Capitulation des libertaires devant la pensée dominante et l’union sacrée

Il faut beaucoup de courage à des libertaires, par les temps qui courent et dans le ralliement quasi général autour de l’union nationale et les valeurs de Charlie Hebdo, pour continuer le combat antiraciste malgré toutes les pressions pour faire de l’antisémitisme le SEUL racisme et occulter particulièrement l’islamophobie, qui est bel et bien le racisme dominant aujourd’hui.

A preuve ces réactions proprement scandaleuses et d’une mauvaise foi abyssale :

Dix questions aux « libertaires » sur l’« islamophobie » et le racisme (on remarquera les guillemets, qui en disent long sur les sous-entendus)
http://www.mondialisme.org/spip.php?article2230

Protestation devant les libertaires d’aujourd’hui sur les capitulations devant l’islamisme
http://www.autrefutur.net/Protestation-devant-les

Ceci est la réponse, qu’on ne trouvera évidemment pas chez les nouvelles recrues de la « liberté d’expression » à la mode Charlie.

Protestation devant les libertaires d’hier sur leur capitulation devant la pensée dominante et l’union sacrée

On ne peut qu’être atterré de voir comment d’anciens compagnons de route peuvent se trouver des ennemis de substitution pour justifier leur abandon des luttes actuelles et leur ralliement à pensée dominante. On les avait presque oubliés tellement ils étaient absents de nos luttes, on ne les voyait jamais manifester contre les guerres, l’impérialisme, le colonialisme et l’apartheid, car leurs ennemis principaux étaient devenus Cuba, le Venezuela, le Hamas ou le Hezbollah, qui comme chacun sait sont LES véritables dangers qui menacent la planète. Leur antifascisme s’était rétréci à droite pour ne plus concerner que Front national et élargi à gauche pour englober les antisionistes (catalogués antisémites ou rouges-bruns) que leur désignent les nouveaux complotistes, ceux qui voient des complots antisémites partout. Ils se rappellent aujourd’hui à notre souvenir non pour faire leur autocritique, mais au contraire pour nous accuser de ne pas avoir suivi la même voie qu’eux ; pour nous signifier que ce n’est pas par lassitude ou par désintérêt qu’on ne les voyait plus, mais bien parce qu’ils militaient avec nos ennemis de la nouvelle majorité d’union nationale.
Pour justifier cette étiquette « militante », ils ont trouvé depuis peu l’islam comme ennemi fédérateur, un ennemi inespéré et sans risques, puisqu’ils se retrouvent aux côtés de la droite, du centre, de la gauche, de l’extrême droite et d’une partie de l’extrême gauche contre l’ennemi commun. Pour cette lutte, ils n’ont même pas à craindre les flics et la justice, qui sont aussi de leur côté. Il leur faut des manifs d’au moins un million de personnes pour descendre dans la rue. Et c’est eux qui nous expliquent que leur combat appelle « d’autres vertus comme le courage ». Quel courage, en effet, de hurler avec les loups ! C’est super enivrant pour des gens habitués à être minoritaires, quel pied !

Ils n’en peuvent plus d’avoir soudain le droit de tout dire et de pouvoir traiter qui ils veulent de fasciste ou de nazi ! Les courageux libertaires ne mâchent pas leurs mots, mais si on a le malheur de dénoncer d’autres fascistes, comme les fascistes sionistes, qui ont commis plus de crimes et depuis plus longtemps, là on est prié de se modérer si on ne veut pas être qualifié d’antisémite !

« Depuis quelques années, des ENFANTS et des adultes sont assassinés parce que juifs » ! Mais depuis combien de décennies des milliers d’ENFANTS et d’adultes sont-ils assassinés par les sionistes dans le silence assourdissant de nos vaillants libertaires, dont plus de 2 000 ENFANTS rien que depuis la deuxième Intifada ? Ils ont été assassinés parce que non-juifs, parce qu’ils n’ont pas eu la chance de naître juifs dans un pays dont les juifs les ont dépossédés et où ils sont traités comme des animaux. C’est plutôt là qu’« on a pu noter la faiblesse des réactions et des positions prises par certains camarades et même constater leur aveuglement par rapport au fait brut ». Et c’est vraiment un euphémisme, parce que non seulement ils n’ont pas manifesté la moindre solidarité, mais ils ont passé leur temps à dénoncer ceux qui s’engageaient contre ces crimes. Comme dans ce pamphlet hallucinant de manichéisme dont on se demande s’il a été écrit par un libertaire ou par Finkielkraut !

