Des mots

Des mots qui claquent. Des mots qui craquent. Des mots qui raisonnent et des qui résonnent. Des mots qui gniaquent. Des mots qui trouent. Des mots qui dégueulent comme les balles que vomit ton ersatz de bite. Envie de te coller au poteau et de te mettre deux mots dans la tête, sombre idiot. Te rends tu seulement compte de ce que tu viens de faire, espèce d’ayatollah de kermesse ? Tu sais à quel point tu viens de niquer ta mère, ton père, tes cousins, tous tes potes du quartier, tous les fous bloqués dans des cages d’escaliers pris en otages par le nombre élevé de paliers ? Quand tu as appuyé sur la détente t’as pas flingué que Charb et ses copains. T’as massacré le futur de Mouloud qui est postier, de Majid qui se crève le cul à l’usine tous les jours, de Khadija qui aimerait bien faire des études de microbiologie. Tu t’es assuré que ta mère, ta soeur, ta cousine et ton meilleur pote soient confondus avec ton acte de décérébré. Quand t’a transpercé Wolinski, c’est aussi le peuple musulman de France que tu as visé.

Tu les entends pas déjà, les Zemmour, les Marine, les Houellebecq, ces oiseaux de mauvais augures ? Et ouais mecton, les charognards sont là, la mort ne vient pas seule. Ils se gobergent, ils "l’avaient bien dit", c’est la faute aux arabes, à la gauche, aux 35 heures et à l’immigration massive. Ils relancent à ton prétexte le débat sur la peine de mort. C’est te faire trop d’honneur. Tu ne mérites pas que ta barbarie nous fasse régresser. Ton coup d’éclat, c’est la victoire des beaufs.

En voilà un mot intéressant, beauf. Tu le connais ? C’est con tu viens de mettre une bastos à Cabu, qui l’a inventé. Le beauf c’est Jean-Pierre Yakafokon, la panse bombée, affalé devant BFM TV à regarder le GIGN qui t’encercle et qui déclare entre deux gorgées de Kro "j’espère qu’ils vont les pendre par les couilles, ces sales bougnioules". C’est le même qui va aller voter Marine aux prochaines élections pour se débarrasser des "arrrrabes qui font rien qu’à profiter des allocs". Il le sait pas, le beauf, que tu es né en France, que tu as toi aussi été un temps à l’école de la République. Le beauf il pense pas, il répète juste ce que lui disent les Copé, Sarko, Dupont-Aignant, Mariani et Gollnisch depuis des années, le con. Ca te fait ricaner ? Mais toi, verrue de vit de verrat, tu penses, toi ? Tu te revendiques d’un Coran que tu n’as sûrement pas su lire. Tu répètes bêtement les analyses guerrières et obscurantistes de soi-disant imams qui t’utilisent comme un pion dans un combat archaïque et passéiste. Tu es comme ces pauvres beaufs qui relaient les borborygmes (je ne peux me résoudre à les qualifier de pensées ou même de mots) de Finkielkraut ou de Soral sans s’arrêter deux secondes pour réaliser à quel point c’est une insulte à l’intelligence.

Je voudrais te choper, toi, ton frangin, et ces chacals qui se repaissent de la mort à des fins carriéristes, vous aligner contre un mur avec tous ces pauvres beaufs. Vous peindre à tous une cible sur le poitrail et inviter les plus fines plumes à faire partie du peloton. Vous balancer à tous une salve de mots en plein coeur, une rafale de mots qui ratatatatatent pas leurs cibles.

Je t’avoue que j’ai eu comme tout le monde un premier réflexe animal, enragé. L’envie de mille mots qui te vouent à mille morts violentes. Au lieu de ça, j’écris ces mille mots sur mille feuilles de papier. Que je roule en boule et que je brûle. Pas pour allumer ton bûcher, non, non trop facile la posture du martyre. Pour un brasier, c’est un autre mot, qui tentera d’éclairer le fond de ton obscurantisme. Parce que oui, espèce de protubérance pénienne porcine, je veux que tu vives. J’espère qu’ils te colleront au trou avec un vieux de la vieille. Avec un type qui saura que Charlie Hebdo était dans le camp des petits, des prisonniers, des galériens, un qui saura que les mecs que tu viens d’abattre ont combattu les conditions déplorables en zonzon comme la vétusté des cités dortoirs. J’espère qu’entre deux matraquages par des matons qui trouveront que t’as déjà du bol d’être en vie, il se trouvera quelqu’un pour t’éduquer, pour te faire comprendre que l’Opprimé que défendaient tes victimes, c’est le Moufliss qu’évoque Mahomet, que ton djihad de pacotille a fait de toi ce que l’Islam appelle un Injuste.

Parce que oui, espèce de crétin, tu t’es gouré de cible. Tu n’as pas attaqué les puissants qui asservissent ce que tu crois être ton "peuple". T’as pas pris les armes contre l’Etat qui assassine. Même si deux flics sont finalement tombés sous tes balles, c’était pas ta cible. Tu t’es pas dressé contre les consortia pétrochimiques, pharmaceutiques ou miniers qui favorisent les conflits au Proche Orient ou financent les guerres civiles africaines. C’est vrai qu’eux vénèrent le Dieu Pognon et que ce dernier leur permet de se payer des petites armées. Donc non, toi en bon croisé d’opérette, en Rambo de carnaval, t’as chargé des types armés de plumes. C’est sûr que c’est plus facile de débarquer avec ta bite et ton couteau pour abattre des gars qui ripostent aux balles par les bulles.

T’as bien compris, j’avais envie d’user de mots comme d’armes. Des mots, des chouettes, des brillants, des qu’il faut nettoyer souvent pour le plaisir. Envie de te foutre une volée de mots dans le bide. Ces mecs sont morts pour leurs idées. Ca faisait longtemps qu’en Europe occidentale on ne mourait plus pour des idées, sinon de mort lente, comme disait Georges. Et là badaboum, tu nous as rappelé ce que veulent dire les mots "combattre pour la liberté". Tu viens d’ériger Charb, Cabu, Wolinski, Tignouss, l’oncle Bernard et les autres en martyrs de la liberté, en moudjahidines. Les idées de Charlie étaient un peu adolescentes, parfois mal ficelées, voire limite offensantes mais grâce à toi ces idées sont immortelles. T’as perdu, pauvre mec. L’irrévérence est née avant et vivra bien après toi, bien après tes maîtres à penser et bien après que ton simulacre de foi ait enfin été vaincu par l’Islam véritable, ouvert et fraternel. L’humour et la création te survivront : les larmes que nous versons, la rage que nous exprimons, l’injustice que nous ressentons, tout ça les nourrira.

Au départ, j’avais juste deux mots à te dire qui se sont transformés en cet espèce de fatras, en ça. Il m’en reste juste deux pour toi et tes alliés objectifs. Pour ton frère et ta hiérarchie de fous de Dieu. Pour les ignorants et les cyniques qui tirent profit de l’immonde pour réclamer l’atroce. Pour les opportunistes qui se poussent du col pour (se) vendre plus et mieux. Deux mots pour vous seulement, mais on vous le promet on n’a pas notre dernier mot.

Silence, couards.


publié le 9 janvier 2015