"Ni oubli ni pardon", Résistons ensemble, novembre 2013, n° 124

RESISTONS ENSEMBLE / bulletin numéro 124/ Novembre 2013

- « Ni oubli ni pardon »
- [ S U R L E V I F ]
Au Petit-Bard, la brutalité d’une expulsion locative
- [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]
Liberté pour Georges Abdallah !
« Sale macaque », crachats et tirs de flashball à Garges-lès-Gonesse (95)
Mort après une décharge de Taser
À Paris, la police « encage »
- [ S A N S P A P I E R S N I F R O N T I È R E S ]
Aux damnés des frontières
Europe : les meurtriers hypocrites versent des larmes de plomb
Pas d’expulsion !
La solidarité = un délit et la délation = un devoir ?
La boucle sans fin
- [ A G I R ]
Lille : Dans le cadre de « semaine pour l’égalité et contre le racisme »
« Mes gênes m’appartiennent »-procès pour refus ADN de Rodolph.

Pour télécharger ce bulletin mis en page au format pdf :
http://resistons.lautre.net/


« Ni oubli ni pardon »

Le 11 octobre 2013, après une première relaxe, la cour d’appel du tribunal civil de Rennes déboute Pierre – ce jeune lycéen qui a perdu l’usage d’un œil en 2007 suite a un tir policier au Lanceur de Balles de Défense LBD. Nouvelle génération de flashball en expérimentation sur les quartiers populaires et les mouvements sociaux. Lorsque la police tue, ou mutile, on ne peut que constater les efforts entrepris pour salir les cibles de ces violences et enterrer l’affaire. L’éventualité même d’un procès, c’est -à -dire, le simple fait de poser la question de la responsabilité policière est une lutte. Pour Pierre l’affaire frôle le non-lieu, c’est seulement les éléments, fruit du travail du collectif de soutien, amenés en main propre au procureur qui ont permis au procès d’exister. Rien que ça c’est un rapport de force.
En face les policiers sont rodés et ont les moyens de se faire entendre. Au tribunal, ils jouent à domicile : la salle est remplie de flics, un juge complaisant avec les forces de l’ordre qu’il côtoie au quotidien et leurs avocats, experts, qui savent se montrer agressifs dans la plaidoirie, le scénario se répète. Et ce, pendant que Pierre se bat avec les baveux successifs (plus pressés de palper leurs honoraires que de se bouger sur l’affaire) pour faire accepter ses choix de plaidoirie. Un exemple frappant du difficile rapport avec les avocats, qui poussera le jeune homme, soutenu par ailleurs, à se représenter seul lors de l’appel au civil, expérience libératrice.
Alors la mobilisation s’est construite, sans illusion pour la justice, mais avec la volonté de faire émerger une parole politique. Accompagné d’autres personnes ayant été mutilées - l’organisation collective, les témoignages de chacun - il s’agit de montrer que ce ne sont pas des cas isolés, qu’il ne s’agit pas d’accident, et donc qu’il ne s’agit pas de « bavures ». Qu’il ne s’agit pas uniquement du flashball, mais du flashball et de son monde. Dans ce cas le LDB, cette arme à feu à usage militaire qui se tient comme un fusil, avec un viseur holographique ne laissant aucune place à l’erreur. Arme qui participe d’une politique sécuritaire dont l’expression est la militarisation de la police et ses conséquences en termes de mutilation et de morts. Et dans cet arsenal macabre, le taser n’est pas en reste comme on a encore pu tristement le constater cette semaine avec la mort d’un homme de 21 ans dans le Loiret.
Alors si la justice reste stérile, le combat qu’on y mène (en plus parfois de répondre à l’imminence de la menace d’une sentence), est un moyen de lutter contre l’oubli, d’arracher une dignité volée, de mettre à nu ce système qui tue, qui mutile, en toute impunité. L’expérience de Pierre doit être partagée et permettre de multiplier ces jonctions encore trop rares aujourd’hui.