Et ce n’est pas le seul, ça fait un moment, et bien avant l’attentat de janvier, que de soi-disant « bons libertaires » sont partis en croisade contre de « mauvais libertaires » qui ont l’outrecuidance de penser qu’il y a d’autres racismes que l’antisémitisme, et qu’il faut les combattre sans attendre un consensus allant de l’extrême droite à l’extrême gauche. Tout comme pour Finkielkraut, le mot « antiracisme » leur est devenu suspect, car ils ne veulent pas qu’il désigne aussi la lutte contre le sionisme et l’islamophobie. Les nouveaux Saint-Just n’avaient pas encore épuisé les ennemis que leur avait désigné la morale bien-pensante qu’il leur fallait y ajouter les libertaires déviants :

« C’est donc avec effarement et consternation que j’ai lu le manifeste : « Libertaires et sans-concessions contre l’islamophobie ! » » Moi, c’est avec effarement et consternation que j’ai pu lire le texte de P.V., qui reprend les arguments des politiques et des médias avec un vocabulaire dans lequel aucun libertaire ne peut se reconnaître, mais qui est récupéré au contraire par les racistes de tout poil, qui se frottent les mains d’une telle aubaine.

« la lucidité est nécessaire mais s’accompagne et appelle d’autres vertus comme celle du courage ». Ceux qui ont bien du courage, ce sont les anarchistes qui ont publié l’appel contre l’islamophobie, car il en faut beaucoup pour aller à contre-courant de la pensée dominante, celle de l’Etat, des médias et de leurs idiots utiles libertaires. Ces derniers n’ont pas besoin, eux, du moindre courage, ils sont rentrés de plain-pied dans la majorité.

« Ce que nous pouvons constater c’est que les Français de confession juive se voient communautarisés et responsabilisés collectivement de la politique israélienne envers les Palestiniens. » C’est un comble ! Une bonne partie des « Français de confession juive » se sont « communautarisés » tout seuls et soutiennent activement le nettoyage ethnique de la Palestine depuis longtemps, bien avant les attentats, et c’est eux qui ont le culot de dénoncer le communautarisme et le racisme des musulmans ! Quant aux autres, ceux qui dénoncent avec nous le sionisme et les crimes contre l’humanité, ils sont traités de juifs traîtres, qui ont la « haine de soi ». C’est affligeant de voir des gens qui continuent à se dire libertaires adopter le langage et les arguments de Finkielkraut et de Cukierman ! Et on remarquera l’énorme lapsus révélateur : les « Français de CONFESSION juive » pour parler des juifs français ! Bonjour la religion stigmatisée d’un côté et banalisée de l’autre ! C’est bien la preuve imprudemment avouée que l’islamophobie est un racisme au même titre que l’antisémitisme. Tu ne te relis jamais, camarade ? « A les lire, l’islamophobie serait un habit neuf du racisme dans la mesure où il viserait non pas une religion mais une communauté consubstantiellement associée à celle-ci. Tant pis pour ceux qui en sont exclus ! » C’est EXACTEMENT ce que tu fais en parlant de « Français de CONFESSION juive », mais tu ne t’en es même pas aperçu tellement tu es obnubilé par ton antiracisme sélectif ! La catégorisation selon la confession pour cacher le racisme profond est une des stratégies des racistes – de tous bords.

« Mais déjà, lors de la parution du livre « L’impasse islamique » de Hamid Zanaz (Les Editions libertaires, 2009), on avait pu constater la position faiblarde de nombreux libertaires pour qui la critique de l’islam semble impossible, sinon taboue. » C’est un foutu euphémisme, il n’y a pas eu une « position faiblarde », mais bel et bien une condamnation de ce bouquin par les libertaires conséquents…

http://www.alternativelibertaire.org/?Confus-Zanaz-L-impasse-islamique

http://www.bboykonsian.com/Pas-d-islamophobie-au-nom-des-idees-libertaires_a3118.html

https://quartierslibres.wordpress.com/2014/07/25/pas-dislamophobie-au-nom-des-idees-libertaires/

https://nantes.indymedia.org/articles/18879

« Nous n’avons pas à nous excuser de vivre selon nos désirs, de manger et de boire ce qui nous plaît ! » Et qui vous en empêche ? C’est vous qui imposez aux autres votre façon de vivre, en soutenant l’Etat dans ses lois discriminatoires. Vous pouvez même faire de la provoc sans le moindre risque dans les « apéros saucisson-pinard » si ça vous chante.

