Nos réponses décoloniales aux 10 propositions d’un parti très banal

Nos réponses décoloniales aux 10 propositions d’un parti très banal

Dans un contexte où le pouvoir est aux mains de la droite et de l’ultra droite nationaliste qui prônent un discours sécuritaire, on est en droit de s’attendre à ce qu’un parti d’extrême gauche incarne une force de résistance et de proposition alternative.

Or, avec ses 10 propositions pour lutter le terrorisme d’inspiration djihadiste, le PTB s’inscrit pleinement dans la voie répressive. [1]

De manière globale, ces propositions semblent complètement déconnectées du contexte dans lequel surgit ce phénomène « djihadiste ». Quid de la réalité sociale des jeunes issus de l’immigration en Belgique : inégalités sociales, scolaires (la Belgique a l’un des systèmes éducatifs les plus discriminants de la zone OCDE), à l’emploi, au logement, dans les loisirs, etc.

Il semblerait, à les lire, que les perquisitions, le bouclage des quartiers populaires par toujours plus de police, plus de contrôle, plus de répression sont un mal nécessaire et acceptable.

Alors que la présence quotidienne de policiers dans leurs quartiers est une des principales causes d’insécurité pour les habitant.e.s des quartiers populaires. Les descentes massives de police se sont multipliées provoquant chez les habitant.e.s des quartiers le sentiment d’être « assiégé.e.s par des forces d’occupation ». Des incidents graves et répétitifs, liés à ces interventions policières, sont commis en toute impunité, souvent dans le cadre d’opérations dites « antiterroristes ».

Est-il nécessaire de rappeler que partout en Europe et très récemment à Bruxelles des groupes néo-nazis se sont massivement mobilisés contre les musulman.e.s et qu’ils représentent aujourd’hui une réelle menace ?

Il est significatif de relever, par exemple, que, pas une seule fois le mot ISLAMOPHOBIE n’est cité !

Ce plan en dix points d’un parti d’extrême gauche ressemble beaucoup à un complément aux 12 mesures antiterroriste de Jambon & Co.

En effet, au moins la moitié de ces propositions tournent autour de l’idée qu’il faut davantage de sévérité voire de répression à l’égard non seulement de ceux qui partent mais aussi de ceux qui reviennent de Syrie.

Finalement, très peu de place est laissée au volet préventif : comment faire pour que les jeunes ne partent pas en Syrie ? A peu près rien là-dessus. Ce qui indique qu’il n’y a pas de réflexion approfondie de la part du PTB sur ce qui favorise l’adhésion de jeunes Belges à des projets de nature « djihadiste ».

A cet égard, les propositions 5 et 6 du PTB, pour la création d’un nouveau « machin » institutionnel et définissant le rôle des victimes principales de la situation sont pétries à la fois d’une « logique de pouvoir » intrinsèquement imbibée de son attribut de racisme institutionnel et d’injonctions à jouer des rôles non sollicités par les désigné.e.s du doigt. Les familles, les associations de quartier, les organisations de jeunesse et les mosquées doivent se voir donner les moyens de vivre comme tout le monde sans se voir attribuer plus ou moins de rôles que le reste de la population.

Dans un communiqué du parti Égalité sur les jeunes volontaires pour la Syrie daté du 23 avril 2013, Nadine Rosa-Rosso écrivait :

« Oui, c’est vrai, tu es né à la mauvaise époque », disait une maman à son fils, deux semaines avant qu’il ne parte pour la Syrie. Depuis l’école maternelle, les jeunes volontaires pour la Syrie ont grandi dans un monde dominé par les guerres, les inégalités et la discrimination. » [2]

La lutte contre le terrorisme sert déjà de prétexte pour intensifier la présence et la répression policière dans les quartiers. Le renforcement de l’état d’alerte a déjà permis à l’Etat d’intensifier l’islamophobie vis-à-vis des musulman.e.s et l’exclusion des migrant.e.s.

La situation se complique davantage encore quand ces « terroristes » possèdent la double nationalité. Là aussi, nous savons, d’expérience, que le PTB n’est pas le parti qui s’opposera à cette mesure raciste qu’est la déchéance de nationalité.

Que le PTB ne s’était déjà pas opposé à la loi de déchéance de la nationalité en juillet 2015, nous demontre que ces 10 propositions ne sont donc manifestement pas émises « sous le coup de l’émotion » dans la foulée du 22 mars mais semblent plutôt s’inscrire dans une tendance sécuritaire, répressive de plus en plus assumée par le PTB avec le risque de dérive stigmatisante que cela implique. Le signe sans doute qu’il devient un parti normal comme les autres.

