Retour sur la manifestation de lutte pour les droits des femmes

8 mars, journée internationale pour la lutte des droits des femmes. Ce dimanche, une grande manifestation a donc pris les rues de Bruxelles, les organisations y ont dénombré autour de 10 000 à 15 000 personnes réunies en cette journée de lutte. Parmi elles, un bloc radical et déterminé avec une revendication principale : le féminisme sera intersectionnel ou ne sera pas. Dans ce bloc, on est féministe comme on est anti-capitaliste, anti-fasciste, anti-carcéraliste, anti-raciste, anti-flic, contre le validisme, l’hétéronormativité, la grossophobie, la transphobie, l’islamophobie et la putophobie.
Sur un fond de slogans scandés avec rage, ce féminisme s’est affiché comme étant inclusif ; revendication apparemment nécessaire suite à un féminisme blanc, bourgeois et transphobe dernièrement visibilisé. Plus qu’une marche une fois par an, c’est une réelle volonté d’inscrire le féminisme dans les mouvements sociaux qui s’exprime. Ce dimanche, on en revient changé.e.s., armé.e.s d’un sentiment de puissance collective.

Aux alentours de la place royale, les militant.e.s de ce bloc sont parti.e.s en manifestation sauvage dans une perspective de prendre la rue pour se réapproprier l’espace public, sortir du chemin imposé par les autorités, mais surtout visibiliser un combat qui ne se taira pas. Cette tentative a rapidement été arrêtée par une ligne de flics n’hésitant pas à user de leur bouclier pour les repousser. Cependant, l’énergie n’a pas disparu et a resurgi massivement à l’annonce de l’arrestation d’une camarade qui aura finalement été libérée par les militantes.
Avec ce regain de détermination, le groupe a continué à prendre les rues pendant un moment, trouvant des allié.e.s dans tous les regards, parfois même dans ceux de touristes et de passant.e.s. On sentait qu’en ce jour spécial, les femmes* voulaient toutes plus de temps pour exprimer leur colère, plus d’espace, plus d’écoute, ceux-ci manquant cruellement à leur quotidien. Ce beau mouvement a cependant dû prendre fin et se disperser suite à de nouveaux débarquements de flics et des face-à-face tendus entre eux et les manifestant.e.s.

En parallèle à ce sentiment de solidarité féminine et d’enfin pouvoir respirer pour crier notre rage contre le patriarcat, une chose ressort de cette journée : les violences policières n’ont clairement pas été des exceptions. Suite à quelques tags, des manifestantes ont été tabassées et étranglées au sol dans une ruelle à l’abris des regards. D’autres ont été nassées seules par une vingtaine de policiers. Une a reçu un coup de poing au visage par un policier. Entre les poignets cassés, les dents cassés et les coups de matraques, il s’est, ce dimanche, abattu un torrent de brutalité rarement subis lors des manifestations bruxelloises.
Des militantes tabassées ont été isolées, arrachées à la foule et traînées hors de la vue. Ces coups n’étaient pas rendus, mais bien punitifs. La police, détentrice du monopole de la violence légitime , essayerait-elle de nous faire passer le message que jamais la rue ne nous appartiendra à nous, femmes* déterminées ? Que là n’est pas notre place ?

Par ailleurs, malgré l’appel à une mixité choisie dans la tête de ce bloc radical, quelques hommes cisgenre ont tenté encore et toujours de monopoliser la visibilité et la prise de parole. C’est surtout face à la police que ces derniers n’ont pas hésité à prendre les devants et reléguer les manifestantes au second plan, comme si elles ne pouvaient être capables de s’auto-gérer et s’auto-défendre. Le même problème s’est posé dans un bloc de femmes* racisées, qui avaient pourtant demandé aux hommes cis et femmes blanc.he.s de faire un pas de côté si iels voulaient réellement être de bons allié.e.s.
Cela nous rappelle encore à quel point la déconstruction des apprentissages coloniaux et sexistes est nécessaire, et que l’appel à un féminisme inclusif et intersectionnel est primordial.

Les violences policières sont accablantes et paraissent être malheureusement inévitables pour tout mouvement s’inscrivant dans une perspective révolutionnaire. Celles de ce dimanche, qui font échos à celles survenues à Paris, à Nantes, au Chili, et partout dans le monde lors de marches des femmes, montrent cependant que la combativité du féminisme grandissant fait à présent peur aux autorités.
De cette manière, l’Etat a à nouveau prouvé que, s’il accepte un féminisme institutionnel partiel, il ne s’agit là que d’une façade. Les institutions sont en effet patriarcales par essence, et il est à présent clair que la révolution féministe ne pourra se faire sans les défaire. En envoyant les policiers à nos trousses, en arrachant nos collages dénonçant les féminicides et autres violences machistes et en maintenant l’impunité de nos agresseurs, l’Etat montre bien qu’il ne tolérera aucun changement, car cela remettrait inévitablement la légitimité de son pouvoir et de sa structure en question.

Face à ce patriarcat, ce capitalisme, ces répressions, restons fortes dans notre lutte. Levons-nous, prenons les rues et ne laissons pas l’énergie militante de ce dimanche appartenir à une journée isolée.
« Nous sommes fortes, nous sommes fières, et féministes et radicales et en colère. »

*quiconque se reconnaissant comme femme


publié le 11 mars 2020