« la question palestinienne est devenue la question juive au sens nazi, c’est-à-dire la volonté clairement affichée d’éliminer les juifs ». Qu’il ose donc aller dire ça aux intéressés plutôt que dans un cercle d’intimes. Comment peut-on sortir de telles provocations et s’étonner que d’autres renvoient la balle en considérant que le rêve des sionistes est la volonté clairement affichée de l’élimination des Palestiniens, à l’exemple des nazis. Il n’y a plus aucun risque de comparer ses ennemis aux nazis, maintenant, sauf quand il s’agit de juifs : là on risque le tribunal. En employant l’expression LES Français de confession juive, P.V. fait sciemment l’amalgame qu’il reproche aux autres et qui permet de classer comme antisémite n’importe quelle action concernant DES juifs, quels que soient ces juifs et quelles que soient ces actions et leurs motivations. C’est exactement le but recherché par le CRIF, l’Etat et la classe politique dans son ensemble. Pour faire passer le racisme quotidien, on ne parle QUE de l’antisémitisme. Les autres racismes, c’est la « liberté d’expression » !

« Que tous les Arabes ne soient pas des musulmans ni des islamistes ni même des croyants est sans doute une subtilité pour nos camarades ! »
Et en plus, ils nous prennent pour des cons qui ne comprennent rien à ce qu’ils écrivent, mais ça prouve tout simplement qu’ils ne prennent pas la peine de lire les textes qu’ils dénoncent. La plupart des gens ne font pas la différence entre un Iranien, un Arabe, un Turc, un Kabyle ou un Kurde, pour eux, c’est des « bougnoules », des gens pas comme nous. C’est dans ce sens qu’on peut parler d’islamophobie, parce que dans leur tête ils ont besoin de les amalgamer sous l’étiquette « musulmans », même s’ils ne le sont pas toujours. Et il est navrant de constater que des libertaires puissent utiliser ce même subterfuge sémantique pour nier le caractère fondamentalement raciste de l’islamophobie.

L’islamophobie est un racisme EXACTEMENT au même titre que l’antisémitisme ou que le sionisme, et ceux qui le nient ou lui trouvent des excuses tombent dans la catégorie du NÉGATIONNISME, qui est leur cheval de bataille par ailleurs, quand il s’agit des juifs : « De nouveau, comme hier avec les négationnistes, nous retrouvons chez certains camarades une même impossibilité de comprendre les arrière-pensées de certains. » Mais si, mais si, on comprend parfaitement les arrière-pensées des négationnistes qui nient que l’islamophobie soit un racisme pour être exonérés de racisme…

« L’islamophobie est sans aucun doute, comme pareillement l’antisionisme, un terme qui peut couvrir une opinion moins avouable. » On a bien compris l’allusion ; c’est pourquoi Coleman et ses acolytes mettent systématiquement des guillemets à ces deux termes, pour bien signifier que les antisionistes sont en réalité des antisémites déguisés et que l’islamophobie est un terme abusif employé par des gens pas recommandables. C’est justement contre ça qu’on se bat, car des libertaires responsables ne doivent pas tolérer d’exceptions dans leur lutte contre le racisme.

« Lorsqu’on prend le métro à Paris de très bonne heure, on voit des travailleurs immigrés - ceux qui embauchent dès 6 heures du matin, souvent pour nettoyer les entreprises-, et ce qu’ils lisent ou récitent plutôt, ce n’est pas des brochures révolutionnaires ou même des poèmes mais bien le Coran ! » Quelle honte, quelle suffisance d’écrire des trucs pareils du haut de sa supériorité occidentale ! Quel mépris des peuples inférieurs ! On croirait lire Oriana Fallaci ! « j’ai aussi vu des femmes le lire » ! Non ? sans déconner, elles savent lire ? Ces pauvres immigrés, ce n’est pas assez qu’ils soient constamment contrôlés par les flics, il faut encore qu’ils soient surveillés « dès 6 heures du matin » par des militants révolutionnaires ! On tremble en pensant à ce que deviendrait la liberté de pensée si ces révolutionnaires-là avaient le pouvoir un jour. De même que grâce à Charlie on a imposé des minutes de silence et La Marseillaise dans les écoles, ils imposeraient aux immigrés un quota de brochures révolutionnaires avant d’aller bosser. Qui sait, peut-être qu’ils nous aimeraient enfin ?

« Il y a plus d’une vingtaine d’année, dans un bus j’ai entendu un groupe de jeunes dégueuler leur haine par un « mort aux juifs ! » Hélas, ce genre de paroles n’avait rien de nouveau… Ce qui pouvait l’être, c’est qu’il était professé à l’intérieur d’un bus, donc dans un espace public. » Quelle mémoire ! Et depuis vingt ans, tu n’as plus fréquenté les espaces publics ? C’est dommage, parce que tu y aurais vu les musulmans (ou supposés tels au faciès) subir ce genre de racisme quotidiennement. C’est ça, le vrai racisme, que certains ne veulent pas voir parce que ça ne les intéresse pas.

