colonial conjuguée à la massive immigration économique des années 1960 et 70 (en raison des besoins immenses de la France), la nouvelle cible fut "l’Arabe", qui n’est autre que le Maghrébin.
Pour la nouvelle extrême droite, le bouc-émissaire est le "blanc". Tous leurs maux trouveraient leur explication dans la "blanchité" et l’histoire coloniale. La couleur de peau d’un être humain devient l’unique explication de ce qu’il peut subir ou faire subir à autrui. Un blanc est considéré comme comptable de toute l’histoire coloniale de ses aïeux... ou des aïeux des autres. Les féministes qui luttent contre les islamistes et le sexisme du voile ? Ce sont des représentant(e)s du "féminisme blanc". Les militants antiracistes qui luttent contre cette nouvelle extrême droite ? Ce sont des racistes blancs néocoloniaux refoulés. Etc. Ce racisme victimaire s’efface individuellement lorsqu’un "blanc" soutient activement cette extrême droite ou/et se converti à l’islam, ou plutôt à la version intégriste de l’islam, car un musulman modéré restera toujours un traître à leurs yeux...
Une "salafisation" de l’islam menée par les intégristes est à l’œuvre au Moyen-Orient depuis les années 1920. En Europe, elle est à l’œuvre auprès des populations musulmanes depuis les années 1960 et a commencé à porter ses fruits en France dans les années 1980. En rendant l’islam plus visible, à travers non pas un islam éclairé mais rétrograde, et de surcroit dans une France en grande partie déconfessionnalisée suite à une histoire conflictuelle et douloureuse avec le catholicisme, cela a logiquement créé des tensions. Tensions que le FN a vécues comme une aubaine. L’islam étant à présent visible dans sa forme radicale (notamment le voile), on peut attaquer le musulman comme on attaquait “l’Arabe”.
Ainsi, la fausse racialisation des musulmans par les islamistes et leurs alliés indigénistes a permis la création d’un racisme anti-musulman bien réel instrumentalisé par l’extrême droite traditionnelle. Les attentats au nom de l’islam n’ont fait qu’aggraver le phénomène mais n’en sont pas à l’origine. De l’autre côté, ce racisme anti-musulman est le prétexte des islamistes pour se victimiser et encore mieux avancer. L’un entretient l’autre. Par ce déplacement du concept du racisme par les deux extrêmes droites, les vrais militants anti-racistes, laïques et féministes universalistes se retrouvent pris en tenaille sur le champ de bataille intellectuel et sociétal. Eux ont toujours eu pour adversaire l’extrême droite traditionnelle. Mais depuis quelques décennies, ils ont des adversaires supplémentaires : les intégristes musulmans. Les vrais militants anti-racistes comptent ainsi dans leurs rangs des citoyens de toutes confessions y compris des musulmans qui refusent que leur religion soit confisquée par les radicaux de l’UOIF, du CCIF et consorts. Ils se retrouvent donc, à priori, avec le FN dans la lutte contre les islamistes. Seulement pour le FN, cette lutte est le moyen de combattre l’ensemble des musulmans pour la primauté judéo-chrétienne. Autrement dit, l’extrême droite traditionnelle se sert de l’islamisme pour faciliter sa lutte antimusulmane grâce au soutien efficace de mouvements tels que le CCIF et le PIR. Ce qui permet à la nouvelle extrême droite (islamistes et indigénistes) d’accuser de fascisme la totalité de leurs adversaires à travers le concept piège qu’ils ont pris soin de construire et développer en parallèle de leur fausse racialisation : “l’islamophobie”. CQFD.
La colonisation est également un autre point commun avec l’extrême droite traditionnelle. Une partie de sa composante est hantée par la perte de l’empire colonial, notamment la perte de l’Algérie. De nombreux anciens militants de l’OAS avaient d’ailleurs rejoint le FN à sa création. Une frange de cette extrême droite est ainsi nostalgique de la période coloniale, de l’empire français, tout en dénonçant “l’invasion musulmane” que nous subirions actuellement. La nouvelle extrême droite, elle, dénonce la période coloniale française qui serait encore à l’œuvre aujourd’hui tout en rêvant avec nostalgie au retour à un empire musulman, le Califat, ou tout du moins à l’unification de la Oumma, qui ne pourrait se faire qu’à travers une vaste conquête par l’islamisation des sociétés.
