Tirer un trait sur le terme « islamophobie »

  • Le temps est venu de tirer un trait sur le terme « islamophobie », fréquemment employé pour signifier un préjugé contre les musulmans. Malheureusement, ce terme s’emploie aussi pour discréditer les critiques de l’islam, lesquels jouent pourtant un rôle nécessaire dans le débat sur les rapports entre l’Occident et les communautés musulmane mondiale.

Selon plusieurs spécialistes, journalistes et militant-e-s, les réactions européennes et nord-américaines témoignent d’un préjugé inconvenant que certains ont baptisé « islamophobie ». Mais à notre avis, l’utilisation de ce terme, et de ses variantes « islamophobe » et « islamophobique », est non seulement déplacée, particulièrement dans le cas des dissidents néerlandais Geert Wilders et Ayaan Hirsi Ali, mais inappropriée et mérite d’être répudiée.

Il faut bien sûr reconnaître qu’il existe un certain degré d’hostilité à l’égard des musulmans dans les pays de l’Occident. Cette hostilité était bien en évidence lors de la guerre des Balkans dans les années 1990 ; l’Occident s’inquiétait bien peu du massacre nombreux de musulmans qui résultait des conflits armés entres les factions ethnoreligieuses qui se disputaient le territoire de Bosnie-Herzégovine. L’intervention tardive de l’Occident en 1995 pour protéger des civils musulmans contre l’agression des croates catholiques et des serbes orthodoxes n’a pas réussi à impressionner favorablement les musulmans du monde. Les abus atroces subis par des prisonniers irakiens au centre de détention Abu Ghraib pendant la Seconde Guerre du Golfe, largement condamnés comme des actes de torture, constituent un autre exemple de l’hostilité antimusulmane. Mais de là à accuser tout critique d’islam d’être motivé par une haine profonde, basée sur la peur irrationnelle, est une erreur sérieuse. En effet, l’usage excessivement fréquent du terme « islamophobie » est une manifestation certaine de cette erreur. Au fait, dans ce débat le seul sentiment que l’on pourrait légitimement qualifier de phobique serait le mépris inconditionnel exprimé par bon nombre de musulmans pour toute personne qui exprimerait une opinion incompatible avec leur religion. Mais nous avons peu d’espoir qu’une formule comme « infidélophobie » puisse devenir d’usage courant dans un proche avenir.

La construction stratégique du mot « islamophobie », dont la racine est « islam » et non « musulman », a un but qui dépasse de loin la lexicologie. Ce terme a été conçu d’abord et avant tout afin d’assimiler la croyance religieuse, un choix de comportement, au concept de race, une catégorie involontaire. Ainsi, la simple et nécessaire critique d’une religion est transformée en un prétendu racisme, provoquant ainsi la réprobation de tout ceux et toutes celles qui s’opposent aux préjugés raciaux tout en tombant dans le piège de confondre ces deux phénomènes pourtant complètement distincts.

Bien entendu, préjuger l’ensemble des citoyens musulmans comme suspectes et indignes de confiance serait comparable à une forme de racisme. Toutefois, l’étude et la réfutation de l’islam et de sa prétendue autorité morale et métaphysique est un projet légitime et nécessaire, entièrement compatible avec une société pluraliste qui valorise la liberté de religion. En effet, la liberté de croyance, pour être réelle et universelle, doit forcément comprendre la liberté de critiquer les croyances et les croyants – un concept qui semble être étranger à l’idéologie sociopolitique de l’islam.


publié le 24 novembre 2016