Analyse.
De mémoire anarchiste, ce fut une soirée plus agitée que les autres. Le 28 octobre, à Marseille, la librairie Mille Bâbords fut le théâtre d’une bagarre inédite. Un débat organisé sur le thème « S’opposer au racialisme » fut interrompu, non par les habituels « nervis fascistes » mais par… d’autres libertaires !
Après avoir provoqué un tohu-bohu dans le local, une trentaine d’activistes se présentant comme des « personnes racisées » diffusèrent un tract qui mettait en garde les « anti-racialisateurs » et autres « petits gauchistes blancs de classe moyenne » : « Nous saboterons toutes vos initiatives », prévenaient les auteurs dudit tract, qui venaient déjà de joindre la pratique à la théorie, puisque les tables avaient été retournées, les livres éparpillés, des boules puantes lancées et une vitrine brisée…
Encore sonnés par les gifles qu’ils venaient de recevoir, des militants protestaient : parce que nous refusons de parler de race, voilà qu’on nous traite de racistes ! A l’initiative de cette réunion se trouvaient en effet des libertaires inquiets de voir nombre de leurs camarades substituer la question raciale à la question sociale.
Intitulé « Jusqu’ici tout va bien », le texte censé nourrir la discussion disait ceci :
« Ironiquement, aujourd’hui, refuser les termes de “race” ou d’“islamophobie” expose à l’infamante accusation de racisme, visant à étouffer ainsi toute possibilité de débats, de critiques et de refus. Certains anarchistes en sont rendus à proscrire le slogan “Ni dieu ni maître” sous prétexte d’islamophobie et certains marxistes pensent que pour être antiraciste, il est urgent d’ajouter la race à la classe. » Malaise
Apparemment anecdotique, cet épisode n’en révèle pas moins le malaise que suscite, dans une partie de plus en plus large de la gauche
« Nedjib Sidi Moussa s’étonne que des militants anarchistes puissent reprendre tel quel un mot d’ordre comme celui de la « lutte contre l’islamophobie », alors qu’il sert d’étendard à des islamistes en France. »