Nous sommes bien-sûr les héritiers d’une histoire. Il y a eu des relents néocoloniaux après la fin de l’Empire. Le traumatisme de la perte de l’Algérie pour une partie de la population en est un facteur. Ce qui participe, effectivement, à un racisme latent chez une partie minoritaire de nos concitoyens. Seulement, comme l’extrême droite traditionnelle, la nouvelle extrême droite part d’un constat pour en faire une généralité et une justification à toutes leurs attitudes extrémistes. Ainsi, toute mesure prise par l’État (telle que la loi de mars 2004 sur les signes religieux à l’école) sera accusée par les islamistes d’être “islamophobe” en raison d’un point de vue raciste “néocolonial”. Toute opposition laïque, féministe et démocrate sera accusée de la même chose. Tout individu, sans pour autant être militant de quoi que ce soit, qui oserait émettre une critique envers l’islam et/ou son instrumentalisation sera accusé de racisme, “d’islamophobie” et d’attitude “néocolonialiste”. Le danger, par ces anathèmes faciles et ridicules, est de dénaturer la lutte légitime contre le racisme et la xénophobie.
Pourtant, s’il y a bien un relent néocolonial, il se trouve parmi les partenaires des islamistes. Car si une partie de la gauche soutient les islamistes et les indigénistes, c’est justement en raison de leur point de vue néocolonial. Nouveau symbole de l’opprimé, cette gauche est très complaisante avec les radicaux musulmans en les confondant avec l’ensemble des musulmans. Ils estiment que LES musulmans sont par essence moyenâgeux et que, au nom du respect des cultures et de la différence, nous ne devons pas les critiquer et encore moins tenter de les accompagner vers une réforme théologique et culturelle pouvant les mener vers plus de modernité et de compatibilité avec nos valeurs républicaines. Au contraire, ce serait à nos valeurs de s’adapter pour mieux inclure cette population qui serait incapable d’évoluer. Cette essentialisation, cette assignation faites à l’ensemble des musulmans de rester confinés à une partie réductrice de leur Être au nom du respect des cultures, et en combattant toute critique des islamistes, c’est une attitude totalement teintée d’une vision néocolonialiste condescendante. Celle du paternalisme du colon envers l’indigène. Mais un paternalisme cette fois accepté par ceux qui se définissent comme “descendants d’indigènes” puisque cela sert leur stratégie victimaire.
C’est à la lumière de cela que l’on peut comprendre les positions des islamistes. Ils dénoncent sans cesse l’impérialisme occidental, la politique raciste et “islamophobe” de l’État français, notre laïcité qui opprimerait leur religion, la politique et les positions “néocoloniales” de l’État et de toute personne n’étant pas d’accord avec leur idéologie, leur obsession du conflit israélo-palestinien. Mais ils ne se prononcent jamais ou très peu sur les attentats (sauf pour dénoncer les victimes d’amalgames et la “montée de l’islamophobie”). Ils ne critiquent jamais DAESH, sa violence et sa politique impérialiste et coloniale. Car le plus grand impérialisme, le plus vaste mouvement de colonisation aujourd’hui, c’est DAESH. Rappelons-le : presque tous les jihadistes sont des étrangers émigrés en Irak, en Syrie, en Libye, pour imposer leur idéologie et leur “Califat” par la force à la population locale. Cette colonisation a lieu aujourd’hui. Plusieurs centaines de français sont partis contribuer à ce vaste projet colonial au nom de l’islam. Y-a-t-il eu un meeting, une conférence du CCIF ou du PIR pour dénoncer cette colonisation, dont les musulmans sont justement victimes (sans parler des chrétiens locaux) ? Non, rien. Nous assistons au plus grand mouvement “islamophobe” (selon la définition du CCIF) de l’Histoire, mais le CCIF ne dit rien. Plus préoccupé avec les autres islamistes et le PIR par les Palestiniens et l’histoire coloniale d’il y a 60 ans que par la politique coloniale et génocidaire de DAESH aujourd’hui.
