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[discussion] L’intervention anarchiste

Combien de fois ne nous sommes-nous pas heurtés à cette question : qu’est-ce qu’un groupe de compagnons résolus peut faire dans la conflictualité en général ? et notamment au sein d’un mouvement social comme celui des gilets jaunes ?

Anarchistes, nous ne sommes pas des supporters de la masse. Poussés à la subversion par le battement de nos cœurs vers des désirs singuliers, nous pensons que les temps sont toujours mûrs pour se mettre en lutte – lancer soi-même des initiatives, en partant de ses propres idées et perspectives – même si la majorité des exploités est temporairement plongée dans l’inertie.

Ce qui ne veut pas dire, à l’inverse, que nous n’avons rien à faire dans les phénomènes de contestation de masse. Certes, leur point de départ n’est pas le désir d’un monde débarrassé de tout pouvoir ; quand ceux qui y prennent part sont davantage portés par la demande de préserver le statu quo antérieur. Qui plus est, dans un monde où se bousculent les idéologies rances, on ne s’étonnera pas qu’une explosion sociale donne lieu, en plus de ce dans quoi nous pourrions nous reconnaître, à une large part d’évènements tragiques et insupportables. Partant de là, si l’on rejette d’emblée l’illusion politique de la conscientisation, et que l’on refuse également de mettre au ban l’essentiel de nos idées pour s’adapter aux goûts des rebelles… quels choix nous reste-t-il ? Faut-il en déduire qu’il vaut peut-être mieux rester au chaud pendant la tempête ? Certainement pas.

De comment participer à l’affrontement social, côte à côte et unis avec les contestataires, la question devient dès lors comment intervenir en son sein en tant que révolutionnaires ? c’est-à-dire contribuer au niveau pratique comme au point de vue du contenu à ce qu’il aille plus loin. « Par exemple, si l’explosion peut faire tache d’huile, comment lui donner assez d’oxygène pour qu’elle puisse s’étendre à la fois dans le temps et dans l’espace ? Et si la destruction est nécessaire, mais qu’elle n’est pas réductible au seul montant des dégâts occasionnés, comment l’alimenter aussi de manière plus qualitative, en embrassant toujours plus d’aspects de la domination ? Enfin, comment y faire vivre quelque chose d’autre, un imaginaire qui aille au-delà du seul négatif  ? » Mais encore, comment trouver des complices, des individus qui décident librement d’aller dans la même direction que nous ? Comment évider que la minorité anarchiste ne se pose comme une partie isolée, dans une position de dialogue avec le mouvement dans son ensemble ? etc.

À la lumière des nouveaux désordres sociaux qui se multiplient, il devient pour nous toujours plus important de ne pas se retrouver pris au dépourvu. Si l’on veut réussir à imaginer d’autres possibilités d’interventions que celle de faire acte de présence aux premières lignes des manifestations, mieux vaut alors se poser quelques questions à l’avance, tels les « où aller ? » et les « comment faire ? » que la spontanéité à elle seule n’est pas en mesure de trouver.

Discutons-en !


publié le 19 août 2019