Plus d’infos : http://27novembre2007.blogspot.fr/
Contact du collectif : faceauxarmesdelapolice @ riseup.net
Écouter le témoignage de Pierre http://www.sonsenluttes.net/spip.php?article650 recueilli par l’Actu des luttes émission de la radio Fréquence Paris Plurielle (FPP 106.3)

Chronologie
1995, la police se dote du flashball, sont concernées des forces spéciales comme le GIPN et la BAC.
2002 l’utilisation du flashball se généralise, les révoltes en 2005 servent de prétexte, à un développement de son usage pour toutes les « violences urbaines ».
2007 les révoltes de Villiers-le-Bel serviront à nouveau de prétexte à l’introduction d’un flashball plus puissant, le lanceur de balles de défense (LDB).
Le 27 novembre la même année, lors des mouvements lycéen et étudiant contre la LRU, Pierre est la cible d’un tir de LDB du policier Mathieu Léglise, il est touché au visage et perd l’usage de son œil. Il fait partie d’une longue liste de blessés, tous cibles de tirs policiers au flashball ou au LDB, comme Joachim en juillet 2009 à Montreuil ou plus récemment Mme Kébé à Villemomble en juin 2013.
2012 le tribunal de Nantes relaxe le flic sous le prétexte qu’il a obéi aux ordres, Pierre fait appel.
Le 11 octobre 2013, la cour d’appel de Rennes, confirme la relaxe au civil de Mathieu Léglise.


> [ S U R L E V I F ]

Au Petit-Bard, la brutalité d’une expulsion locative
Les habitants du quartier du Petit Bar à Montpellier ont su s’organiser et l’association Justice pour le Petit-Bard a obtenu d’être prévenue par la préfecture avant toute expulsion. Mais le 24 septembre sans aucune concertation, huissier et police débarquent pour expulser un couple de retraités. Dans l’urgence une douzaine de personnes tente de parlementer, mais l’huissier venu avec la BAC répond par la violence. Un membre de l’association présent ce jour-là témoigne : « Il y a un policier qui l’a prise par les cheveux, il lui a pris le bras par derrière et lui a monté jusqu’au cou. » « On avait l’impression que [certains policiers] cherchaient juste à mettre des coups de matraques, qu’ils avaient des comptes à régler. […] Donc, déjà dans leur tête, ils venaient pour une punition collective. On avait l’impression qu’ils avaient affaire à des ennemis. »
Suite à l’expulsion quatre personnes sont poursuivies pour « outrages et rébellion ». Le 25 octobre au procès le parquet requerrait trois mois avec sursis pour les quatre prévenus.


> [ C H R O N I Q U E D E L ’ A R B I T R A I R E ]

Liberté pour Georges Abdallah !
Samedi 26 octobre, près de 400 personnes ont manifesté devant la prison de Lannemezan pour la libération de Georges Abdallah. Il est détenu dans les geôles françaises depuis 30 ans, son seul « crime » est son engagement pour la cause palestinienne. Déclaré libérable depuis plus de 10 ans, il demeure l’otage de l’État français. À deux jours de la manifestation, 8 militant-e-s progressistes et antifascistes ont été interpellé-e-s à Pau pour avoir occupé le local du PS afind’exiger sa libération.

