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Élections le 17 juin en Colombie : un vote critique pour Gustavo Petro pour faire face aux partis de droite

gepost op 13/06/18 door Ruben Osorio Trefwoorden  luttes sociales 

Séisme politique en Colombie

Un puissant tremblement de terre politique a frappé le 20 mai lors du premier tour de l’élection présidentielle en Colombie. Plus de dix millions d’électeurs - plus de 50 % de ceux qui ont participé - ont utilisé les candidatures de Gustavo Petro, Sergio Fajardo, le vote blanc et, dans une moindre mesure, la candidature testimoniale de Humberto de La Calle, comme outils pour exprimer leur mécontentement face à l’establishment politique forgé à feu et à sang pour les partis politiques traditionnels de droite. Le 17 juin, le deuxième tour des élections aura lieu entre le candidat Uribe, Ivan Duque, et Gustavo Petro, candidat du centre gauche.

Des millions de Colombiens, politiquement, économiquement et socialement asphyxiés, ont donné un coup de pied dans l’échiquier politique. Les menaces, le chantage politique, le clientélisme et même les faits frauduleux dans le dépouillement des votes n’ont pas atteint la décision irréversible du peuple de dire “Ça suffit” aux familles de l’oligarchie, aux hommes d’affaires et aux propriétaires terriens qui ont contrôlé le pays à leur guise.

On ne veut pas parler sur ce bilan. Pire encore, les dirigeants des partis politiques, les puissants médias et d’innombrables chroniqueurs de journaux et de magazines tentent de camoufler cette réalité. Il y a qui a le cynisme de vouloir montrer que ceux qui ont voté pour Fajardo détestent Petro et vice versa, alors que la vérité c’est que les deux candidatures ont été identifiées et utilisées par les électeurs, comme un mécanisme pour rejeter avec véhémence l’ambition maladive d’Alvaro Uribe de prendre le contrôle de l’appareil gouvernemental à travers sa marionnette Iván Duque.

Mais quels que soient leurs efforts, ils ne parviennent pas à rendre invisible ce profond phénomène de rébellion contre les structures politiques actuelles. Il s’agit d’un phénomène politique qui doit être catalogué comme authentique, positif, progressif et urgent à renforcer, afin que dans son développement puisse être incubée une option vraie et conséquente qui présente une solution fondamentale et réponde aux grandes revendications des plus humbles, des dépossédés, des exploités et des plus opprimés du pays.

Ce puissant mouvement politique sismique n’a pas pris fin le 20 mai. Quinze jours plus tard, le Sénat de la République, "la grotte des corrompus", sous la pression de l’opinion publique et des résultats du premier tour, a dû voter "à l’unanimité" sur la convocation d’une consultation populaire.

Dans les prochains mois, les électeurs devront voter sur sept questions spécifiques :

1. Réduction du salaire des parlementaires.
2. Aucun avantage en termes d’emprisonnement des personnes condamnées par corruption.
3. Procédures d’appel d’offres publiques par moyen de sollicitations dans toutes les instances de l’administration publique.
4. Obligation des parlementaires de présenter les comptes de leur gestion, en outre la divulgation de leurs déclarations fiscales.
5. Sanction avec confiscations des biens à ceux qui s’approprient les ressources publiques.
6. Rendre publics les biens et les revenus injustifiés des politiciens et confiscation des leurs biens.
7. Limiter à trois le nombre de mandats des membres des entreprises publiques.

D’autre part, le Conseil national électoral, blindé par les partis de droite, a d’abord rejeté les plaintes avant le premier tour sur les possibilités de fraude et ensuite a fait valoir que certaines incohérences dans les données étaient "normales" en raison d’erreurs humaines compréhensibles. Mais, finalment il a été contraint de répondre à la demande des représentants de la campagne de Petro qui ont réussi à démontrer qu’il y avait des différences flagrantes entre les procès-verbaux de dépouillement et ceux des commissions de contrôle des votes dans au moins 1.706 bureaux électoraux qui remetttent en cause de 600.000 votes.

Si on ajoute à cela le fait que les chefs des partis Libéral, Conservateur, Changement Radical, Parti de la U et des diverses Eglises ont oublié leurs querelles avec Uribe pour accompagner le candidat Ivan Duque au second tour dans une tentative désespérée de freiner Gustavo Petro. C’est une démonstration palpable du tremblement qui s’est produit aujourd’hui dans les structures du pouvoir. Malheureusement, même Sergio Fajardo lui-même, De La Calle et certains dirigeants de la vieille gauche, regroupés autour du pôle démocratique, contribuent aujourd’hui à cette cause, en appelant à un bulletin de vote blanc, parce qu’ils craignent que le pays ne devienne incontrôlable. C’est la grande peur, c’est la grande attente qui traverse la réalisation du deuxième tour prévu pour le 17 juin.