Les deux extrêmes droites usent ainsi des mêmes méthodes et du même type d’instrumentalisation. Toutefois, le racisme islamiste, par la tactique de la victimisation, réussit à mieux se développer. Les islamistes se servent de la lutte contre le racisme pour imposer le leur.
Cette vision religieusement raciste du monde a pour corollaire évident le totalitarisme, puisque, selon les intégristes, les musulmans auraient vocation à décider pour tous de ce qui est bien ou mal. Dans son credo des Frères musulmans, Hassan Al-Banna déclara en 1935 que la bannière de l’Islam doit couvrir le genre humain et que chaque musulman a pour mission d’éduquer le monde selon les principes de l’Islam (Credo des Frères musulmans entériné lors du 3ème congrès des Frères en mars 1935). Pour cela, il proclama la devise des Frères qui deviendra celle de la totalité des islamistes encore aujourd’hui : Notre slogan ne cessera d’être : Dieu est notre but. Le messager de Dieu est notre guide. Le Coran est notre constitution. Le Jihad est notre chemin. La mort sur le sentier de Dieu est notre souhait ultime. Hassan Al-Banna était un grand humaniste incompris qui prônait l’amour, la paix et la tolérance… à condition d’adhérer à sa vision moyenâgeuse et totalitaire de l’islam. Les intégristes musulmans n’ont rien à envier aux nazis.
Tels sont les objectifs. Les moyens pour les atteindre sont à la hauteur de leur doctrine. Hassan Al-Banna les a formulés dans les “50 demandes du programme des Frères musulmans”, qui explique aujourd’hui encore l’attitude et les dérives des islamistes en Égypte, au Maghreb, en Turquie, etc., mais aussi en Europe. Il y fait l’éloge de la guerre sainte, de la Oumma par la création d’un sixième Califat, l’interdiction de toute mixité sexuelle, l’oppression des femmes, la censure des médias et de la culture, l’interdiction de toute critique de l’islam, l’imposition de l’enseignement de la religion (et dans sa version frériste) dans la totalité des niveaux de l’enseignement, le développement de la propagande, puis l’imposition (par la force s’il le faut) de la pratique religieuse, la création de groupes jeunesse fanatisés, etc. En résumé, exactement le même fonctionnement que le nazisme, des mesures communes également écrites dans “Mein Kampf”, en ajoutant une misogynie poussée encore plus loin.
Beaucoup se réclament de cette doctrine aujourd’hui. Cela va des djihadistes jusqu’aux militants de l’islam politique. Nous l’avons vu avec le Hamas dans la 1ère partie de cet article. Dans le préambule de sa charte, il mentionne également en toute lettre ce fameux verset 110 de la sourate 3 du Coran. La charte reprend aussi, dans son article 7, la devise frériste de Hassan Al-Banna. L’ensemble décline ainsi toute la panoplie totalitaire des Frères. Ce qui démontre encore une fois que le Hamas n’est pas un simple mouvement de résistance.
Qu’en est-il de nos islamistes français aujourd’hui ? Ils sont évidemment dans cette filiation. Tariq Ramadan ou l’UOIF n’ont pas de mots assez forts pour faire les louanges des Frères musulmans, Youssef Al-Qaradhawi (12) ou Hassan Al-Banna. Même si depuis quelques années ils ont un peu levé le pied face à une plus grande prise de conscience de la société. Ce n’est pas le cas de mouvements, de lieux de culte, et de personnalités moins médiatiques mais tout aussi influents sur le terrain et sur internet.
