Intervention de Simon Assoun pour l’UJFP au meeting unitaire pour la libération de George Ibrahim Abdallah

Près de 200 personnes, réunies samedi 2 février au CICP à Paris, ont exprimé leur soldarité avec Georges Abdallah, par leur présence, leurs interventions, leurs messages et leur participation efficace à l’organisation réussie de cette soirée organisée par la Campagne unitaire pour la libération de Georges Abdallah.

Le meeting a débuté par la lecture de la déclaration de Georges Abdallah, suivie d’un message de son frère Robert pour la Campagne internationale. S’ensuivirent la déclaration de la Campagne unitaire d’Île de France, un message du secteur pénitentiaire du FPLP de Gaza, puis celui de Samidoun.

Se sont succédé à la tribune : Omar Slaouti (collectif Rosa Parks), Saïd Bouamama (sociologue et militant du FUIQP), Olivia Zémor (Capjpo-EuroPalestine), deux jeunes camarades du Secours rouge de Belgique, Youssef Boussoumah (PIR) et Simon Assoun (UJFP).

INTERVENTION DE SIMON ASSOUN

Beaucoup de choses ont déjà été dîtes, je vais essayer de ne pas être redondant par mon propos. Je voulais revenir sur la portée politique du maintien en détention de George Ibrahim Abdallah par l’Etat français, par rapport aux tâches qui sont les notre aujourd’hui en tant que militant contre l’impérialisme et contre le colonialisme. Si c’est bien pour son militantisme et son combat en faveur du peuple et du mouvement national palestinien que Georges Ibrahim Abdallah est aujourd’hui l’objet d’un acharnement judiciaire, on mesure la portée politique de celui ci en comprenant que c’est parce qu’il incarnait et incarne encore une conception singulière de cette lutte. Dans le contexte des années 80 et 90, l’engagement de Georges Ibrahim Abdallah signifiait le refus d’entériner la défaite militaire et politique de la direction historique du mouvement national palestinien, ainsi que le refus du cadre imposé aux Palestiniens, cadre que l’on appelle « accords d’Oslo » lesquels ont ouvert une séquence extrêmement violente de continuation de la colonisation, de l’accaparement des terres et de l’oppression. Tout cela, et c’est la particularité de cette séquence, sous la promesse de la paix et de la coexistence et en admettant une cogestion palestinienne. Alors que nous vivons les tumultes de la fin de cette séquence en ce qu’elle a de particuliers, Georges Abdallah est une boussole dont il s’agit de priver toutes celles et ceux qui aspirent a repenser la solidarité avec le peuple palestinien.

L’engagement de ce dirigeant des Fraction armée révolutionnaires libanaises, c’est également celui de considérer la lutte palestinienne comme indissociable des luttes des autres peuples de la région, contre l’ennemi commun impérialiste et bourgeois. Une unité des luttes organiques, dans laquelle le combat palestinien est l’un des moteurs révolutionnaires historiques bien au delà des frontières de la Palestine. L’engagement de Georges Abdallah c’est, enfin, refuser le privilège de l’impérialisme : décider du théâtre de guerre, frapper l’ennemi partout où il se trouve, y compris au sein des pays occidentaux. Cette insubordination, ce refus des cadres imposés, sa violence en ce qu’elle a de révolutionnaire, c’est ce que ne lui pardonnera pas l’Etat français et les Etats-Unis.

A partir de ces remarques, on peut mesurer ce que signifie politiquement le maintien en détention du plus ancien prisonnier politique vivant d’Europe, incarcéré dans les geôles françaises. Pourquoi est-il encore dangereux aujourd’hui ? Parce qu’il garde une actualité brûlante aujourd’hui. Son maintien en détention n’est pas une mesure uniquement symbolique ou idéologique, bien qu’un arabe, communiste, internationaliste et combattant armé, c’est déjà bien plus qu’il ne peut être toléré. Mais c’est également une mesure stratégique pour les Etats impérialistes. Il s’agit de priver celles et ceux qui se posent la question, en France et ailleurs, de la reconstruction d’un mouvement anti-impérialiste conséquent, de nous priver des idées, des expériences et des héritages que nous ne manqueront pas de transformer en armes politiques pour la situation actuelle. Pas d’anti-impérialisme, pas de révolution ni même d’émancipation.

