Les liésons dangereuses

Les déclarations répétées et récentes, tant au niveau national (Cazeneuve) que local (Capet), qui font le lien direct entre No border et la mafia, inquiètent particulièrement certains et certaines d’entre nous. L’insistance de ces déclarations publiques perpétrées par un ministre et un député nous semblent significatives de la volonté de criminaliser notre mouvement, les personnes migrantes qui sont le plus proches de nous, et tout simplement les personnes qui aident la population dans le passage, en créant notamment une division entre les associations et les autres formes d’engagement.

L’unité qui s’est créée autour de l’occupation de Fort Galloo et les prises de position associatives
nous ont permit de remporter une victoire partielle et le gouvernement nous montre aujourd’hui qu’il souhaite recréer les vieilles divisions, puisque par extension si nous sommes complices des passeurs, travailler avec nous fait également de vous des complices de la traite d’être humains. Par ailleurs, Monsieur Capet, qui avait souhaité rencontrer des membres de la mouvance No border au moment des élections n’est donc pas à l’abri d’être lui même considéré comme complice de la mafia...Personne n’est à l’abri !

Avec Galloo, c’est le squat qui s’est aussi imposé comme outil de lutte, et a été accepté par un grand nombre de calaisiens. Il n’y a jamais eu autant de soutiens locaux dans un espace, et c’est également cette forme de solidarité qui est attaquée par Capet. En nous criminalisant, il criminalise également toutes nos actions et cherche à casser cette unité et à légitimer le concept gouvernemental de squat 0. Cazaneuve aurait-il oublié que la présence de squats sur un territoire ne dépend pas d’une volonté politique mais d’un cadre juridique ? Veulent-il continuer à renforcer la notion de Calais ville de non droit ?

Cette situation, si elle reste dans le discours, a pour nous des impacts très concrets dans la réalité et est un élément d’une stratégie plus globale qui nous inquiète. Ces déclarations n’interviennent pas hors contexte et s’inscrivent dans un moment charnière et très particulier du contexte migratoire calaisien et européen, où nous avons l’impression de voir s’annoncer le retour sous une nouvelle forme du « délit de solidarité » et de la criminalisation de l’aide aux migrants qui échappe au strict contrôle étatique. La logique de criminalisation des migrants et la construction croissante de la division entre cette catégorie et celle de « réfugié », nous semble se refléter dans ces déclarations. Ceux et celles qui apporteraient leur soutien aux seuls « réfugiés » en demande d’asile seront tolérés tandis que les autres seront totalement délégitimés, et même considérés comme des criminels.

Personnellement , en tant que No border je suis bien content de voir 300 migrants partir à l’assaut du port, car cela veut dire qu’ils ne sont pas victimes des réseaux de passeurs qui ne sauraient tolérés cette perte de part de marché. 300 clients potentiels qui partent sans payer, ça fait mal au porte feuille.

Je voulais partager avec vous ces inquiétudes discutées avec quelques personnes de notre réseau et tenter de vous montrer pourquoi elles nous paraissent fondées et qu’il nous semble important de ne pas prendre ces déclarations à la légère.


publié le 4 septembre 2014