Tout le monde a compris que c’est à nouveau la criminalisation de ces jeunes – et de leurs familles et de toute la communauté musulmane- qui est à l’ordre du jour dans le dossier des jeunes volontaires pour la Syrie. Et que leur retour en Belgique suscite peut-être plus l’inquiétude chez nos autorités que leur départ.

Les 10 propositions du PTB pour mettre fin au terrorisme « djihadiste » nous montrent une fois de plus que nous ne serons décidément pas libéré.e.s par l’anti racisme blanc.

Les faits dramatiques, de ces derniers mois ne doivent pas être prétextes à prendre des mesures sécuritaires dans l’urgence. Beaucoup de mesures ont été proposées, exclusivement sécuritaires !

Nous sommes naturellement bouleversé.e.s par ces actes terroristes que rien ne peut justifier mais malheureusement, nous ne sommes pas surpris.

En 2003, quand les Etats-Unis envahissaient l’Irak, Al-Qaida n’existait pas dans ce pays et était en recul partout ; elle ne disposait d’aucune base territoriale. Vingt ans après le déclenchement de « la guerre contre le terrorisme », l’organisation Daech contrôle aujourd’hui un large territoire en Irak et en Syrie.
La coalition dont fait partie la Belgique, mise en place contre Daech à l’été 2014 ne présente aucun programme politique uni, mais multiplie les bombardements.

Notre politique étrangère en Libye, au Mali, en Syrie, en Irak, etc. et ses effets ici que sont le racisme et l’islamophobie d’État, ne peuvent pas être ignorés si on veut comprendre ce chaos, si on veut s’en sortir.

La place de la légitime injustice ressentie par les jeunes qui se radicalisent face au soutien inconditionnel de la Belgique, et de l’Occident dans son ensemble, au projet sioniste, colonialiste et raciste en Palestine est également totalement absente de l’analyse et des propositions du PTB.

C’était le sens de notre Forum Internationale du 14 décembre 2014 à Bruxelles (et simultanément à Paris, Londres, Amsterdam et Barcelone).[3]

Quand on prétend être une force politique alternative progressiste et égalitaire, on se doit d’être précisément là pour changer les priorités imposées par les médias et les partis politiques traditionnels. Et pas pour les appuyer et les promouvoir en mode perroquet.

Voilà le type de propositions que l’on est légitimement en droit d’attendre, étant donné le cadre et les conditions qui nous sont imposés par un pouvoir (très) à droite, d’un parti politique d’extrême gauche présent sur les bancs de l’opposition au parlement fédéral

1. La déradicalisation des flics et des institutions racistes de ce pays est une priorité qui passe avant même la lutte contre la soi-disant » radicalisation » des jeunes.

Soutien total aux parents et aux familles.

Traitement équitable, et donc présomption d’innocence, pour ceux qui reviennent et dont nous n’avons aucune preuve qu’ils ont commis des crimes de guerre.

Projet crédible de décriminalisation des jeunes qui sont partis, si nécessaire et au cas par cas.

Stop aux licenciements (interdit professionnel) des membres de familles des inculpés pour terrorisme et le fait que tous les membres des familles sont traités comme co-responsables.

Non aux ailes spéciales pour les détenus radicalisés dans les prisons de Hasselt et d’Ittre.

2. Lutte contre l’Islamophobie : tolérance zéro face aux discriminations racistes et islamophobes dans l’accès à l’emploi pour les jeunes racisé.e.s et musulman.e.s.

Tolérance zéro face au manque de moyens financiers et humains octroyés aux établissements scolaires situés dans les quartiers populaires.

Tolérance zéro face aux violences policières.

Les revendications des sans-papiers d’aujourd’hui, qui étaient réfugiés à l’époque, sont claires. Régularisation pour tous, pour une vie dans la dignité, dans le respect du Droit International.

3. Stop aux guerres impérialistes, auxquelles notre gouvernement participe et qui nourrissent la spirale de la violence. Fin de nos participations aux guerres et donc le retrait immédiat de tous nos soldats, avions etc.

Stop au projet d’investissement faramineux dans des outils de mort et de destruction. La dépense de milliards d’euros pour ce faire serait criminelle à plusieurs égards. Non aux F-35 !

Plus que jamais, nous avons besoin d’un mouvement Décolonial contre la guerre et le racisme et pour la solidarité avec les réfugiés.

Nous avons le droit de vivre en sécurité en Belgique tout comme les Syriens, les Burkinabé ou les Pakistanais. « Nos » morts ne valent pas plus que les innocents qui tombent ailleurs.

Bruxelles Panthères
17 Avril 2016

[1] Propositions du PTB
[2] Communiqué du parti Égalité sur les jeunes volontaires pour la Syrie – 23 avril 2013
[3] 11-12-13 décembre 2015 Week-end contre l’Islamophobie en Europe


publié le 18 avril 2016