« Ce texte [des libertaires antiracistes] défend principalement la thèse que l’islamophobie est une forme de racisme. Les signataires reprennent DONC à leur compte les arguments les plus souvent avancés par les islamistes eux-mêmes [sic]. » Il faut avoir fait un stage de novlangue ou un séjour chez le père Ubu pour sortir des stupidités pareilles, du niveau de La Semaine de Suzette ! C’est ça le type de « raisonnement » qu’on voudrait enseigner au peuple inculte ?

« Quel sorte de libertaires sont-ils ceux qui se montrent plus offusqués - même si parfois la critique est méritée - par Charlie Hebdo, Michel Onfray ou par Caroline Fourest que par l’assassinat d’enfants juifs par Merah ? » Quelle tartufferie de se servir de ces assassinats pour faire de la surenchère de café du Commerce ! Et quelle sorte de libertaires sont-ils ceux qui attendent pour avoir un motif de s’offusquer qu’il y ait un assassinat d’enfants juifs, alors qu’ils ne se sont jamais offusqués de crimes contre l’humanité à une autre échelle quand, l’été dernier, des centaines d’enfants non juifs de Gaza étaient déchiquetés ou cramés sous les bombes au phosphore ? Et quelle sorte de libertaires sont-ils ceux qui se font dicter leur militantisme par Charlie Hebdo, Michel Onfray ou Caroline Fourest ? On pourrait même élargir la liste à tous ceux dont les arguments sont similaires, et on aurait la surprise de voir côte à côte Finkielkraut, Philippe Val, la FA ou Yves Coleman. Au point que ce sont les médias de droite et d’extrême droite qui reprennent leur prose, parfois plus que les sites libertaires. Pour ceux qui ne veulent pas le croire :

Dix conseils aux antisionistes pour ne pas tomber dans les pièges de l’antisémitisme, publié par un site ultrasioniste :
http://www.desinfos.com/spip.php?page=article&id_article=3357

Le best-seller d’Yves Coleman, « Limites de l’antisionisme », repris par un autre site sioniste :
http://www.zionism-israel.com/limites_de_l

Riposte laïque s’exprime sur Radio libertaire : entre islamophobes on se soutient :
http://ripostelaique.com/Anne-Zelensky-et-Pierre-Cassen.html
http://www.fdesouche.com/69585-«tant-quon-est-culpabilise-detre-occidental-on-va-droit-dans-le-mur

« L’Impasse islamique », que ne renierait pas Riposte laïque, publié aux Editions libertaires, encensé dans un site islamophobe :
http://www.contrelislam.eu/selection_ouvrages.php

Voir aussi la critique par les libertaires de la dérive de la FA et de RL :
http://forum.anarchiste-revolutionnaire.org/viewtopic.php?f=12&t=3429
http://www.alternativelibertaire.org/?Riposte-laique-Et-petit-Blanc

Un compte-rendu des manifestations de Gaza dans le « Monde libertaire » repris par le forum « Toute la droite » :
http://toute-la-droite.forumdediscussions.com/t3470-les-anarchistes-n-aiment-pas-les-barbus

La même chose sur le site de « Français de souche », les racistes jubilent :
http://www.fdesouche.com/21475-gaza-sans-dieu-ni-etat-sic

… et une réponse d’Alternative libertaire :
http://www.rezoweb.com/forum/sante/myastheniagravi/15694.shtml

Le meurtre d’Ilan Halimi, par Yves Coleman, publié dans le forum politique de Nicolas Sarkozy.
http://archives-forum-sarko.probb.fr/t499-le-meurtre-d-ilan-halimi-et-le-malaise

Etc., etc.

Alors, qui sont les « idiots utiles », et de qui ?