Le CCIF est dans cette situation. Il ne déclare pas s’inspirer des Frères musulmans, ce serait contre-productif, mais en a tous les attributs. Que ce soit dans sa vision de l’islam, dans sa stratégie politique et le profil de ses militants (des personnes fanatisées ayant un bagage universitaire, ultra motivées et mettant leurs compétences au service de leur idéologie). Toutefois, certaines déclarations sincères peuvent échapper à sa stratégie de la taqiya (concept permettant de dissimuler ses véritables intentions religieuses). Nous l’avons vu concernant la polygamie, l’homosexualité ou sa vision de la femme musulmane. Ce fut aussi le cas sur son totalitarisme en janvier 2010 lors d’une conférence sur la thématique de la finance islamique, avec les Indigènes de la République. Marwan Muhammad y était intervenu longuement. Il déclara, en tant que représentant d’une "association apolitique et areligieuse" (comme le CCIF aime se définir pour sa vitrine), notamment ceci : [L’islam] est une religion qui a vocation à régir toutes les sphères de la vie sociale. C’est un mode d’emploi pour l’Humanité. Un mode d’emploi à un groupe d’hommes à qui on a confié un certain nombre de ressources naturelles. (…) Et on leur a dit “voilà votre mandat”. C’est de vivre sur terre en accord avec les principes qu’on vous donne. Et pour ça, on vous a donné un mode d’emploi, et ça s’appelle le Coran. Et on vous a donné un individu qui vous sert d’exemple et qui va être l’incarnation vivante du bon comportement musulman. Et ça c’est le Prophète. Vous devez vous conformer à ça. (…) Et ça veut dire que l’islam a une portée sur tous les sujets qui régissent la vie en société (13). Il exprime sa vision totalitaire avec un tel naturel dans la voix, que cela passe presque aussi bien qu’un banal cours sur la finance.
Sa vision d’un islam totalitaire est justifiée, là aussi, par le verset 110 de la sourate 3. A chaque fois qu’il le peut, il explique sa vision islamiste par cette même référence qui le situe dans l’héritage des Frères musulmans. Un an et demi plus tard, le 30 avril 2011, il fut filmé lors d’une conférence donnée à la mosquée de Vigneux sur le thème victimaire “islamophobie, notre responsabilité face à l’injustice”.
En infatigable prêcheur "apolitique et areligieux" mandaté par le CCIF, il utilisa à nouveau ce fameux verset en l’expliquant ainsi :
Allah, soubhanahou wa ta’ala, nous dit : vous êtes la meilleure communauté qui ait surgi sur Terre. Pas la deuxième, pas une bonne communauté, mais la meilleure des communautés. Et juste après, Allah soubhanahou wa ta’ala dit : vous recommandez le bien et vous interdisez ce qui est blâmable, et vous croyez en Allah soubhanahou wa ta’ala. Ça veut dire que cette caractéristique est une caractéristique identificatrice des musulmans. Elle nous fait sortir du rang et elle fait de nous les premiers de la classe auprès d’Allah soubhanahou wa ta’ala. C’est pas une petite caractéristique, mais c’est une responsabilité. C’est une responsabilité, pas que quand on s’attaque aux musulmans. C’est une responsabilité pour toutes les injustices qui frappent la terre sur laquelle Allah soubhanahou wa ta’ala nous a mis comme gérants, comme responsables de l’ordre public (14).
Cette vision raciste (les musulmans étant le peuple supérieur) et totalitaire du monde et son explication sont si proches du nazisme qu’il en vient à coller presque parfaitement à certains passages de “Mein Kampf” écrit par Adolf Hitler (certainement involontairement puisqu’il n’a pas son “BEP Histoire”, comme il le dit de M. Le Pen pour la dénigrer) :
L’Aryen est l’étincelle divine du génie (…) ; il a toujours allumé à nouveau ce feu qui, sous la forme de la connaissance, éclairait la nuit et montrait ainsi à l’homme le chemin qu’il devait gravir pour devenir le maître des autres êtres vivant sur cette terre. (Tome I, chapitre 11) [La] mission donnée au peuple allemand sur cette terre consiste uniquement à former un État qui considère comme son but suprême de conserver et de défendre les plus nobles éléments de notre peuple, restés inaltérés, et qui sont aussi ceux de l’humanité entière. (…) La tâche qui consiste à conserver et à défendre une espèce humaine supérieure (la race aryenne), dont la bonté du Tout Puissant a gratifié cette terre, apparaît une mission vraiment noble. (Tome II chapitre 2) [Le nazisme] doit avoir conscience de ce que, gardiens de la plus haute humanité sur cette terre, nous avons aussi les plus hautes obligations. (Tome II chapitre 14).