« Sale macaque », crachats et tirs de flashball à Garges-lès-Gonesse (95)
Il y avait 150-200 personnes à la gare de bus de Garges-lès-Gonesse ce samedi 2 novembre au rassemblement organisé par le Collectif de soutien et le Collectif Anti Négrophobie. Il était, une fois de plus, prouvé qu’il n’est pas bon d’être noir, arabe, immigré et/ou pauvre en France. Intrusion de la police dans l’appartement de la famille Saounera, gaz lacrymo, gifle, flashball, coup de poing dans le visage de la maman, coup de matraque sur la sœur, puis sur un voisin de 70 ans qui proteste… puis menaces, insultes racistes : « Si t’es pas contente rentre dans ton pays », « Sale macaque », suite à la protestation des voisins on entend : « S’ils ne dégagent pas, allume-les ! »… Quant à un des fils, Amara, que les policiers sont venus chercher, il était relâché le jour même. Il était à l’hôpital le jour du vol de sac à main avec violence que la Police lui reprochait. Plus : http://www.streetpress.com/sujet/113288-sale-macaque-crachats-et-tirs-de-flashball-quand-la-police-reveille-une-tour-hlm
Contacts : https://www.facebook.com/soutiensaouneragarges

Mort après une décharge de Taser
Le dimanche 3 novembre dans le Loiret, un jeune homme de 21 ans est décédé après avoir reçu la décharge électrique d’un coup de Taser. Une dizaine de gendarmes interviennent pour séparer deux cousins qui se bagarrent. L’un d’eux fait usage de son Taser, le jeune homme meurt dans la foulée. Une enquête est ouverte, et rapidement le parquet parle de « phénomène d’alcoolisation massif » et de drogue, comme si cela pouvait justifier cette mort. Et finalement « Le Taser a été utilisé dans des conditions normales, dans un contexte de violence et d’attroupement », alors de ce côté-là les conclusions semblent écrites d’avance.

À Paris, la police « encage »
Samedi 19 octobre, place de la République, 200 personnes se sont rassemblées dans le cadre de la journée de mobilisation européenne pour le droit au logement et contre la spéculation. Vers 14h45, les manifestants se dirigent vers la bouche de métro. Les CRS interviennent soudainement pour les en empêcher, les bousculent et les molestent afin de les encercler en formant une sorte de ronde tout à fait effrayante. Les manifestants, dont des femmes et des enfants, resteront ainsi « encagés » 3 heures durant. Deux mères de famille s’en sortent avec des entorses, une dizaine d’autres personnes avec des contusions ou des côtes fracturées. Cela rappelle des souvenirs pas si lointains finalement : il y a 3 ans, en octobre 2010, en pleine mobilisation contre la réforme des retraites, au minimum 600 manifestants lyonnais s’étaient eux aussi retrouvés séquestrés durant 6 heures place Bellecour à Lyon (depuis une plainte est toujours en instruction et le Collectif 21 octobre poursuit la mobilisation autour de l’affaire, infos : www.collectif21octobre.fr).


> [ S A N S P A P I E R S N I F R O N T I È R E S ]

Aux damnés des frontières
Des centaines d’Africains subsahariens tentent par la force du nombre de passer les frontières hérissées de hautes technologies des enclaves espagnoles africaines de Ceuta et Melilla. 700 migrants les 16 et 17 octobre dont 3 à 400 d’un coup par le passage routier du Maroc à Ceuta. Un mois plus tôt, 91 personnes sur 350 avaient réussi à rentrer dans Ceuta par la zone de Tarajal, pendant qu’une tentative de même ampleur se déroulait à Melilla. Selon l’association locale Rif des droits de l’Homme, 41 migrants sont morts dans ces tentatives depuis deux ans.

Europe : les meurtriers hypocrites versent des larmes de plomb
300 noyés en Méditerranée, 9O corps retrouvés au Sahara, que valent ces vies ? Les migrants décédés de Lampedusa reçoivent la nationalité italienne, mais pas les survivants, ils seront sûrement expulsés. À part les larmes de plomb, des crocodiles sont plus humains, les responsables des « démocraties » ne parlent que de rendre plus impénétrables les frontières. Frontex, drones, Eurosur, nouveau système de surveillance électronique, même le droit maritime millénaire est bafoué : les pécheurs italiens qui ont osé secourir des naufragés seront poursuivis. Alors que les trusts, monopoles, États, marchands d’armes, exploiteurs de toute sorte créent des guerres et misères en Afrique. Mais interdiction de vouloir y échapper. Crevez sur place, voilà le message.