Mais la malhonnêteté suprême, c’est de prendre les exemples de Merah ou du massacre du supermarché cacher comme arguments pour à la fois relativiser l’islamophobie et nous rendre complices de crimes odieux ! En amalgamant islam, islamisme, fanatisme religieux et terrorisme, on fait de l’islamophobie une sorte de réaction vertueuse contre la religion et le terrorisme au lieu d’un racisme comme les autres. D’où la hargne contre ceux qui dénoncent cette attitude. Il est par ailleurs parfaitement indécent d’utiliser l’émotion suscitée par des massacres pour stigmatiser toute une population en exaltant les instincts populaires les plus bas dans un but politique. Vos manifs de plusieurs millions de personnes ne nous impressionnent pas : l’union sacrée n’a jamais amené que la guerre ou le fascisme. Au lieu de lire Philippe Val ou Fourest, vous feriez mieux de lire Wilhelm Reich. On voit déjà les résultats de votre union sacrée : la France se transforme à une vitesse grand V en Etat policier et fasciste, où le blasphème contre les valeurs de la République est sévèrement puni, où la liberté d’expression est réprimée jusque dans les écoles et où la « laïcité » d’Etat a le statut de religion d’Etat. Houellebecq et Zemour se frottent les mains de cette aubaine !
En attaquant les libertaires antiracistes, vous essayez d’insinuer que nous aurions notre responsabilité dans les attentats, au mieux par notre passivité, au pire par notre complicité. Mais nous n’avons de leçons à recevoir de personne ; NOUS, nous n’avons renié aucune de nos idées libertaires, par contre nous n’avons jamais vu ces moralisateurs apporter le moindre soutien à ceux qui subissent l’oppression au quotidien, ni participer à nos luttes. Ça me désole bien plus que P.V. que les opprimés ne soient pas tous anarchistes, mais je ne me sers pas de cet alibi pour ne rien faire et pour les enfoncer un peu plus en apportant une aide inespérée à leurs bourreaux. Au lieu de les aider à s’émanciper des croyances et des nationalismes, ils refusent même de les voir pour pouvoir afficher une position sans concessions tellement plus pratique ! Si la seule présence de sensibilités différentes fait fuir les révolutionnaires, la révolution est mal partie.

Tous les clichés, tous les amalgames, toute la langue de bois que nous subissons de la part des ténors de la pensée dominante se trouvent rassemblés là, pas un ne manque, même pas les inévitables précautions d’usage, « nous ne sommes pas racistes, mais… », « nous sommes contre toutes les religions, mais… » Prétendre qu’ils dénoncent toutes les religions et tous les racismes est un mensonge éhonté. L’islamophobie est le seul lien qui fédère les racistes de l’extrême droite à l’extrême gauche. On ne les verra jamais nous faire un plaidoyer semblable contre le judaïsme, par exemple, qui est pourtant à l’origine de la peste monothéiste et qui sert de justification pour l’apartheid et le nettoyage ethnique de tout un peuple.

On pourrait reprendre chaque phrase de ce texte, qui est un désastre de la pensée honnête, mais en fait toutes les réponses se trouvent déjà dans « Libertaires et sans concessions contre l’islamophobie », même s’ils font semblant de ne pas s’en être rendu compte. Faire les questions et les réponses leur tient lieu de débat. Mais on voit bien au fil de leur discours où ils veulent en venir : malgré des justifications alambiquées hypocrites et peu convaincantes, c’est une population dans son ensemble, coupable d’être différente, qui est visée, et pas seulement les extrémistes et les « fous de Dieu ». Ils l’avouent eux-mêmes : « Après les tueries de Vincennes et de Charlie Hebdo, on nous propose avec insistance et apaisement dans le sens du poil une laïcité au rabais plutôt favorable aux religions. Cette interprétation est une sacrée opportunité que les religieux de tout poil ont compris et s’empressent de défendre. Car elle peut se comprendre comme un rempart contre toute remise en question de l’idée religieuse et peut devenir une arme contre l’athéisme ou même la moindre pensée libre. » On sait lire : la moindre faiblesse, la moindre solidarité, le moindre sentiment de culpabilité pour ce que nous avons fait subir à ces anciens peuples colonisés et en bute au racisme et à la ségrégation depuis toujours serait une trahison de nos principes sacrés. Nos révolutionnaires intransigeants ne s’adressent à cette population que quand ils peuvent se déchaîner à côté de la majorité, car ils n’ont plus le courage des luttes minoritaires. Leurs amis d’hier sont devenus leurs ennemis d’aujourd’hui, car ils ne veulent pas se séparer de leurs nouveaux complices de l’union nationale. Comment pourraient-ils se permettre de défendre l’islamophobie avec autant d’aplomb s’ils n’avaient pas derrière eux un consensus national d’une telle ampleur : l’Etat, le gouvernement, la classe politique, les médias, les flics et la Magistrature ? Il y a comme ça des moments magiques où tout le monde se retrouve contre un ennemi commun, comme à la veille de la guerre de 14.