Être si proche de “Mein Kampf” tout en prétendant officiellement lutter contre le racisme. Cela fait froid dans le dos. Mais cela n’empêche pas des militants et intellectuels de gauche de soutenir les islamistes du CCIF au nom de, ce qui est incroyable, la lutte anti-raciste… Un peu plus dans la lumière aujourd’hui, le CCIF adopte la même attitude que ses Frères en évitant à présent de faire ce type de déclarations montrant ses réelles intentions (tout du moins lorsqu’elles sont filmées).
Je ne suis pas certain que Marwan Muhammad pense être raciste. Pour lui, il ne fait qu’appliquer la parole de Dieu. Si Dieu le dit, alors où serait le mal ? Qui sommes-nous pour nous opposer à sa parole ? Dieu ne peut pas être raciste. S’il a désigné les musulmans comme supérieurs aux autres, c’est qu’ils détiennent LA vérité que Dieu leur aurait transmise. Voilà pourquoi lui et tous les autres intégristes font référence à ce verset pour justifier leur point de vue. C’est purement fanatique. Mais pour lui, c’est une évidence. C’est pour cela qu’il condamne le racisme venant des Hommes (basée sur l’ethnie) et qu’il ne voit pas du tout le mal à promouvoir un racisme qui viendrait de Dieu (basée sur l’idéologie).
Nous sommes très loin de la vision des musulmans modernistes. C’est pourquoi ils sont une cible des islamistes et du CCIF en particulier. Les intégristes les considèrent au mieux comme des mauvais musulmans, sinon comme des traitres ou des vendus. Pour le coup, ces musulmans peuvent se retrouver victimes d’actes et propos anti-musulmans à cause de la mauvaise image de l’islam renvoyée par les islamistes tels que le CCIF, tout en étant victimes de discrimination et propos anti-musulmans de la part du CCIF. Marwan Muhammad l’exprime très bien. Il n’a pas de mots assez durs pour les discriminer et les disqualifier : J’en ai marre de voir des néo-Harkis me représenter à la télévision ! (15) Que veut-il dire par là ? Les Harkis étaient des algériens ayant combattu aux côtés de la France pour maintenir l’Algérie française. Suite à l’indépendance, ils ont fui l’Algérie ou ont été massacrés sur place par les Algériens indépendantistes car considérés comme des traitres. Dans le langage islamiste, nommer quelqu’un de “néo-Harki” est une accusation de supposée traitrise à sa supposée communauté. Autrement dit, les musulmans modernistes sont les traitres de la communauté musulmane, comme les Harkis ont été les traitres de l’Algérie. Quand on connait le sort qu’ont connu les Harkis, cette déclaration n’est pas très rassurante… Cette dénomination se veut d’une forte portée, pour faire comprendre que le degré de trahison est si élevé qu’ils sont considérés comme les pires des traitres.
