"Affaire Benjamin" - Procès de deux policiers accusés de coups et blessures
Jugement du 30 avril 2018- Chambre correctionnelle - Palais de Justice Bruxelles
Le verdict est tombé : les policiers sont reconnus coupables de violences illégitimes
Bref rappel des faits
Nuit de nouvel an 2017, vers 3h20 du matin, fin de soirée festive, Benjamin Hanesse été agressé par des policiers dans les rues de Bruxelles. Lui et deux amis s’amusaient avec des pétards dans la rue. Deux policiers (sur les quatre de la patrouille) leur ont confisqué le sac contenant les pétards, au motif qu’un arrêté du bourgmestre les interdit pour la nuit du Nouvel An.
Benjamin qui ne contestait pas l’interdiction leur a simplement demandé de récupérer le sac. Les policiers ont refusé. Benjamin a insisté et c’est à ce moment-là qu’un policier l’a pris au cou sans raison. Son collègue l’a accompagné en donnant des coups de pied au niveau du ventre et des côtes de Benjamin. Les deux policiers avaient également sortis leur matraque.
Benjamin leur a ensuite demandé leurs numéros de matricule. Comme seule réponse, le plus jeune l’a aspergé de sa bombe-spray lacrymogène en pleine figure. Lorsque Benjamin leur a dit qu’il allait porter plainte au « Comité P », les deux policiers (alors en train de s’en aller) se sont mis à courir vers lui, à toute vitesse, agressifs. Benjamin apeuré, a tenté de fuir mais les policiers l’ont rattrapé, saisi par la capuche de sa veste, mis au sol puis frappé à coups de pieds dans l’abdomen, dans le dos, les côtes et le ventre mais surtout donné des coups de matraque dans ses jambes, sans relâche pendant plusieurs minutes. Dès le lendemain, Benjamin a porté plainte et les policiers ont été identifiés. Benjamin avait opté pour la médiatisation de l’affaire. Ceci a eu comme conséquence que les quatre policières-ciers, ont rédigé le lendemain deux rapports contradictoires (selon le Comité P).
Deux policiers ont en conséquence été prévenus "d’usage illégitime de violences par policiers en fonction, soit d’avoir ainsi volontairement fait des blessures ou porté des coups, avec incapacité de travail".
Les policiers avaient outrepassé leur "tâche", celle d’interdire l’usage de pétards en cette nuit de nouvel an, en raison d’un arrêté du Bourgmestre.
Devant le juge, les deux policiers avaient d’emblée reconnu les faits de violence à l’égard de Benjamin et tenté de les inscrire dans des circonstances de difficulté et de fatigue qui les auraient légitimés.
En vain, puisque le Tribunal n’a pas complètement suivi leurs exposés.
S’il est reconnu que la police détient seule le droit de faire usage de la force, celui-ci cependant doit se faire uniquement de manière "proportionnée". Ce qualificatif si important semble cruellement faire défaut lors de nombre d’interventions policières. Souvent des brutalités non seulement disproportionnées et tout à fait inutiles semblent se banaliser. Tel fut aussi le cas contre Benjamin. L’utilisation de la bonbonne de gaz en pleine figure, pourtant arme collective s’il en est, lui avait occasionné des lésions aux yeux. L’exécution de coups de pieds, non retenue par la Cour au bénéfice du doute en faveur du policier, en raison de déclarations contradictoires, est aussi monnaie courante qu’inadmissible. Une personne au sol n’a pas à être traitée comme un ballon. Outre la douleur physique qu’il vise, ce geste est hautement méprisant et serait sévèrement puni dans une cour de récréation.
L’usage de la matraque télescopique dont seul le bruit du déploiement déclenche la crainte comme l’a souligné un des policiers, occasionne des douleurs et blessures importantes. La Cour ne l’estime d’ailleurs pas nécessaire. Elle estime que Benjamin a été illégitimement privé de son droit au respect de son intégrité physique.
En demandant réparation de ces actes, Benjamin aura fait œuvre utile très certainement. Trop souvent de tels agissements disparaissent dans des PVs pour autant qu’ils soient relatés, et classés sans suite.
Il faut effectivement posséder une certaine dose de courage et être soutenu.e pour affronter les méandres des procédures de plainte. Notons l’importance primordiale de témoignages et certificat médical. En effet, tout au long de la plaidoirie de la défense du policier un glissement vers un renversement des accusations est rapidement mis en place. N’a-t-on pas entendu l’avocate du policier parler "d’instrumentalisation de la Cour"(!) une intimidation, voire plus de sa part ? Et ce probablement en raison d’un soutien bien nécessaire présent. dans la salle. Plus avant elle se permet des sous-entendus de tous ordres à l’encontre de la victime ! Elle s’envole aussi dans une description de la difficulté du travail policier. Ceci sonne comme un refrain repris régulièrement par les défenseurs de policiers accusés. Pourtant cette difficulté ne peut engendrer l’illégalité ni les abus. Une personne au sol n’a pas à être maltraitée que ce soit par des coups de pieds ou de matraque. D’ailleurs il est probable qu’ils le savent puisque quand ils entendent "plainte au Comité P" prononcé par une victime, ils sur-réagissent encore d’avantage. Et que dire de la non-assistance à personne blessée, élément mentionné dans les attendus mais pas pris en compte par la Cour ? Tant de policiers brutaux dont les collègues n’auraient rien vu ? Dans le cas présent pourtant, elles ont pris la précaution d’interdire aux témoins de filmer la scène !
La Cour a affirmé que les faits sont graves et ne peuvent être admis ni banalisés. Les deux policiers sont reconnus coupables de violences illégitimes.
Ils bénéficient d’une suspension simple du prononcé pendant trois ans.
Ils sont en outre condamnés à payer à Benjamin la somme de 400 euros et aux dépens, soit 240 euros...
Un verdict clair en ce qui concerne la responsabilité et la condamnation de tels agissements perpétrés par des policiers au cours de leur intervention.
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