L’urgence est bien aujourd’hui de nous réarmer politiquement. Aujourd’hui plus que jamais, les ennemis de la cause palestinienne entreprennent de nous étouffer de la manière la plus infamante en nous accusant d’antisémitisme. L’antisionisme, disent-ils, est en tant que tel une forme d’antisémitisme. Il s’agit là d’associer les Palestiniens et ceux qui les soutiennent – et, pour certains, l’ensemble des Arabes où qu’ils se trouvent – à la sinistre œuvre exterminatrice nazie, au passé de l’Europe vis à vis des Juifs, à ce qui restera la produit de l’Occident, de sa construction et de son affirmation. Soutenir le combat d’un peuple pour ses droits légitimes, refuser la légitimité d’un Etat fondé sur l’expropriation coloniale et le suprémacisme ethnique, reviendrait à endosser la stigmatisation et la haine des Juifs en tant que tels. Il faut refuser ce transfert et cette rhétorique malhonnête. Les véritables héritiers de l’antisémitisme, ce sont ceux qui garde enfermé George Ibrahim Abdallah. Ceux qui entreprennent aujourd’hui de réhabiliter le Maréchal Pétain, tueur de marocains, de mutins et de Juifs. Ceux qui préparent, à coups de politique néolibérale année après année, le terrain pour l’extrême-droite. Ceux qui associent à longueur de déclaration l’ensemble des Juifs aux politiques israéliennes, produisant un amalgame dangereux. Ces discours, en plus de criminaliser les militants pro-palestiniens et progressistes, en plus de reléguer hors de l’espace public les arabes et les noirs, notamment issus des « quartiers populaires » censés être les agents naturels de ce « nouvel antisémitisme », désarme également la lutte contre l’antisémitisme, nécessaire car la France n’a jamais cessé de produire de l’antisémitisme. Nous ne serons pas les tirailleurs de l’Etat français et de l’impérialisme. Nous savons qui sont nos alliés et qui sont nos ennemis.

Pour conclure, je voulais évoquer la question de l’incarcération comme arme politique, telle qu’elle est naturellement soulevé par la détention de Georges Ibrahim Abdallah. Dans un contexte, marqué par les mobilisations des Gilets Jaunes, où l’Etat prend un sérieux tournant autoritaire – notamment avec l’adoption de la loi dîtes « anti-casseurs » – il me semble utile de réfléchir collectivement à la place du combat anti-carcéral dans les luttes émancipatrices. L’incarcération est massivement utilisé par Israël contre la population palestinienne. Je pense également aux frères et proches d’Adama Traoré, tous au centre du comité Justice et Vérité pour Adam et tous incarcérés. Je pense aux anciens militants de la gauche radicale italienne dont le gouvernement italien d’extrême droite réclame aujourd’hui la tête, malheureusement avec succès. Cela est extrêmement préoccupant, alors que l’autoritarisme, la réaction et l’extrême-droite progressent partout.

Le combat pour la libération de Georges Ibrahim Abdallah traverse ainsi plusieurs champ de luttes : anti-impérialiste, anti-sioniste, anti-raciste, anti-capitaliste. En France, il doit être pour nous central, car il nous oppose directement à l’impérialisme et à l’Etat français. Et c’est contre cet Etat et cet impérialisme, que, de France, nous pouvons et devons être les plus efficaces dans notre solidarité avec tous les peuples en luttes pour leur dignité et la justice.

Simon Assoun porte-parole de l’UJFP


publié le 12 février 2019