Et aucun argument ne nous est épargné pour justifier cette mascarade, on nous ressort même les vieux poncifs éculés comme l’affaire Dreyfus, qui n’a pas été un des épisodes les plus glorieux du mouvement libertaire. La fin du XIXe siècle a été marquée par un antisémitisme virulent qui touchait toutes les couches de la société, une des périodes les plus sombres de notre histoire. Il était normal que les anarchistes, en antiracistes conséquents, soient à la pointe du combat contre ce fléau. Mais au lieu d’en faire un combat de classe et révolutionnaire, certains anarchistes ont choisi d’en faire un combat pour l’intégration des juifs dans les hautes sphères de la République, notamment son armée ! Car Dreyfus n’était pas un simple juif, ni un simple troufion, c’était un capitaine de l’armée française, cette armée qui tirait sur les grévistes et massacrait les indigènes dans les colonies. Des anarchistes « dreyfusards », c’est aussi ridicule que des féministes qui se réclameraient de Margaret Thatcher au nom des droits de la femme. Que Zola soit dreyfusard, c’est normal, il n’était pas antimilitariste et il avait une idée de la justice et de la démocratie qui était celle de Dreyfus mais qui n’est pas celle des libertaires. Que des libertaires soutiennent Dreyfus individuellement, pourquoi pas, comme Voltaire avait défendu Calas, mais certainement pas en tant que libertaires et en demandant aux libertaires de se positionner en tant que tels.

De plus, le soutien de ces libertaires l’était sur des bases ubuesques : l’innocence du capitaine ! Innocent de quoi ? A la différence de Calas, qui était accusé d’un crime sordide, Dreyfus était accusé de trahison, et depuis quand des anarchistes devraient défendre la loyauté des officiers de l’armée française ? Il n’était pas déserteur, ni même critique, il n’a jamais remis en cause l’armée, tout ce qu’il demandait, c’était de la servir loyalement en tant que juif.

Il aurait fallu beaucoup plus de courage pour le défendre s’il avait été coupable, car après tout, si un juif a le droit d’être capitaine comme tout le monde, pourquoi ne pourrait-il pas être espion comme tout le monde ? Et que fait-on des juifs allemands, et des anarchistes allemands ? Est-ce que les anarchistes doivent se mobiliser chacun dans son pays pour défendre la loyauté de leurs armées respectives ? Le capitaine Dreyfus était peut-être innocent du crime de trahison, mais il était assurément coupable de crimes de guerre de par son grade dans l’armée française. Tout ça est tellement grotesque qu’on se demande comment des libertaires peuvent encore passer leur temps à ressasser de telles inepties, sinon pour cacher leur absence des luttes véritables.

Et si on ressuscite Dreyfus, il faut par la même occasion ressusciter Lazare, si on me permet ce mauvais jeu de mots ! Car le grand motif de fierté des anarchistes dreyfusards, c’est qu’un anarchiste juif, Bernard-Lazare, ait été le « premier dreyfusard » ! Et quel anarchiste ! Le modèle même du juif intégré qui déteste les autres juifs, un antisémite tel qu’il ferait pâlir d’envie ceux qui sont pourchassés par nos libertaires aujourd’hui.

« Agacé par les menées antisémites, Bernard-Lazare veut se désolidariser, lui Israélite français et provençal, des juifs étrangers ou alsaciens. Ce fut l’attitude de beaucoup de juifs français à cette époque. Drumont voit dans le Juif l’homme d’argent, cupide et sans coeur. Il a peut-être raison, mais les Israélites ont tort de se laisser confondre avec les Juifs dont parle Drumont, tous des "métèques". "Il siérait que les antisémites, justes enfin, deviennent plutôt antijuifs, ils seraient certains, ce jour-là, d’avoir avec eux beaucoup d’Israélites." "Les Israélites sont en effet de braves gens, semblables à tous les autres. (Je parle et ne veux parler que des Israélites de France, les autres me sont indifférents et étrangers)". Ils ont tort de s’occuper des autres Juifs. L’Alliance Israélite Universelle, qu’ils ont fondée pour venir en aide à leurs coreligionnaires d’Orient, n’est pas une association religieuse, puisque "la religion hébraïque est depuis longtemps tombée dans un rationalisme bête, elle paraît emprunter ses dogmes à la Déclaration des droits de l’homme". "Donc elle se base sur la race, elle devient alors fausse et dangereuse".

