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Liberté pour Hatice et Gülüzar !

Condamnées à la perpétuité, Hatice Duman et Gülüzar Erman symbolisent la persécution du journalisme et du syndicalisme révolutionnaires en Turquie. Leur cas est devenu exemplaire des constructions de dossiers que la police turque se permet à l’ombre de la loi anti-terroriste.

Hatice Duman était la rédactrice en chef de la revue Atilim, Gülüzar Erman syndicaliste du textile. Elles ont été arrêtées le 13 avril 2003 et condamnées le 4 mai 2011 à la prison à perpétuité pour avoir ‘tenté d’éliminer l’ordre constitutionnel par la force’, dans le cadre d’un procès dirigé contre le Parti Communiste Marxiste-Léniniste de Turquie (MLKP). Tandis que l’engagement de l’une consistait à diriger un journal légal et celui de l’autre à faire un travail syndical légal, elles ont été condamnées sur base d’un dossier monté de toutes pièces par la police pour les impliquer dans des actions armées attribuées au MLKP (la destruction à l’explosif du siège d’Uskudar du parti fasciste MHP et deux attaques de banque). Ce n’est pas la première fois que la police monte des dossiers pour liquider les journalistes et les syndicalistes qui dérangent l’ordre établi.

Le 25 juin 2012, 71 syndicalistes de la Confédération des Syndicats des Travailleurs du Secteur public (KESK) avaient été arrêtés et 28 emprisonnés pour ‘appartenance à une organisation terroriste’ (cette fois le PKK). Le 19 février dernier, une opération policière a été menée dans 28 villes contre les syndicalistes du KESK. Plus de 160 syndicalistes ont été arrêtés au cours de ces opérations, dont 54 à Istanbul et 30 à Ankara. Parmi eux, au moins 55 ont été placés en détention pour ‘appartenance à une organisation terroriste’ (cette fois le DHKP-C !).
Ces arrestations ont lieu alors qu’une soixantaine d’autres syndicalistes sont déjà en prison, dont certains depuis plusieurs années. Il s’agit de la plus vaste opération policière contre les syndicalistes depuis la junte militaire de 1980. Sous couvert de la loi anti-terroriste, le régime d’AKP, le parti au pouvoir, vise systématiquement les syndicats opposants les plus actifs et les plus organisés qui refusent de se soumettre à la politique antisociale du gouvernement. Il y a actuellement 110 syndicalistes en prison en Turquie.

Ce qui est vrai des syndicats l’est aussi de la presse. La revue Atilim a une longue histoire de persécution : son précédent directeur de la publication, Ibrahim Cicek, et son assistant, Sedat Senoglu avaient été arrêtés en septembre 2006 en même temps qu’un journaliste radio et deux rédacteurs du journal. Tous ont été mis au secret de longs mois, sans même pouvoir rencontrer leurs avocats, conformément à la loi anti-terroriste. Ibrahim Güvenç, le rédacteur en chef du seul quotidien en langue kurde, Azadiya Welat, a fait l’objet de dix-sept procès l’année passée, et plusieurs de ses journalistes ont été arrêtés pour ‘appartenance [ou propagande] à une organisation terroriste’ (le PKK). 72 journalistes, dont six rédacteurs en chef et co-propriétaires privilégiés, sont toujours derrière les barreaux en Turquie, qui détient le record mondial des syndicalistes et des journalistes en détention.


publié le 17 mai 2013