Pas d’expulsion !
Les réseaux militants constatent : il y a plus de jeunes majeurs lycéens sans papiers expulsés sous le pouvoir socialo que sous l’UMP. La récente expulsion d’un lycéen arménien Khatchik, 19 ans a déclenché la mobilisation de ses camardes, une vingtaine de lycées parisiens sont bloqués, des milliers de jeunes déambulent en plusieurs cortèges, débordant les syndicats lycéens et étudiants. À chaque fois ça gueule, les têtes de cortège harcèlent voire débordent les CRS. Face à la circulaire de Hollande suite au cas de Leonarda, qui ne fait que sanctuariser l’école sans remettre en question la politique migratoire, des organisations et des syndicats ont appelé à des manifs le 5 novembre, pour la rentrée scolaire. Notons que le 17 octobre des groupes de civils ratissaient Barbès (Paris) et arrêtaient des dizaines de sans-papiers. La jonction avec les lycéens ne s’est alors pas faite. Ce n’est que partie remise !

La solidarité = un délit et la délation = un devoir ?
Un militant de 70 ans a été condamné le 2 octobre par le tribunal du Havre à une amende de 500 euros avec sursis, il était poursuivi pour avoir établi deux « fausses »attestations d’hébergement en faveur d’une femme de nationalité congolaise sans-papiers afin qu’elle puisse déposer une demande de titre de séjour. Le tribunal applique donc une loi soi-disant abrogée en décembre 2012, ouvrant la voie au retour du « délit de solidarité » qui permet de poursuivre ceux qui auraient « tenté ou facilité le séjour de sans-papiers sur le territoire ». Le 23 octobre, la sénatrice-maire Natacha Bouchart UMP s’adresse aux habitants sur sa page face book : « il ne faut pas hésiter à laisser un mail sur cette adresse […] lorsque vous voyez des no borders ou des migrants s’implanter illégalement dans une maison. Ainsi la police pourra intervenir […] Les services de la ville arrivent ensuite pour nettoyer ce qu’il est possible et condamner le bâtiment ». Effrayant.

La boucle sans fin
Le 2 octobre à Lyon, un Tunisien sans papiers de 23 ans s’immole en pleine comparution devant le juge des libertés et de la détention. Pendant que le jeune légèrement brûlé est hospitalisé, les juges et greffiers remplaçants décident son maintien en rétention. Deux jours après le procureur de la République le met en examen pour « tentative de soustraction à une mesure d’éloignement » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Malgré l’émoi et le remue-ménage chez les avocats du service des étrangers du barreau de Lyon et du syndicat de la magistrature le juge d’instruction valide les deux motifs de poursuite ainsi que l’emprisonnement. En fait, trois mois plus tôt, le jeune sans-papiers résistait déjà à son expulsion au pied d’un avion pour Tunis. Condamné alors à trois mois de taule ferme à Villefranche-sur-Saône pour refus de se soumettre à « une reconduite à la frontière », il était replacé en rétention dès sa libération. Cinq jours après il s’immolait devant le JLD.


> [ A G I R ]

Lille : Dans le cadre de « semaine pour l’égalité et contre le racisme »
Forum police/justice : Comment lutter contre les crimes racistes et les politiques sécuritaires qui stigmatisent prioritairement les immigrés, les Rroms, l’islam et les quartiers populaires ? le 26 novembre à 20h au Cinéma l’Univers.

« Mes gênes m’appartiennent »-procès pour refus ADN de Rodolph
Ce procès est en lien avec l’opposition au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes mais il porte avant tout sur le refus de prélèvement ADN. Rodolphe risque d’être, de nouveau, condamné pour refus de prélèvement. Disons non au flicage génétique ! RDV le mardi 03 décembre 2013 à 14h à la cour d’appel de Rennes.


publié le 12 novembre 2013