En effet, les Juifs ne sont plus une race. Il y a deux sortes de Juifs, ceux du Midi comme Bernard-Lazare, qui sont la partie noble du judaïsme, mêlés aux Latins, et dolychocéphales, et les Juifs de l’Est, brachycéphales et d’origine mongole. Ces Juifs, dits Juifs allemands, sont un peuple d’usuriers sans valeur intellectuelle. "Si quelques-uns, comme Heine, se sont affirmés, peut-être étaient-ils descendants d’émigrés espagnols".
"Que m’importent à moi, Israélite de France, des usuriers russes, des cabaretiers galiciens prêteurs sur gages, des marchands de chevaux polonais, des revendeurs de Prague et des changeurs de Francfort ? En vertu de quelle prétendue fraternité irai-je me préoccuper des mesures prises par le czar envers des sujets qui lui paraissent accomplir une oeuvre nuisible ? Grâce à ces hordes avec lesquelles on nous confond, on oublie que, depuis bientôt deux mille ans, nous habitons la France, deux mille ans, comme les Francs qui envahirent ce pays et s’en firent une patrie... En tout cas, ce que je veux proclamer, c’est que nous n’avons rien de commun avec ceux qu’on nous jette constamment à la face, et que nous les devons abandonner". Il propose donc que les Israélites de France se retirent de l’Alliance Israélite Universelle, qu’ils ont eu le plus grand tort de créer. "Il serait plus normal, de la part des Israélites, français, d’arrêter, d’endiguer s’ils le peuvent, la perpétuelle immigration de ces Tatars prédateurs, grossiers et sales, qui viennent indûment paître un pays qui n’est pas le leur."

Mais ce n’était pas assez de tenir des propos qui font de lui un antisémite caricatural, il lui fallait couronner son œuvre en défendant la cause sioniste :

« Contrairement à ce qu’il pensait en 1894, Bernard-Lazare croit de plus qu’il faut conserver et même fortifier ce sentiment national. Il faut être nationaliste. […]

Ainsi, pour Bernard-Lazare, internationalisme et nationalisme sont nécessaires l’un à l’autre ; ils s’appuient et se complètent. Désormais, il va se donner tout entier à son peuple retrouvé, sans cesser un moment de rester universaliste, sans renier aucunement la foi anarchiste de sa jeunesse.
Il dirige maintenant la partie française de la revue Zion (Sion), il collabore au Kadimah, "Organe pour l’Emancipation nationale du Peuple juif", il écrit dans l’Echo Sioniste. Son nom se répand parmi les sionistes de tous les pays.
 En 1898, il assiste, à Bâle, au second congrès sioniste, où l’on recherche les moyens de créer .en Palestine l’Etat Juif préconisé par le Dr Herzl. Bernard-Lazare y fait l’objet d’un accueil enthousiaste. Il devient membre du Comité onialismed’action.
 De retour à Paris, il fonde une nouvelle revue, Le Flambeau, "organe du judaïsme sioniste et social". […] »

Cette biographie de Bernard Lazare ne vient pas d’un site tendancieux, mais du site d’Increvables Anarchistes, qui est apparemment en liquidation maintenant :
http://increvablesanarchistes.org/articles/biographies/lazare_bernard.htm

Mais on peut la retrouver ici :
http://judaisme.sdv.fr/perso/dreyfus/blazare/blazare.htm

De tout temps, des anarchistes traumatisés par leur isolement ont été tentés par l’union nationale : il vaut mieux être mal accompagné que seul. Il y a un siècle, certains d’entre eux, et non des moindres, dans la logique des dreyfusards, ont justifié la guerre de 14-18 et soutenu la France, « patrie de la révolution » ! On voit qu’il n’y a rien de nouveau. Les « dreyfusards » d’aujourd’hui défendent la liberté d’expression dans Charlie Hebdo comme ceux d’hier défendaient la lutte révolutionnaire et antiraciste dans l’armée française !

Il est bien évident que les libertaires responsables rejettent totalement les accusations et les insultes de ce pamphlet inacceptable. La hiérarchisation des victimes et de l’indignation n’est pas tolérable venant de personnes qui continuent à se dire libertaires. C’est qui ces militants qu’on ne voit jamais mais qui ont l’air de connaître mieux que nous nos positions devant certains crimes et pas d’autres, et qui les jugent à l’aune de leurs propres valeurs ? Et qui ne supportent pas qu’on combatte le racisme parce qu’ils ont décrété qu’il n’y avait qu’UN racisme, celui défini par la pensée dominante dont ils font maintenant partie !

Leur radicalité et leur purisme idéologique ne nous impressionnent plus depuis longtemps. Ils ne viennent pas dans nos manifs parce qu’ils ont peur de rencontrer des religieux, des femmes avec des foulards ou des nationalistes, mais ils n’ont pas peur d’aller dans des manifs où il y a Hollande, Valls, Sarkozy, Merkel, Porochenko, des flics, des juges, des militaires, des curés, des rabbins et même des imams présentables… Ils n’ont pas peur non plus de nous donner en exemple le capitaine Dreyfus et l’antisémite Bernard-Lazare. Comment veulent-ils qu’on les prenne au sérieux quand ils nous brandissent leurs slogans contre la religion, l’Etat, l’armée, la justice, le capitalisme ?