Il n’a pas plus de considération pour l’islam des Lumières dont il parle ainsi, dans la foulée de sa déclaration d’amour pour les “néo-Harkis” : Ce qu’ils appellent l’islam des Lumières moi j’appelle ça l’islam du réverbère ! (16) Il souligne ainsi son mépris à l’égard de cet islam qui serait insignifiant. Pourtant, Hassan Al-Banna, Youssef Al-Qaradhawi ou Sayed Qutb ne font pas honneur à l’islam. Mais ils sont vénérés par les islamistes. Alors que l’islam des Lumières incarné par Ibn Sînâ (Avicenne), Ibn Khaldûn ou Ibn Rushd (Averroès) fait la fierté de cette religion. L’islam des Lumières a tant apporté au monde judéo-chrétien, notamment à la philosophie des Lumières françaises qui par la suite irrigua le monde. Les apports de cet islam sont inestimables et précieux. Mais il a peu à peu laissé place à un Moyen-Age musulman dont le CCIF est une parfaite illustration aujourd’hui. A la fin du 19ème siècle, une nouvelle dynamique pour un islam libéral, inspiré de l’islam des Lumières, vit le jour. Mais elle fut étouffée par la naissance de l’islamisme moderne. Ces islamistes sont la cause du maintien de l’islam dans un Moyen-Age toujours plus obscur. Toutefois depuis une trentaine d’années, d’autres intellectuels ont repris le flambeau pour un islam éclairé. Malek Chebel (notamment auteur du “Manifeste pour un Islam des lumières”), Abdelwahab Meddeb (intellectuel tunisien spécialiste de l’islam et qui militait pour une réforme de sa religion), Mohamed Arkoun, Abdennour Bidar et tant d’autres. Tous, depuis l’islam des Lumières jusqu’à aujourd’hui, ont eu le désir d’une religion musulmane éclairée. Mais Marwan Muhammad et l’ensemble des islamistes ont horreur de cette Lumière. Pour eux, elle aveuglerait les musulmans. Ce qui explique en partie la naissance des Frères musulmans. L’obscurantisme serait le seul chemin pour respecter l’islam.
La violence de l’expression de M. Muhammad, à la fois sur le fond et dans le ton, illustre la dureté du combat qui existe au sein de l’islam aujourd’hui. A ce jour, c’est l’intégrisme musulman qui domine. Mais les réformateurs progressistes, même s’ils sont moins audibles pour l’instant, n’ont pas dit leur dernier mot. Ce qui ulcère Marwan, comme nous pouvons le constater à travers ses déclarations.
En écoutant ses propos, nous devrions relire ce qu’est censé être “l’islamophobie” selon le CCIF : l’ensemble des actes de discrimination ou de violence contre des institutions ou des individus en raison de leur appartenance, réelle ou supposée, à l’islam. En réalité, ce sont les actes et propos anti-musulmans auxquels il ajoute le blasphème et toute critique envers l’islam et l’intégrisme musulman pour jouer les victimes et mieux faire avancer son idéologie. Mais admettons que “l’islamophobie” soit réellement la définition donnée par le CCIF. Alors allons dans son sens, juste pour voir : ce qu’il dit des musulmans modernistes, ses propos méprisants et discriminants, et même de rejet, à travers une expression violente et décomplexée, cela fait du CCIF, selon ses propres critères, l’association française la plus “islamophobe” que le pays ait jamais connue…
Que ce soit sur le thème de “la finance islamique”, de la “lutte contre l’islamophobie” ou autre, nous voyons bien que ces conférences sont le moyen de faire du prosélytisme pour le développement de la doctrine islamiste. Nous constatons également que cette fausse racialisation des musulmans ne sert pas seulement à la victimisation d’un “peuple stigmatisé par le racisme des méchants blancs néocolonialistes”. Elle sert aussi, paradoxalement, à s’affirmer comme peuple supérieur. Cette rhétorique permet de passer aisément d’un statut à l’autre selon les circonstances. S’ériger tout à la fois en victime et en dominant légitimé par Dieu dans une même conférence, c’est vraiment très fort.
La prétendue “lutte contre l’islamophobie”, à travers des meetings qui ne sont rien d’autres que des prêches politico-religieux, est ainsi la parfaite tactique, l’idéale couverture, pour un prosélytisme dangereux.
A la lumière de leurs pédigrées, nous pouvons facilement comprendre que ces deux extrêmes droites ont développé une forme d’allergie à la démocratie et à nos valeurs républicaines. Leur vision du monde et du fonctionnement de la société en sont l’exact opposé. Ainsi, la démocratie et certains de nos principes comme la laïcité sont rejetés autant qu’instrumentalisés. Ils s’appuient pour cela, entre autres, sur des partenariats qui permettent de mettre en lumière ce qu’ils sont réellement. C’est ce que j’analyserai dans ma 3ème partie.