Curieusement, comme si rien ne se passait, le président sortant Juan Manuel Santos, après le premièr tour électoral, a réalisé une tournée européenne pour matérialiser l’entrée de la Colombie dans l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et son adhésion à l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), qui, en plus de refléter une politique claire de soumission à deux organisations puissantes au service des pays impérialistes, entend donner un message au monde que rien d’extraordinaire ne se passe en Colombie. Un effort futile, car le conseil d’administration du FMI lui-même a activé l’alarme sur les risques des résultats du second tour de l’élection présidentielle.

L’incertitude prévaut pour le deuxième tour.

À moins de deux semaines du deuxième tour, les partis de droite sont sûrs de gagner. Les sondeurs annoncent quotidiennement que l’intention de voter pour Duque grandit et en retour ils maintiennent qu’une fois de plus le vote blanc sera exprimé avec force, tout cela avec la ferme intention de détourner l’attention des électeurs. Mais ils ne cachent pas non plus leurs peurs. Tout est très fragile et ils ne savent pas vraiment comment l’électorat réagira à cette occasion. D’autant plus si l’on considère que la différence de deux millions de Duque par rapport à Petro au premier tour est très incohérente. Une étude détaillée montre que, par exemple, dans le département d’Antioquia, bastion du paramilitarisme, des bandes criminelles légitimées sous la direction d’Álvaro Uribe, des grands propriétaires terriens, où il y a eu plus de déplacements de population et plus de terres usurpées des familles paysannes pauvres, le candidat de droite a dépassé Petro avec 1,1 million de voix. Cela reflète clairement qu’il y avait là une pression énorme, basée sur des menaces directes à la population pour soutenir Ivan Duque. Maintenant que les résultats du premier tour sont connus, il ne serait pas surprenant que les électeurs de ce département se joignent au torrent politique de la candidature de Gustavo Petro.

Vote critique pour Gustavo Petro

Il est juste de reconnaître que le phénomène politique intéressant qui se déroule aujourd’hui en Colombie ne peut être considéré comme un glissement vers la gauche, ni comme un signe d’une tendance révolutionnaire et socialiste au sein de la population. Il s’agit essentiellement d’un acte de rébellion politique et démocratique contre l’exclusion, contre tous les vices que la politique des hommes d’affaires et des propriétaires terriens a engendrés, comme la corruption, l’impunité, le pillage, la dépossession et la dégradation de l’environnement ; et surtout, un rejet retentissant du danger d’un retour à la violence qu’un gouvernement d’extrême droite comme celui d’Uribe peut repousser dans le pays.

Gustavo Petro, avec son programme pour "Une Colombie Humaine", reflète beaucoup de ces désirs, mais pas dans la perspective pour éliminer les causes profondes de l’inégalité économique, sociale et politique. Son programme est une bonne intention d’"humaniser" le modèle économique capitaliste, alors que le but est de le subvertir, s’il s’agit vraiment de parvenir à des solutions stables et durables, ce qui ne sera possible qu’avec l’aide d’un gouvernement des travailleurs et du peuple, qui, soutenu par la mobilisation permanente de la population, puisse construire un véritable régime ouvrier, populaire et démocratique, au service des grandes majorités et souverain qui rompt les liens qui lient la nation aux puissances étrangères.

Les membres de l’Unité Internationale des Travailleurs (UIT-QI) nous constatons cette énorme lacune dans le programme et les perspectives de la candidature et du mouvement de Petro. Pour cette raison, nous devons avertir la classe ouvrière et les secteurs populaires ne ressentent pas une grande frustration lorsqu’ils voient que Petro n’est pas disposé à dépasser les limites fixées par le modèle de développement capitaliste.

Mais nous avons aussi l’obligation de reconnaître la réalité et d’agir activement dans ce phénomène authentique, positif et progressif qui se produit aujourd’hui dans tout le pays. Il n’y a pas de meilleur moyen qu’accompagner la population rebelle et combative dans cette expérience électorale, en agissant activement pour que les travailleurs urbains et de la campagne, les communautés indigènes, les jeunes, les plus humbles, les femmes opprimées et, en général, tous les exclus, puissent soutenir de manière critique la candidature de Gustavo Petro. De cette manière, nous pouvons poursuivre la bataille contre l’autre rive, où l’ultra-droite a été placée, avec Ivan Duque et Álvaro Uribe comme capitaines du Centre Démocratique, le Parti Libéral, le Parti Conservateur, le Parti de la U, le Parti du Changement Radical, les grands médias, les multinationales et, bien sûr, les gouvernements des puissances économiques et de la région, qui ne veulent pas qu’en Colombie puisse se developper un processus de changements et transformations profondes.