On a bien compris leurs positions, et ce n’était pas la peine de se lancer dans des explications aussi embrouillées pour en arriver à une conclusion très claire et qui résume parfaitement ce texte :

« nous revendiquons pleinement le droit au mouvement libertaire de ne pas être islamophile, NI DE CRAINDRE D’ÊTRE CATALOGUÉ COMME ISLAMOPHOBE »

Tout est dit, et, pour paraphraser P.V. : un chat est un chat, et un raciste est un raciste. Il serait temps que les libertaires qui n’ont pas peur d’être catalogués comme islamophobes acceptent de CONNAÎTRE nos positions, à défaut de les admettre :

L’islamophobie est un racisme, au même titre que l’antisémitisme ou le sionisme, et nous savons très bien faire la différence entre blasphème et racisme, on ne nous aura pas avec ce genre d’hypocrisie.

Nous ne sommes ni islamistes, ni musulmans, ni même croyants, mais nous n’imposons pas nos idées libertaires par la force, à la manière des colons imbus de leur supériorité occidentale. Nous lutterons toujours contre l’obscurantisme, religieux ou laïque, mais nous ne méprisons pas ceux qui n’ont pas eu la chance comme nous d’avoir accès à un milieu permissif.

Nous sommes partie prenante de tous les combats contre la discrimination et l’asservissement des femmes, musulmanes et non musulmanes, mais nous ne prendrons pas prétexte de leur situation pour leur imposer notre mode de vie et nos coutumes, vestimentaires et autres, pour nous croire supérieurs et nous autoriser des attitudes sexistes et paternalistes ; et dans tous les cas nous refuserons toutes les lois discriminatoires. Ces bonnes âmes qui rêvent de déshabiller les femmes musulmanes nous rappellent trop les résistants de la dernière heure qui tondaient par patriotisme les femmes coupables de « collaboration horizontale » avec l’ennemi.

Nous dénoncerons tous les crimes, et pas seulement ceux qui nous arrangent. Nous refuserons toute hiérarchisation des victimes, la mort atroce d’enfants dans des attentats terroristes n’est pas pire que la mort de milliers d’enfants sous les balles ou les bombes des Etats.

Nous continuerons notre lutte contre le racisme, le fascisme, l’impérialisme, le colonialisme, le sionisme, sans attendre que les populations qui demandent notre aide aient adhéré à nos convictions politiques ; notre solidarité contre les nettoyages ethniques et les crimes contre l’humanité ne sera pas conditionnée à une caution idéologique des victimes. Il est aussi indécent de demander aux Palestiniens de se justifier par rapport à la religion et au nationalisme avant de leur apporter notre aide qui si on avait demandé la même chose aux juifs pendant la période nazie.

Nous refusons la liberté d’expression à deux vitesses, les tabous, le droit au blasphème pour certains et pas pour les autres. Nous ne nous laisserons pas insulter ni accuser de faire le jeu des antisémites et des terroristes parce que nous ne rentrons pas dans l’union nationale.

Nous ne laisserons pas des gens qui ne viennent jamais manifester avec nous nous dire comment nous devons le faire et relayer les mensonges des médias du pouvoir qui nous accusent d’antisémitisme, comme cela s’est vu pour les manifs de solidarité avec Gaza.

Nous ne sommes pas Charlie, nous sommes nous-mêmes. Nous avons été aux côtés de Charlie Hebdo dans les années 70, quand nous avions les mêmes ennemis et que nous partagions les mêmes valeurs, mais ça s’est arrêté quand ils sont passés dans l’autre camp. Ça fait plus de quinze ans que nous dénonçons la dérive de Charlie, son racisme, son sionisme, son ralliement aux valeurs de la République et à l’économie de marché, son atlantisme et son anticommunisme primaire, son soutien des guerres impérialistes, son sexisme et sa fausse impertinence, ses provocations islamophobes pour faire augmenter les ventes. Que des libertaires en aient fait le symbole de la « liberté d’expression » tout comme le pouvoir démontre l’abîme qui nous sépare… Nous ne sommes pas des girouettes, et aucun attentat ne peut nous faire changer de camp, surtout pour accéder à une respectabilité et une reconnaissance dont nous ne voulons pas…

Voilà les bases sur lesquelles nous considérons anarchistes. Et elles « ne sont pas négociables ».


publié le 23 août 2018