Il n’y a pas de tâche plus importante à l’heure actuelle que d’appeler à un vote critique pour Petro, connaissant les limites de son programme et en sachant qu’il est nécessaire d’exiger des solutions substantielles. Cette tâche ne s’achèvera pas le 17 juin prochain, mais doit être projetée dans l’avenir, de sorte qu’elle puisse se traduire par un grand équilibre politique et organisationnel.

Nous devons sortir et convaincre les indécis ou ceux qui prévoient de voter en blanc que l’événement électoral sera plus efficace politiquement si la candidature de Gustavo Petro est soutenue le 17 juin. En même temps que cette tâche est accomplie, il est nécessaire de promouvoir des espaces de débat pour discuter des questions fondamentales, du programme à réaliser, du type d’organisations et de dirigeants nécessaires, ainsi que des tâches de lutte et de mobilisation directe dans cette nouvelle étape de la vie politique nationale, afin que cette grande illusion des travailleurs, des jeunes et des secteurs populaires ne soit pas frustrée à court terme.

De cette façon, nous proposons le programme suivant pour le pays et pour lutter pour une Colombie libre, souveraine et indépendante de tout joug étranger :

Non aux bases américaines et à l’adhésion à l’OTAN.
Prison, expropriation de leurs biens et rapatriement du capital à toutes les personnes corrompues, afin que ces ressources puissent être utilisées pour répondre aux besoins de la population.
Nous rejetons la livraison des ressources naturelles et rejetons l’économie extractive qui gaspille le patrimoine national et cause de véritables désastres écologiques comme ceux qui sont évidents aujourd’hui dans l’urgence que connaît la construction du barrage de Hidroituango.
Nous disons non au paiement de la dette extérieure frauduleuse.
Augmentation générale des salaires pour couvrir le coût du panier familial.
Des emplois décents grâce à des contrats à durée indéterminée.
Non à l’externalisation.
Pleins droits syndicaux pour les travailleurs, la négociation collective et les grèves.
Pour une réforme agraire profonde et radicale qui commence par la restitution des terres aux familles paysannes déplacées par la violence et dépouillées de leurs fermes.
Pour la nationalisation des entreprises qui ont été cédées à des multinationales, en particulier dans le secteur des services publics.
Enseignement gratuit à tous les niveaux jusqu’à l’université.
Éliminer les lois rétrogrades qui ont fait de la santé un butin pour les entrepreneurs, ainsi que la récupération des fonds de pensions aujourd’hui des vautours financiers.
Fini l’impunité, la punition des promoteurs de la violence et du meurtre, à commencer par Álvaro Uribe et sa famille, qui sont responsables de plus de 250 affaires judiciaires.

Ce sont quelques-uns des consignes politiques essentielles formulés par les militants de l’Unité Internationale des Travailleurs et nous proposons qu’ils soient promus en même temps que la campagne électorale :

Gustavo Petro Président !

Au-delà des résultats des élections, il est clair qu’il existe d’immenses perspectives de lutte et de mobilisation directe. Les enseignants, les travailleurs du pouvoir judiciaire, les communautés paysannes et populaires, les transporteurs -qui ont été l’avant-garde des luttes directes dans la dernière période- auront de meilleures conditions pour que leurs luttes soient renforcées et pour obtenir des triomphes. Nous espérons qu’en surmontant l’obstacle, qui représentait l’existence des organisations de guérilla par ses politiques et méthodes étrangères au mouvement de masse dans la mesure où elles ont déformé la lutte de classe, le peuple colombien peut faire un saut de qualité et rejoindre le torrent de nations et de peuples qui luttent contre le modèle économique capitaliste et embrassent la cause d’un véritable socialisme révolutionnaire avec la pleine démocratie ouvrière.

8 juin 2018

Ruben Osorio

Membre de l’Unité Internationale des Travailleurs-Quarta Internationale (UIT-QI) Colombie

http://www.uit-ci.org/index.php/mundo/2018-04-05-19-26-05/2055-2018-06-11-13-57-11


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